« pouvoir », définition dans le dictionnaire Littré

pouvoir

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

pouvoir [1]

(pou-voir) je peux ou je puis, tu peux, il peut, nous pouvons, vous pouvez, ils peuvent ; je pouvais ; je pus, nous pûmes, vous pûtes, ils purent ; je pourrai ; je pourrais ; point d'impératif ; que je puisse, que nous puissions ; que je pusse, qu'il pût, que nous pussions ; pouvant ; pu ; quand le pronom je suit le verbe, on dit mieux puis-je que peux-je : Puis-je vous être utile ? v. n.
  • 1Avoir la faculté de, être en état de. Chimène : Va, je ne te hais point. - Rodrigue : Tu le dois. - Chimène : Je ne puis, Corneille, Cid, III, 4. Et quand je vous demande après quel est cet homme [à qui vous venez de faire tant d'amitiés], à peine pouvez-vous dire comme il se nomme, Molière, Mis. I, 1. Il faut bien… Répondre comme on peut à ses empressements, Molière, ib. I, 1. Je me vois dans l'estime autant qu'on y peut être, Fort aimé du beau sexe, et bien auprès du maître ; Je crois qu'avec cela, mon cher marquis, je croi Qu'on peut par tout pays être content de soi, Molière, ib. III, 1. Sans songer où je vais, je me sauve où je puis, Boileau, Sat. VI. Par quel gage éclatant et digne d'un grand roi Puis-je récompenser le mérite et la foi ? Racine, Esth. II, 5. Dans leur sang odieux [des Romains] j'ai pu tremper mes mains, Racine, Mithr. V, 1. L'on peut s'enrichir dans quelque art, ou dans quelque commerce que ce soit, par l'ostentation d'une certaine probité, La Bruyère, VI. Gouverne qui peut ; et, quand on est parvenu à être le maître, on gouverne comme on peut, Voltaire, Dict. phil. Gouvernement.

    Elliptiquement, après un verbe à l'impératif : qui peut, celui qui peut. Sauve qui peut ! se tire du péril qui pourra !

    On dit par une construction analogue : le fera qui pourra, c'est-à-dire celui qui pourra le faire le fera. Je ne m'ennuierai point pour ma chère moitié ; Aimera qui pourra, Gresset, le Méch. II, 1.

    On ne peut être… on ne peut faire… il est impossible d'être… de faire… On ne pouvait pas avoir été plus mal pendu que je l'avais été, Voltaire, Candide, 28.

    Au tric-trac, jan qui ne peut (voy. JAN 1).

    Je ne puis qu'y faire, je n'ai aucun moyen d'empêcher la chose dont il s'agit. Je vois bien que j'ai tort, mais je n'y puis que faire, Molière, Femm. sav. v, 1.

  • 2Ne pouvoir pas que… ne…, ou ne pouvoir que… ne… (avec le subjonctif), être dans l'impossibilité de ne pas… Je ne puis, monseigneur, qu'au milieu de mes maux je ne m'estime fort heureux, Guez de Balzac, liv. I, lett. 4. Je ne puis, cher ami, qu'avec toi je ne rie Des subtiles raisons de sa poltronnerie, Corneille, la Suiv. IV, 6. Vous ne pouvez pas que vous n'ayez raison, Molière, l'Av. I, 7. Je ne puis, ma bonne, que je ne sois en peine de vous, quand je songe…, Sévigné, 12 fév. 1672. Je ne puis que je n'admire cette modestie, Bossuet, Cornet. Je ne puis cette fois que je ne les excuse, Boileau, Sat. X.

    Ne pouvoir que ne, avec un nom de chose pour sujet, ne pouvoir point ne pas. Ce reproche vraiment ne peut qu'il ne m'étonne, Corneille, Suiv. II, 11. La nouvelle ne put qu'elle ne causât quelque mouvement dans la faculté de théologie, Auteurs déguisés, p. 63.

  • 3En parlant des choses, être capable de. Si la réputation et la vertu pouvaient dispenser de la loi commune, l'illustre Julie vivrait encore, Fléchier, Mme de Mont. Plus le prince [fils de Louis XIV] qu'il gouvernait avait de bonté et de docilité naturelle, plus il éloignait tout ce qui pouvait le corrompre, Fléchier, Duc de Mont. L'honneur seul peut flatter un esprit généreux, Racine, Esth II, 5. Rien ne peut prospérer sur des terres ingrates, Racine L. la Grâce, I. Le vrai est comme il peut, et n'a de mérite que d'être ce qu'il est, Staal, Mém. t. I, p. 55. Tu sais qu'un mot de moi peut donner le trépas, Delavigne, Mar. Faliero, I, 8.
  • 4Avoir la permission, la liberté de. Puis-je me plaindre a vous d'un retour inégal…, Corneille, Sertor. IV, 2. Cependant aujourd'hui puis-je vous demander Quels amis vous avez prêts à vous seconder ? Racine, Athal. I, 2.
  • 5Souvent il exprime le doute, la possibilité.

    Avec un nom de personne pour sujet. Non, non, ce cher objet à qui j'ai pu déplaire, Corneille, Cid, III, 1. On pouvait le prévenir, mais on ne pouvait le corrompre, Fléchier, Duc de Mont. Pourriez-vous n'être plus ce superbe Hippolyte, Implacable ennemi des amoureuses lois…, Racine, Phèdre, I, 1. Oenone, il peut quitter cet orgueil qui te blesse, Racine, Phèdre, III, 1. Il rit de cette perfidie [enlever une maîtresse à un autre], Et j'aurais pu m'en courroucer ; Mais je sais qu'il faut se passer Des bagatelles dans la vie, Voltaire, Ép. XIX. Pouvant mourir dans peu d'instants, il ne disait pas un mot qui fût religieux ni sensible, Staël, Corinne, XII, 2.

    Avec un nom de chose pour sujet. Quelque juste pourtant que puisse être sa peine, Corneille, Cid, II, 8. Sganarelle : J'ai une grande inclination pour la fille. - Marphurius : Cela peut être, Molière, Mar. forcé, 8. Le traité de Versailles qui durera ce qu'il pourra, Diderot, Salon de 1765, Œuv. t. XIII, p. 27, dans POUGENS.

    Il se dit aussi impersonnellement en ce sens. Il pourra venir un temps meilleur. Il en sera ce qu'il pourra, Molière, Mar. forcé, 8. Tout allait comme il pouvait, Bossuet, Hist. III, 5. Il ne peut y avoir de mœurs, il ne peut point y avoir de bonne éducation, partout où c'est l'argent et non le talent qui conduit aux grandes places, D'Holbach, Essai préj. dans DUMARSAIS, Œuv. t. VI, p. 79.

    Il peut être midi, c'est-à-dire il est probable qu'il est midi. Il pouvait être dix heures : je venais d'éteindre ma lampe et de me coucher, Bernardin de Saint-Pierre, Paul et Virg.

  • 6Se résoudre à. Et je puis dans son sein enfoncer un poignard ! Corneille, Cinna, III, 2. Et qui peut immoler sa haine à sa patrie, Lui pourrait bien aussi sacrifier sa vie, Racine, Théb. III, 6. Lui qui me fut si cher, et qui m'a pu trahir ! Racine, Andr. II, 1. Tyrans que j'ai vaincus, je pourrais vous servir ! Peuples que j'ai sauvés, je pourrais vous trahir ! Voltaire, Brutus, III, 7.
  • 7Cette salle est grande, il y peut cent personnes, il y a place pour cent personnes. On se sert de ce verbe d'une façon bien étrange, qui néanmoins est si ordinaire à la cour, qu'il est certain qu'elle est très française ; on dit en parlant d'une table ou d'un carrosse : il y peut huit personnes, pour dire il y a place pour huit personnes, ou il y peut tenir huit personnes, Vaugelas, Rem. p. 163 (éd. 1704).
  • 8Au subjonctif, il sert à exprimer un vœu, un souhait ; alors il se met en tête de la phrase, avec son sujet après lui. Puissent tous ses voisins [de Rome] ensemble conjurés Saper ses fondements encor mal assurés… Puissé-je de mes yeux y voir tomber ce foudre…, Corneille, Hor, IV, 5. Vos yeux me reverront dans Oreste mon frère ; Puisse-t-il être, hélas ! moins funeste à sa mère ! Racine, Iphig. v, 3. Puisse périr comme eux quiconque leur ressemble ! Racine, Athal. IV, 2.

    Avec un nom exprimé avant le verbe, il faut ajouter après le verbe un pronom. Les dieux de ce dessein puissent-ils le distraire ! Racine, Brit. IV, 4.

  • 9Le se peut se placer devant pouvoir, sans que pouvoir soit pour cela verbe réfléchi ; se appartient alors au verbe à l'infinitif qui suit : Il se peut faire, pour il peut se faire. Mais ce champ ne se peut tellement moissonner, Que les derniers venus n'y trouvent à glaner, La Fontaine, Fabl. III, 1. Partout où se pouvait étendre son pouvoir, l'oppression et l'injustice n'étaient pas libres, Fléchier, Duc de Mont.

    Dans ce cas, pouvoir se conjugue comme les verbes réfléchis, c'est-à-dire avec le verbe être. Je ne voulus point commencer à rejeter tout à fait aucune des opinions qui s'étaient pu glisser autrefois en ma créance sans y avoir été introduites par la raison, Deschamps, Méth. II, 5. Je m'imagine que tu ne t'es pu empêcher de rire, Perrot D'Ablancourt, Lucien, Défense du discours sur ceux qui servent les grands. Un embarras qui a continué et qui ne s'est pu débrouiller, Pascal, dans COUSIN.

  • 10 V. a. Avoir l'autorité, le crédit, le moyen, etc. Sachant ce que vous pouvez… je ne me mets plus en peine de mon intérêt, Guez de Balzac, liv. I, lett. 2. Sous lui [Louis XIV], la France a appris à se connaître.. . si les Français peuvent tout, c'est que leur rot est partout leur capitaine, Bossuet, Mar.-Thér. J'ai vengé l'univers autant que je l'ai pu, Racine, Mithr. v, 5. Vous pouvez sur Pyrrhus ce que j'ai pu sur lui [Hector], Racine, Andr. III, 4. Que peuvent contre lui [Dieu] tous les rois de la terre ? Racine, Esth. I, 3. Je lui demandai en quoi consistait l'autorité du roi, et il me répondit : il peut tout sur les peuples ; mais les lois peuvent tout sur lui, Fénelon, Tél. v. Peut-être ne ferait-on pas tout ce qu'on peut, sans l'espérance de faire plus qu'on ne pourra, Fontenelle, Dodart. Lorsqu'on ne peut, monsieur, faire ce que l'on veut, Il faudrait essayer à vouloir ce qu'on peut, Baron, Andrienne, II, 1. L'homme ne peut rien sur le produit de la création ; il ne peut rien sur les mouvements des corps célestes, sur les révolutions de ce globe qu'il habite ; il ne peut rien sur les animaux, les végétaux, les minéraux en général ; il ne peut que sur les individus, Buffon, Quadrup. t. I, p. 5. Ils raisonnent comme s'ils ne pouvaient rien ; ils agissent comme s'ils pouvaient tout, Barthélemy, Anach. ch. 71.

    Absolument. Lui seul pouvait pour soi, cédez alors qu'il tombe, Corneille, Pomp. I, 1. Adieu, madame, adieu, je n'ai pu davantage, Corneille, Héracl. III, 2.

  • 11Il se dit, en un sens analogue, des choses qui exercent une action. Ce que n'a pu jamais combat, siége, embuscade, Ce que n'a pu jamais Aragon, ni Grenade, Corneille, Cid, II, 9. Essayez sur Cinna ce que peut la clémence, Corneille, Cinna, IV, 4. La violence et la vérité ne peuvent rien l'une sur l'autre, Pascal, Prov. XI. La fortune ne pouvait rien sur elle : ni les maux qu'elle a prévus, ni ceux qui l'ont surprise, n'ont abattu son courage, Bossuet, Reine d'Anglet. Mais que peuvent pour lui vos inutiles soins ? Racine, Athal. v, 2. On ne saurait comprendre ce que peut sur les esprits une parole, un air de bonté, un regard du général, dans un jour d'action, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. IV, p. 154, dans POUGENS.
  • 12On ne peut rien de plus habile, de plus plaisant, etc. que…, c'est-à-dire on ne peut faire, on ne peut dire rien de plus… On ne peut rien de plus plaisant que ce que vous dites, Sévigné, 288. On ne peut rien de plus joli que toutes vos imaginations, Sévigné, 14 oct. 1694. On ne peut certainement rien de plus fort que ce que dit Votre Altesse Royale pour prouver la nécessité absolue, Voltaire, Lett. Pr. roy. de Pr. 23 janv. 1738. On ne peut rien de plus précis, pour prouver l'innocence naturelle de l'homme, Bernardin de Saint-Pierre, Chaum. ind. Préamb.
  • 13Les mots beaucoup, peu, plus moins, construits avec pouvoir, doivent être considérés comme les régimes directs de ce verbe, qui reste actif. Pouvant beaucoup sur l'esprit du roi comme vous pouvez, Guez de Balzac, liv. IV, lett. 18. Commençant dès lors à ne compter pour rien les miennes propres [opinions], à cause que je les voulais remettre toutes à l'examen, j'étais assuré de ne pouvoir mieux que de suivre celle des mieux sensés, Descartes, Méth. III, 2. Mais sur le grand César je puis fort peu de chose, Corneille, Pomp. IV, 2. Et l'État qu'il soutient ne pouvait moins pour lui, Voltaire, Tancr. I, 1.

    On ne peut plus, on ne peut mieux, c'est-à-dire il n'est pas possible de faire plus, de faire mieux. Vous voilà on ne peut pas mieux, ajouta-t-elle en me prenant par la main pour me faire asseoir, Marivaux, Pays. parv. part. IV. Les métaphysiciens plagiaires sont on ne peut pas plus communs, Condillac, Art de pens. I, 6.

  • 14N'en pouvoir plus, être fatigué, abattu, sans force. Donnez, je vous prie, du pain à ceux qui sont avec moi, parce qu'ils n'en peuvent plus, Sacy, Bible, Juges, VIII, 5. Enfin, n'en pouvant plus d'effort et de douleur, Il met bas son fagot, La Fontaine, Fabl. I, 16. J'ai le cœur serré à n'en pouvoir plus, quand je suis dans cette grande chambre où j'ai tant vu ma très chère et très aimable enfant, Sévigné, 182. L'empire d'Occident n'en pouvait plus, Bossuet, Hist. I, 11. Ce pauvre garçon n'en pouvait plus d'amour pour elle, Hamilton, Gramm. 10. L'horreur pour le fanatisme s'introduit dans tous les esprits éclairés… je ne suis plus bon à rien ; je suis comme ce Danois qui, étant las de tuer à la bataille d'Hochstett, disait à un Anglais : brave Anglais, va-t'en tuer le reste, car je n'en puis plus, Voltaire, Lett. Saurin, 28 févr. 1764. Candide, n'en pouvant plus [il passait par les verges], demanda en grâce qu'on voulût bien avoir la bonté de lui casser la tête, Voltaire, Cand. 2. Vous n'en pouvez plus, lui dit-il [Charles XII], mon cher Reichel ; j'ai dormi une heure, je suis frais…, Voltaire, Russie, II, 6.

    N'en pouvant plus que… avec le verbe au subjonctif, impatient de… À peine tenait-elle à terre, n'en pouvant plus qu'elle ne fût seule pour donner un libre cours à sa joie, La Fontaine, Psyché. II, p. 150.

    Il n'en peut mais, ce n'est pas sa faute (dans cette locution, mais représente le latin magis). Le malheureux lion se déchire lui-même, … Bat l'air qui n'en peut mais, La Fontaine, Fabl. II, 9. Sur la tentation ai-je quelque crédit, Et puis-je mais, chétif, si le cœur leur en dit ? Molière, Dép. am. v, 3. Faut-il de vos chagrins sans cesse à moi vous prendre, Et puis-je mais des soins qu'on ne va pas vous rendre ? Molière, Mis. III, 5.

    Tel en pâtit qui n'en peut mais, c'est-à-dire on porte la peine de ce dont on n'est point cause.

  • 15Se pouvoir, v. réfl. Être possible (mot à mot, être pu ; c'est le réfléchi de pouvoir, actif). Avez-vous donc espéré de faire l'impossible, que vous n'êtes pas satisfait d'avoir fait tout ce qui s'est pu ? Voiture, Lett. 89. Je ne sais pas si cela se peut ; mais je sais bien que cela est, Molière, Am. méd. II, 2.

    Impersonnellement. Le pauvre : [Mon occupation est] de prier le ciel tout le jour pour la prospérité des gens de bien qui me donnent quelque chose. - D. Juan : Il ne se peut donc pas que tu ne sois bien à ton aise ? Molière, D. Juan, III, 2. Il ne se peut rien de plus beau, Molière, Am. magn. III, 1. On ne saurait assez louer tout ce qu'a dit et fait Monsieur le Prince [Condé] jusqu'au dernier moment, et sa mort est, s'il se peut, plus belle que sa vie, Dangeau, I, 427, 11 déc. 1686. Se peut-il que Renaud tienne Armide asservie ? Quinault, Arm. III, 1. Il peut haïr les hommes en général, où il y a si peu de vertu ; mais il excuse les particuliers… et il s'étudie à mériter le moins qu'il se peut une pareille indulgence, La Bruyère, XI. Il se peut que la vue de toutes ces étoiles favorise la rêverie, Fontenelle, Mondes, 1er soir.

    Tout ce qui se peut, autant qu'il est possible. Les sociniens étaient ignorants, tout ce qui se peut, dans la connaissance des Pères, Bayle, Lett. à Marais, 2 oct. 1698.

  • 16L'infinitif pris substantivement. Une action que nous faisons … doit encore venir immédiatement de Dieu, qui étant, comme premier être, cause immédiate de tout être, comme premier agissant doit être cause de toute action ; tellement qu'il fait en nous l'agir même, comme il y fait le pouvoir agir, Bossuet, Libre arb. 8.

PROVERBES

Qui ne prend le bien quand il peut, ne le trouve pas quand il veut, c'est-à-dire celui qui laisse échapper une bonne occasion d'obtenir ce qu'il désire, la retrouve rarement.

Qui peut plus peut moins, celui qui peut le plus peut pour cela même le moins.

REMARQUE

On dit : je ne puis et je ne puis pas. Dans le premier exemple la négative est moins forte. Je ne puis suppose des embarras, des difficultés, des inconvénients. Je ne puis pas, exprime une impossibilité absolue.

HISTORIQUE

IXe s. In quant Deus savir et podir me dunat [me donne de savoir et de pouvoir], Serment. Si io returnar non l'int pois [si je ne puis l'en détourner], ib.

Xe s. Ne ule cose non la pouret omque pleier [fléchir], Eulalie. E repausar se podist, Fragm. de Valenc. p 468. Que lo posciomes [que nous le puissions], ib. p. 469.

XIe s. Ne poet estre altre, turnent el consirrer [à faire ce qui est dit] ; Mais la dolur ne pothent ublier, St Alexis, XXXII. Respond Rolans : j'i puis aler mult bien, Ch. de Rol. XVIII. Si come il pout [put], du pin est avalet, ib. LXXIX. Souz ciel n'a [il n'y a] gent qui plus poissent en champ [de bataille], ib. CCXVIII. Onze millie chevaliers [ils] poent estre, ib. CCXX. Il ne poet estre [il est impossible] qu'il seient desevrez, ib. CCLXXXVI.

XIIe s. [Amour] Me fait chanter de la plus debonaire Qu'on puist au mont [monde] ne vouer ne trouver, Couci, II. Diex ! car [je] le [la] peüsse tenir Un seul jour à ma volenté ! ib. III. Par nule raison dewerpir [abandonner] ceu [ce] où li primier puyent [peuvent] mettre lor mains, Saint Bernard, 521.

XIIIe s. C'est grant enfance kant li hons [l'homme] ne set refraindre son couraige ; qui plus peut, plus deit soufrir, Proverbes de Seneke le philos. Ceste gent ne puent plus paier, Villehardouin, XXXVIII. Chose que on me puist [puisse] à mal blasme atourner, Berte, III. Aliste, se je puis très bien [je] marierai, ib. VII. Ainsi [ils] l'ont devisé, Diex les puisse honnir, ib. XII. Li veneor les chiens atice, Et amoneste durement ; Et Ysengrin bien se deffent ; As denz les mort ; qu'en puet-il mès ? Ren. 1227. Il fu jugié que noz, de nostre of. fice…, poyons et devions tenir les parties emprisonées, Beaumanoir, LX, 18. Et c'est bien resons que cil qui a esté à mon conseil ou avocat en me [ma] querele, ne puist puis estre contre moi de celle meisme querele, Beaumanoir, V, 4.

XIVe s. De grises nonains à vous plaindre Nous vencns, qui passer nous vuelent, Et se painent quank'eles puelent, Jean de Condé, t. III, p. 21.

XVe s. Car bien savoit [le comte de Flandre] que il les [les Gantois] avoit si avant menés que ils n'en pouvoient plus, Froissart, II, II, 150. Si manda par des herauts au duc de Normandie son cousin, que bataille se put faire entre eux, Froissart, I, I, 118. Une bastide de gros merriens à maniere d'une recueillette, où bien pouvoient mille hommes, Froissart, II, II, 67. Et avoient fait charpenter un engin, auquel avoit trois estages, et en chascun estage pouvoient vingt arbalestriers, Froissart, II, III, 2. Et estoit l'intention [du roi de France] que [ses gens] se delivrassent de prendre Evreux, ou de l'avoir par composition au plutost que ils pouvissent, Froissart, II, II, 30. Quand ils furent tous assemblés à St-Quentin… ils regarderent quel nombre de gens ils pouvoient estre ; si trouverent qu'ils estoient bien six mille armures de fer…, Froissart, I, I, 109. Riens ne se puet comparer à Paris ; C'est la cité sur toutes couronnée, Deschamps, S. les beautés de Paris. Et laissa de ses gens dedens pour garder que ceux du chastel ne peusissent saillir, Fenin, 1415. Et pour ce que il luy sembloit que il n'en pouvoit assez faire, ne prenoit aussi comme point de repos, Bouciq. I, 16. Et jamais n'en estoit peu venir à bout, Commines, IV, 5.

XVIe s. Transportezvous vers luy… pourra estre que de luy aurez ce que pretendez, Rabelais, Pant. III, 21. Si eschapper te puis en bonne sorte, Rien ne m'escrips, mais toi mesmes apporte Cette faconde et eloquente bouche, Rabelais, Ép. à Bouchet. Peusse-je au moins d'un pinceau plus agile De ces palais les portraits façonner ! Du Bellay, J. VI, 58, verso. J'ay grande pitié de toy, veu que, n'estant point prisonniere, tu puis endurer un si meschant homme que Alexandre, Amyot, Pélop. 52. Que desormais autant en puisse il prendre à qui voudra telle chose entreprendre, Amyot, Gracques, 31. …Se pourroit-il bien faire Qu'elle pensast, parlast, ou se souvinst de moy ? Ronsard, 237. Je ne me suis peu garder d'envoyer ce porteur pour sçavoir de vos nouvelles, Marguerite de Navarre, Lett. 95. Ce desplaisir se peult signifier par larmes, les autres surpassant tout moyen de se pouvoir exprimer, Montaigne, I, 7. Il se pouvoit vanter d'estre…, Montaigne, I, 91. Ce sexe n'y est encores pu arriver, Montaigne, I, 210. Sa façon externe pouvoit n'estre pas [n'était peut-être pas] civilisée à la courtisane, Montaigne, I, 147. Autant d'hommes qu'il en pourroit en une telle espace, Montaigne, I, 247. Si aggravé de… que nature n'en pouvoit plus, Montaigne, I, 341. Contre fortune nul ne peut, Cotgrave Qui mieux ne peut à sa vieille retourne, Cotgrave

ÉTYMOLOGIE

Bourguig. pôvoi ; wallon, poleur ; provenç. et espagn. poder ; ital. potere ; d'une forme latine potēre, au lieu de posse, justifiée par le bas-latin poteret pour posset, potemus pour possumus, potebat pour poterat, etc. (voy. DIEZ, à potere). La forme wallone poleur se rapporte à puelent pour peuvent, qui s'est dit dans le Hainaut (voy. l'historique). La forme ancienne est pooir, le v est moderne et de prononciation.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1. POUVOIR. - REM. Ajoutez :

2. Dans le XVIe s. et au commencement du XVIIe, on écrivait peu ce que nous écrivons pu. Régnier l'a fait rimer avec feu : Es cendres d'Alexis amour nourrit le feu Que jamais par mes pleurs éteindre je n'ai peu, Dial. Était-ce une rime pour les yeux, ou prononçait-on en effet peu ?

3. La tournure : il s'est pu faire, vieillit ; et au n° 10 je n'en cite d'exemples que pris chez des écrivains du XVIIe siècle. En voici un du XVIIIe : Quiconque s'est pu livrer aux superstitions, Voltaire, Exam. important de milord Bolingbroke, ch. XXIII. Elle n'est donc pas tombée en désuétude ; et on peut s'en servir.

4. Par un gallicisme singulier, mais reçu, on dit : il peut tant de personnes à cette table ; il peut tant de linge en cette armoire. Mais c'est une faute de dire : tant de personnes peuvent à cette table, tant de linge peut en cette armoire. Cette faute ou, si l'on veut, ce provincialisme se rencontre souvent dans la bouche des Normands.

5. Voltaire a dit : Peut-être, en vous parlant ainsi, C'est vous donner trop de louanges ; Mais il se pourrait bien aussi Que je fais trop d'honneur aux anges, Stances, III. Que je fais ou que je fasse ? cela dépend de l'intention de celui qui parle. L'indicatif est plus affirmatif que ne serait le subjonctif.