« oreille », définition dans le dictionnaire Littré
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oreille
Résumé
- 1° Appareil de l'audition qui est divisé en trois parties.
- 2° Organe de l'ouïe, placé de chaque côté de la tête.
- 3° L'ouïe, le sens qui perçoit les sons.
- 4° Appréciation des sons musicaux.
- 5° Délicatesse de l'ouïe.
- 6° La partie externe qui est autour du trou de l'oreille.
- 7° Fig. Les oreilles du cœur.
- 8° Fig. Attention, intérêt, confiance.
- 9° Oreille se dit quelquefois pour la personne qui entend, qui écoute.
- 10° Il se dit de ce qui a quelque ressemblance avec la figure d'une oreille.
- 11° Petite partie du haut ou du has d'un feuillet d'un livre qu'on a plié pour marquer une page.
- 12° Oreille de ballot, le coin de la toile qui enveloppe le ballot.
- 13° Les deux espèces de grosses dents qui terminent le peigne des deux côtés.
- 14° Différentes acceptions dans le langage de la marine.
- 15° L'une des deux cimes d'une montagne bifurquée.
- 16° Appendice de certaines feuilles.
- 17° Ancien nom des oreillettes du cœur.
- 18° Nom de différentes plantes et champignons.
- 19° Nom de diverses coquilles.
- 20° Nom d'un poisson, d'un oiseau.
- 21° Jusqu'aux oreilles.
- 22° Par-dessus les oreilles.
- 1Appareil de l'audition qui est divisé en trois parties : l'oreille externe, qui comprend le pavillon et le conduit auditif ; l'oreille moyenne, formée par la caisse du tympan et ses dépendances ; et l'oreille interne ou le labyrinthe, qui comprend le vestibule, le limaçon et les canaux demi-circulaires.
L'oreille humaine est une machine acoustique de la plus savante composition, et dont l'anatomie moderne donne un détail qui étonnerait le philosophe…
, Bonnet, Contempl. nat. V, 14. - 2Organe de l'ouïe, placé de chaque côté de la tête. Oreille droite, gauche. Les deux oreilles. Les maux d'oreille. Se boucher les oreilles. Un tintement d'oreilles.
Passez donc de l'autre côté ; car cette oreille-ci est destinée pour les langues scientifiques et étrangères, et l'autre est pour la vulgaire et la maternelle
, Molière, Mar. forcé, 6.Faut-il vous le rebattre Aux oreilles cent fois, et crier comme quatre ?
Molière, Tart. V, 3.De toutes les machines, il n'y en a aucune qui travaille autant que la langue, aucune d'aussi orgueilleuse et d'aussi passive que l'oreille
, Diderot, Claude et Nér. II, 20.Fig. Avoir les oreilles bouchées, ne pas écouter, ne pas accorder d'attention.
La mort a des rigueurs à nulle autre pareilles ; On a beau la prier ; La cruelle qu'elle est se bouche les oreilles Et nous laisse crier
, Malherbe, VI, 18.Dans les audiences vulgaires [des juges]… celui-là se présente à vous par coutume ou par bienséance… celui-ci, plus cruel encore, a les oreilles bouchées par ses préventions
, Bossuet, le Tellier.Les oreilles y sont bouchées et les cœurs de fer
, Fénelon, Dial. des morts anc. 18.Entendre des deux oreilles, se dit par pléonasme emphatique pour affirmer qu'on a bien entendu.
Rien n'est plus vrai, madame : je l'ai entendu de mes deux oreilles
, Lamotte, Talisman, sc. 12.Être tout oreilles, écouter avec une extrême attention. Nous sommes tout oreille.
Oh ! vous parlez si bien que je suis tout oreille
, Boissy, Babillard, sc. 9.Familièrement. De toutes ses oreilles, avec une grande attention.
Approchez et venez de toutes vos oreilles Prendre part au plaisir d'entendre des merveilles
, Molière, Femm. sav. III, 2.Nous y sommes de toutes nos oreilles
, Molière, Préc. 10.Écoutez-moi tous deux de toutes vos oreilles
, Baron, Andrienne, II, 3.Vous, monsieur le baron, écoutez de toutes vos oreilles
, Destouches, Fausse Agn. I, 2.Fig. Il entend, il n'entend pas de cette oreille-là, il consent, il ne consent pas, il accède, il n'accède pas.
L'abbé Duviquet, son successeur, entend fort bien de cette oreille-là
, Arnault, Loisirs d'un banni, t. II, p. 48, dans POUGENS.Prêter l'oreille, être attentif.
Prête, sans me troubler, l'oreille à mes discours
, Corneille, Cinna, V, 1.Si vous prêtez l'oreille, vous recevrez l'instruction
, Sacy, Bible, Ecclésiastique, VI, 34.Prêtez-moi l'un et l'autre une oreille attentive
, Racine, Athal. II, 5.Il prête l'oreille au moindre bruit
, Fénelon, Tel. III.Les esprits entre eux se prêtent l'oreille
, Diderot, Ess. sur la vertu.Dans le style relevé ou poétique.
Que la terre prête l'oreille aux paroles de ma bouche !
Bossuet, Hist. II, 3.Cieux, écoutez ma voix ; terre, prête l'oreille !
Racine, Athal. III, 7.Prêter l'oreille, donner créance.
La destinée ordinaire de ceux qui refusent de prêter l'oreille à la vérité, est d'être entraînés à leur perte par des prophètes trompeurs
, Bossuet, Hist. II, 9.Est-ce à vous de prêter l'oreille à leurs discours ?
Racine, Brit. IV, 4.Prêter l'oreille, accéder, écouter favorablement.
Je ne doute point qu'il ne prêtât l'oreille à la proposition
, Molière, l'Avare, IV, 1.Ses douces consolations [d'une abbesse] rétablirent dans le cœur de la princesse Anne ce que d'importuns empressements en avaient banni ; elle prêtait de nouveau l'oreille à Dieu, qui l'appelait avec tant d'attrait à la vie religieuse
, Bossuet, Anne de Gonz.Fig. Ouvrir l'oreille, écouter attentivement. J'ouvre l'oreille et je n'entends rien.
Fig. Ouvrir l'oreille, écouter favorablement les propositions, les suggestions.
Byzance ouvre, dis-tu, l'oreille à ces menées
, Corneille, Héracl. I, 1.Enfin j'ouvre l'oreille aux conseils de la rage
, Rotrou, Antig. I, 6.L'argent lui fait ouvrir les oreilles, se dit de celui qui, pour de l'argent, consent à quelque proposition.
Une marquise ! deux cent mille francs ! oh ! oh ! cela me fait ouvrir les oreilles
, Dancourt, les Fonds perdus, III, 7.Fig. Fermer l'oreille, ne pas vouloir écouter.
Le Parthe… fait un tel effort, Que, la ville aux abois, on lui parle d'accord ; Il veut fermer l'oreille, enflé de l'avantage
, Corneille, Rodog. I, 6.Combien de fois on ferme l'oreille aux plaintes des innocents !
Bossuet, 1er sermon, Quinquagés. I.Fermons l'œil aux présents et l'oreille à la brigue
, Racine, Plaid. II, 14.On ferme l'oreille aux avis qu'on ne se sent pas la force de suivre ; ils importunent parce qu'ils humilient
, Diderot, Claude et Nér. II, 26.On dit dans un sens analogue : détourner ses oreilles de.
Détourne, roi puissant, détourne tes oreilles De tout conseil barbare et mensonger
, Racine, Esth. III, 3.Fermer l'oreille à quelqu'un, l'empêcher d'entendre.
Je crains d'avoir fermé votre oreille à ses cris
, Racine, Phèdre, II, 5.Parler à l'oreille, parler très près de l'oreille et de manière à n'être entendu que de la personne à qui l'on parle.
Ayant la mauvaise coutume de parler toujours aux oreilles des personnes, et de faire un secret de tout
, Scarron, Rom. com. I, 19.La doctrine ancienne [le catholicisme], qui doit être prêchée sur les toits, pouvait à peine parler à l'oreille [dans l'Angleterre protestante]
, Bossuet, Reine d'Anglet.Je ne vous dissimulerai pas même que je n'aime point du tout qu'on se parle à l'oreille quand on est à table, et qu'on dise ce qu'on a fait hier à son voisin qui ne s'en soucie guère, ou qui en abuse
, Voltaire, Lett. d'Autré, 6 sept. 1765.Dire quelque chose à l'oreille de quelqu'un, lui parler de manière à n'être entendu que de lui seul.
Vous n'avez pu savoir cette grande nouvelle, Sans la dire à l'oreille à quelque âme infidèle
, Corneille, Héracl. II, 1.De la moindre vétille il fiat une merveille, Et jusques au bonjour il dit tout à l'oreille
, Molière, Mis. II, 5.Des bruits incertains se disaient à l'oreille parmi les courtisans
, Hamilton, Gramm. 5.Puis-je en secret, Ô gentille merveille, Vous dire ici quatre mots à l'oreille ?
Voltaire, Enf. prodigue, IV, 2.Dire deux mots à l'oreille de quelqu'un, le menacer, et même lui proposer un duel.
Il faut que de ce fat j'arrête les complots, Et qu'à l'oreille un peu je lui dise deux mots
, Molière, Tart. III, 1.Souffler quelque chose aux oreilles de quelqu'un, lui dire quelque chose secrètement.
On dit de même : murmurer à l'oreille.
Ne leur irez-vous pas murmurer à l'oreille : Vous qui vivez, donnez une pensée aux morts ?
Hugo, Rayons et ombres, XXXIV.Cela lui entre par une oreille et lui sort par l'autre, se dit de celui qui ne fait pas grand cas de ce qu'on lui dit, ou de celui qui n'a pas beaucoup de mémoire ou d'attention.
Le Grenadin, sur cela, se répandit en remercîments, qui ne m'auraient fait qu'entrer par une oreille et sortir par l'autre, s'il ne m'eût assuré que sa reconnaissance suivrait de près le service que je lui rendais
, Lesage, Gil Bas, VIII, 8.Familièrement. Avoir les oreilles battues, rebattues d'une chose, être ennuyé d'en entendre parler.
Étourdir, rompre les oreilles à quelqu'un, l'importuner par ses discours.
Corner quelque chose aux oreilles de quelqu'un, vouloir persuader quelque chose à quelqu'un à force de lui en parler.
Les oreilles ont dû vous corner, se dit à quelqu'un dont on a beaucoup parlé pendant son absence (locution née d'une vieille idée populaire, que, lorsque les oreilles vous cornent, c'est signe qu'on parle de vous).
Les oreilles lui cornent, il croit entendre ce qu'il n'entend pas.
Les oreilles lui en tintent, se dit de quelqu'un auquel on rebat quelque chose.
- 3L'ouïe, le sens qui perçoit les sons. Avoir l'oreille fine. Être dur d'oreille.
Tout ignorant se surprend par l'oreille
, Scarron, Poés. div. Œuv. t. VII, p. 167, dans POUGENS.Des Romains expirants sous un cruel vainqueur Les cris vont à l'oreille et ne vont point au cœur
, Brébeuf, Phars. VII.Je vous étudie des yeux et des oreilles
, Molière, Critique, 3.Ce sont repas friands qu'on donne à mon oreille
, Molière, Femm. sav. III, 1.Que ferez-vous ici, faibles discoureurs ?… dissiperez-vous ces conseils cachés en chatouillant les oreilles ?
Bossuet, Bourgoing.Mais il est des objets que l'art judicieux Doit offrir à l'oreille et reculer des yeux
, Boileau, Art p. III.Oui, c'est Agamemnon, c'est ton roi qui t'éveille ; Viens, reconnais la voix qui frappe ton oreille
, Racine, Iph. I, 1.Elle pourrait avoir écouté sans avoir entendu ; la salle est grande, et la bonne dame n'a pas l'oreille fine
, Dancourt, la Folle enchère, sc. 8. À l'oreille, à l'audition.Tel écrit récité se soutint à l'oreille, Qui, dans l'impression au grand jour se montrant, Ne soutient pas des yeux le regard pénétrant
, Boileau, Art p. IV.N'avoir point d'oreilles pour quelque chose, ne pas vouloir y accéder.
Ils [les Juifs] n'eurent plus d'yeux ni d'oreilles que pour celles [des prophéties] qui leur annoncent des triomphes
, Bossuet, Hist. II, 5.N'avoir point d'oreilles pour quelqu'un, ne pas l'écouter.
Il n'a point d'yeux pour lui, ni d'oreilles pour moi
, Corneille, Perthar. V, 1.Venir à l'oreille, aux oreilles de quelqu'un, arriver à sa connaissance.
Il ferait le diable à quatre, si cela venait à ses oreilles
, Molière, G. Dand I, 2.Le bruit parvint jusqu'aux oreilles de Sésostris
, Fénelon, Tél. II.Faire la sourde oreille, ne pas vouloir entendre ce qu'on vous dit, ne pas vouloir faire ce qu'on vous demande.
Je voyais… Neptune à mes cris faire la sourde oreille
, Malherbe, V, 26.Il m'en a bien dit quelque petite chose ; mais j'ai fait la sourde oreille
, Genlis, Théât. d'éduc. l'Amant anonyme, IV, 2.Cela écorche l'oreille, cela est très rude, très peu agréable à entendre.
Un seul endroit y mène [à la gloire] et de ce seul endroit Droite et roide… Pluton : Ah ! elle m'écorche les oreilles
, Boileau, les Héros de roman. - 4Appréciation des sons musicaux. Avoir l'oreille juste. Avoir l'oreille fausse.
Quoique les musiciens distinguent fort bien les différentes consonnances, ce n'est point qu'ils en distinguent les rapports par des idées claires ; c'est l'oreille seule qui juge chez eux de la différence des sons ; la raison n'y connaît rien
, Malebranche, Rech. vér. Éclairc. liv. III, t. IV, p. 213, dans POUGENS.Absolument. Avoir de l'oreille, apprécier la justesse des sons, la régularité de la mesure. On dit par opposition : n'avoir pas d'oreille.
- 5Délicatesse de l'ouïe.
Qui témoigna jamais une si juste oreille à remarquer des tons les divers changements ?
Malherbe, VI, 1.Le vers le mieux rempli, la plus noble pensée, Ne peut plaire à l'esprit quand l'oreille est blessée
, Boileau, Art p. I.Comme le remarque Quintilien, il n'est guère possible qu'une chose aille au cœur, quand elle commence par choquer l'oreille, qui en est comme le vestibule et l'entrée
, Rollin, Traité des Ét. III, 3.Pour obéir à l'oreille, jamais ne négligeons le nombre, mais varions-le souvent
, D'Olivet, Prosod. franç. V, 2.Les oreilles, que Cicéron appelle superbes, sont fort capricieuses
, Voltaire, Lett. Chabanon, 16 mars 1767.Avec un peu d'oreille de la part de l'écrivain, les hiatus ne seront ni fréquents ni choquants dans sa prose
, D'Alembert, Mél. litt. Œuv. t. III, p. 234, dans POUGENS.Les vers sont une espèce de chant, sur lequel l'oreille est si inexorable, que la raison même est quelquefois contrainte de lui faire de légers sacrifices
, D'Alembert, Sur le goût, Œuv. t. III, p. 417.Avoir de l'oreille, avoir le sentiment de la cadence et de l'harmonie.
Tout le quatrième chant [de l'Énéide] est rempli de vers touchants qui font verser des larmes à ceux qui ont de l'oreille et du sentiment
, Voltaire, Dict. phil. Épopée.Il suffit d'avoir un peu d'oreille pour éviter les dissonances
, Buffon, Morc. choisis, p. 10.Tous ces vers sont pleins de dissonances ; et celui qui ne les sent pas n'a point d'oreille
, Diderot, Lett. sur les sourds et muets.Fig. Avoir les oreilles délicates, se choquer des moindres choses.
Fig. Avoir les oreilles chastes, craindre les paroles qui blessent la pudeur.
Quelqu'un même des laquais cria tout haut qu'elles étaient plus chastes des oreilles que de tout le reste du corps
, Molière, Critique, 3. - 6La partie externe qui est autour du trou de l'oreille, ordinairement en forme de cornet, d'entonnoir. Mettre un vésicatoire derrière l'oreille.
Un ânier, son sceptre à la main, Menait, en empereur romain, Deux coursiers à longues oreilles [ânes]
, La Fontaine, Fabl. II, 10.Un lièvre, apercevant l'ombre de ses oreilles
, La Fontaine, ib. V, 4.Un petit bout d'oreille échappé par malheur Découvrit la fourbe et l'erreur
, La Fontaine, ib. V, 21.Il a l'oreille rouge, et le teint bien fleuri
, Molière, Tart. II, 3.Presque tous les animaux libres et sauvages ont les oreilles droites ; le sanglier les a droites et roides, le cochon domestique les a inclinées et demi-pendantes
, Buffon, Quadrup. t. I, p. 392.Les plus petites oreilles sont, à ce qu'on prétend, les plus jolies ; mais les plus grandes et qui sont en même temps bien bordées sont celles qui entendent le mieux
, Buffon, Hist. nat. hom. Œuv. t. IV, p. 306.L'oreille extérieure n'est qu'un accessoire à l'oreille intérieure ; sa concavité, ses plis peuvent servir à augmenter la quantité du son ; mais on entend encore fort bien sans oreilles extérieures
, Buffon, ib. p. 482.On ne sait sur quoi peut être fondée cette coutume singulière de s'agrandir si prodigieusement les oreilles ; il est vrai qu'on ne sait guère mieux d'où peut venir l'usage presque général dans toutes les nations de percer les oreilles et quelquefois les narines, pour porter des boucles
, Buffon, ib. p. 307.Un autre usage de Taïti, commun aux hommes et aux femmes, c'est de se percer les oreilles, et d'y porter des perles ou des fleurs de toute espèce
, Bougainville, Voy. t. II, p. 79, dans POUGENS.Boucle d'oreille, pendant d'oreille, bijou que les femmes portent à l'oreille, préalablement percée.
Fig. Laisser passer le bout de l'oreille, laisser, quoiqu'on veuille le cacher, reconnaître ce qu'on est, ce qu'on veut ; locution prise de l'âne qui, revêtu de la peau du lion, est reconnu à un bout d'oreille qui passe.
Fig. Pendre à l'oreille, être imminent. Un grand désagrément lui pend à l'oreille.
Être toujours pendu aux oreilles de quelqu'un, être assidu à le suivre, à lui parler.
Après avoir été pendue aux oreilles du roi, et demandé ce régiment Royal avec fureur
, Sévigné, 4 sept. 1675.Terme d'équitation. Oreilles hardies, oreilles de cheval dont les pointes se présentent en avant et semblent s'unir l'une à l'autre.
Boiter de l'oreille, aller de l'oreille, se dit du cheval qui accompagne chaque pas d'un mouvement de tête.
Oreilles d'âne, oreilles semblables à celles d'un âne qu'Apollon infligea au roi Midas, à cause de son ignorance.
J'irai creuser la terre, et, comme ce barbier, Faire dire aux roseaux par un nouvel organe : Midas, le roi Midas a des oreilles d'âne
, Boileau, Sat. IX.On dit dans un sens analogue : grandes oreilles.
La cour a sifflé tes talents ; Paris applaudit tes merveilles ; Grétry, les oreilles des grands Sont souvent de grandes oreilles
, Voltaire, Poésies mêlées, CCXXIII. [à propos de l'opéra de Midas de Grétry, sifflé à Versailles, applaudi à Paris].Nonotte trouve Quinault plat ; quoi ! tu n'aimes pas l'auteur d'Atys et d'Armide ! tant pis, Nonotte, cela prouve que tu as l'âme dure et point d'oreille ou trop d'oreille
, Voltaire, Mél. litt. Honnêtetés litt. Petite digression.Oreilles d'âne, papier roulé en forme d'oreille d'âne que l'on met aux oreilles des enfants coupables, dans leurs devoirs ou leurs réponses, de quelque grossière ignorance.
Fig. Tenir le loup par les oreilles, ne savoir quel parti prendre parce qu'il y a du péril de tous les côtés (locution tirée d'un dicton latin qui exprime l'embarras de lâcher le loup ainsi tenu et de continuer à le tenir).
Elle tient, comme on dit, le loup par les oreilles
, Corneille, le Ment. IV, 7.Fig. Dormir sur les deux oreilles, sur l'une et l'autre oreille, être plein de sécurité.
…Censeurs, je vous conseille De dormir comme moi sur l'une et l'autre oreille
, La Fontaine, Oies.Qu'il eut, pour ne rien faire, un merveilleux talent ! Qu'il dormait bien sur l'une et l'autre oreille !
Fontenelle, Poés. div. Œuv. t. IV, p. 385, dans POUGENS.Dormez donc sur l'une et l'autre oreille, mon cher petit neveu…
, Voltaire, Lett. la Houlière, 22 oct. 1770.On a dit dans un sens analogue : mettre l'oreille sous le coude, c'est-à-dire rassurer.
C'est afin que je vous mette l'oreille sous le coude
, Malherbe, Trad. des ép. de Sénèque, Ép. 24.Secouer les oreilles, ne tenir compte de quelque chose, s'en moquer.
Magnac éclata à la cour, où il fit un étrange bruit ; mais Villars, qui avait le prix de la victoire et Mme de Maintenon pour lui, n'en fit que secouer l'oreille
, Saint-Simon, 111, 195.Secouer les oreilles, se dit aussi d'une personne à qui il arrive quelque accident, quelque affront, et qui témoigne ne pas s'en soucier. On l'a chassé de cette société, il n'a fait que secouer les oreilles.
Vin d'une oreille, le bon vin ; vin de deux oreilles, le mauvais ; on appelle ainsi le bon vin, parce que le bon vin fait pencher la tête de celui qui le goûte d'un côté seulement ; et le mauvais vin, parce qu'on secoue la tête et par conséquent les deux oreilles (c'est l'explication donnée par de Brieux).
Dresser les oreilles, faire attention à ce qui est dit. À ces propositions il dressa les oreilles.
Avoir l'oreille basse, être humilié, mortifié.
Il lui fallut à jeun retourner au logis, Honteux comme un renard qu'une poule aurait pris, Serrant la queue et portant bas l'oreille
, La Fontaine, Fabl. I, 18.Baisser l'oreille, être las, triste, harassé, mélancolique.
Mais enfin ma fierté a baissé l'oreille
, Molière, Princ. d'Él. II, 2.Ils viennent tous me dire : allons, vite une lettre pour madame la duchesse… je baisse les oreilles, j'écris, et puis je suis tout honteux, et je voudrais m'aller cacher
, Voltaire, Lett. Mme de Choiseul, 1er juin 1770.Avoir l'oreille basse, se dit aussi pour être fatigué, abattu par le travail, par des excès, par la maladie.
En avoir sur l'oreille, être fatigué, abattu. Sa dernière maladie l'a beaucoup vieilli, il en a sur l'oreille.
Tirer l'oreille, les oreilles, tirer fortement l'oreille à un enfant, à un écolier pour le punir de quelque faute.
Si un élève de l'école de Raphaël ou des Carraches en avait fait autant, n'en aurait-il pas eu les oreilles tirées d'un demi-pied ?
Diderot, Salon de 1767, Œuv. t. XIV, p. 87, dans POUGENS. Tirer l'oreille à quelqu'un, la lui pincer par signe d'amitié ou pour avertissement.Tirer l'oreille, éveiller, exciter.
À qui l'ambition la nuit tire l'oreille
, Régnier, Sat. XI.Ce soin ambitieux me tirant par l'oreille
, Boileau, Épître V.Déjà me tirant par l'oreille, L'ambition hâte mes pas
, Béranger, Hab. de cour.Se faire tirer l'oreille, faire quelque chose lentement, avec mauvaise volonté.
Dis-nous quel est notre destin Sans te faire tirer l'oreille
, Scarron, Virg. III.Allons, monsieur, faites les choses galamment, et sans vous faire tirer l'oreille
, Molière, Mar. forcé, 16.On se fit un peu tirer l'oreille d'abord
, Hamilton, Gramm. 8.Voilà monsieur Clitandre qui me doit cent cinquante pistoles, par exemple je sais bien pour lui qu'il ne se fera pas tirer l'oreille
, Dancourt, la Désolat. des joueuses, sc. 9.Se faire tirer l'oreille, est une locution qui vient de l'ancien usage d'amener des témoins tirés par l'oreille (testes per aurem attracti, voy. HORACE, Sat. I, 9), usage qui est spécifié dans la loi des Bavarois (voy. DU CANGE, auris).
Se prendre par les oreilles, se quereller, se battre.
Débuter dans une querelle de musique par se prendre par les oreilles, cela est assez naturel
, Grimm, Correspond. t. IV, p. 7, dans POUGENS.Par plaisanterie. Je gage mes oreilles, se dit quand on veut affirmer quelque chose.
…S'il est ici, je gage mes oreilles Qu'il est dans quelque allée à bayer aux corneilles
, Piron, Métrom. I, 1.Y laisser ses oreilles, être maltraité, ne pas revenir sain et sauf de quelque entreprise périlleuse.
Il sera bien heureux s'il en rapporte ses oreilles, se dit de quelqu'un engagé dans une affaire périlleuse.
Je lui couperai les oreilles, se dit par menace à quelqu'un qu'on châtiera.
Laissez-moi, je lui veux couper les deux oreilles
, Molière, Tart. V, 2.Moi, je lui couperais sur-le-champ les oreilles, S'il n'était pas garant de tout ce qu'il a dit
, Molière, l'Ét. III, 3.Frotter les oreilles à quelqu'un, ou lui donner sur les oreilles, lui infliger une correction manuelle.
Jour de Dieu ! je saurai vous frotter les oreilles
, Molière, Tart. I, 1.Je te donnerai sur les oreilles
, Molière, Pourc. III, 9.Ôtez-vous de là, vous, ma mie, que je ne vous donne sur les oreilles
, Dancourt, Cheval. à la mode, V, 3.Défendez-vous mieux contre les mahométans, qui vous donnent tous les jours sur les oreilles
, Voltaire, Dict. phil. Volonté.Les Russes vous donnent [à vous Ottomans] sur les oreilles depuis trois ans, et vous les frotteront encore
, Voltaire, Lett. à Cath. 93.Avoir sur les oreilles, recevoir quelque correction, manuelle ou autre.
Si la conversation s'échauffe, la marquise aura sur les oreilles
, Dancourt, la Folle enchère, sc. 18.On m'a parlé aussi d'un dictionnaire [le Dictionnaire philosophique] où beaucoup d'honnêtes fripons ont rudement sur les oreilles
, D'Alembert, Lett. à Voltaire, 9 juillet 1764.Il se gratte l'oreille, se dit d'un homme qui a quelque chagrin qui l'inquiète, ou qui a peine à se souvenir de quelque chose.
Avoir la puce à l'oreille, être inquiet de quelque chose.
Mettre la puce à l'oreille, inquiéter.
Échauffer les oreilles à quelqu'un, le mettre en colère par quelque discours.
Dites-lui ma pensée, et l'avertissez bien Qu'elle ne vienne pas m'échauffer les oreilles
, Molière, Femm. sav. III, 8.Retire-toi, te dis-je, et ne m'échauffe pas les oreilles
, Molière, l'Avare, II, 3.Quand la maréchale de la Meilleraye lui échauffait les oreilles [à Saint-Ruth], il jouait du bâton et la rouait de coups
, Saint-Simon, 264, 41.Avoir le bouquet sur l'oreille, voy. BOUQUET 1, n° 2.
- 7Dans le style relevé. Les oreilles du cœur, la sensibilité morale.
Qu'il [le Seigneur] vous donne ces oreilles du cœur qui seules font entendre sa voix
, Massillon, Carême, Parole. - 8 Fig.
Attention, intérêt, confiance Je dois ici l'oreille à d'autres intérêts
, Corneille, Sophon. IV, 2.Ne possédez-vous pas son oreille et son cœur ?
Racine, Esth. III, 2.J'approchai par degrés de l'oreille des rois
, Racine, Athal. III, 3.…Me fit faire une opération, pénible dans les commencements, mais qui me fut plus heureuse dans la suite, parce qu'elle m'approcha de l'oreille et de la confiance de mes maîtres
, Montesquieu, Lett. pers. 64.Avoir l'oreille de quelqu'un, en être favorablement écouté.
C'est beaucoup que d'avoir l'oreille du grand maître
, Corneille, Othon, II, 2.On dirait qu'ils ont seuls l'oreille d'Apollon
, Boileau, Disc. au roi.Ces gens ont l'oreille des plus grands princes, sont de tous leurs plaisirs et de toutes leurs fêtes
, La Bruyère, VIII.Je suis bien plus en état de vous servir, présentement que j'ai l'oreille du premier ministre
, Lesage, Gil Blas, XI, 13. - 9 Fig. Oreille se dit quelquefois pour la personne même qui entend, qui écoute.
Si vous vous laissez gagner aux soupçons, si vous prenez facilement des ombrages et des défiances, prenez garde pour le moins de ne les porter pas aux oreilles importantes
, Bossuet, Sermons, Charité fratern. autre conclusion.Je me plais à répéter toutes ces paroles [relatives au service des pauvres], malgré les oreilles délicates ; elles effacent les discours les plus magnifiques
, Bossuet, Anne de Gonz. - 10Il se dit de ce qui a quelque ressemblance avec la figure de l'oreille. Les oreilles d'une écuelle.
Il avait la tête enfoncée dans un bonnet de laine brune à longues oreilles ; et sa barbe, plus blanche que la neige, lui descendait jusqu'à la ceinture
, Lesage, Gil Bl. IV, 9.Oreilles de soulier, les parties du soulier où sont attachées les boucles ou les cordons.
Quand quelqu'un menace de donner sur les oreilles, on répondait autrefois : ce sera donc sur les oreilles de mes souliers.
Oreille de la charrue, voy. VERSOIR.
Oreilles d'abricots, abricots confits dont on a rejoint les deux moitiés après en avoir ôté les noyaux.
- 11Petite partie du haut ou du bas d'un feuillet d'un livre qu'on a plié pour marquer une page qu'on veut retrouver. Faire une oreille à un livre.
Lisez la page 34, où il y a une oreille, et voyez les lignes que j'ai marquées avec un crayon
, Pascal, Prov. IV.On dit plutôt maintenant : faire une corne à un livre.
- 12Oreille de ballot, le coin de la toile qui enveloppe le ballot, et que l'emballeur laisse en forme d'oreille quand il coud la toile, afin que par cette oreille on puisse prendre le ballot pour le remuer.
- 13
Les deux espèces de grosses dents qui terminent le peigne des deux côtés et qui renferment les véritables dents, se nomment les oreilles,
Dict. des arts et mét. Tabletier.Dans les jeux d'orgues, petites lames que l'on soude à la bouche des tuyaux, et qui servent à les accorder.
Terme d'imprimerie. Languette de frisquette.
Terme de menuiserie. Voussure dont la partie supérieure est droite en devant, et dont le fond est bombé en arc.
Partie saillante de certaines pièces employées dans les constructions, et qui servent à les assembler, à l'aide de boulons, à d'autres pièces fixes.
Terme de maçonnerie. Entaille qu'on fait au bout d'un appui de croisée ou d'un seuil pour qu'il entre dans le tableau de la baie et conserve une saillie sur le nu du mur.
Partie saillante qui excède une pièce de serrurerie, et sert de repère pour une autre pièce.
Dans certaines machines, saillies ajoutées à un objet pour lui donner plus d'empatement, ou pour lui permettre de s'appuyer sur un autre.
Petits appendices qui portent les galets du glissoir de la tige d'un piston.
Petite saillie sur les côtés de la charnière de certaines coquilles bivalves.
- 14 Terme de marine. Oreille de l'ancre, chacun des angles de la base du triangle qui a le nom de patte de l'ancre.
Oreille de lièvre, angle aigu de la voile latine, dans sa partie supérieure. Orienté en oreille de lièvre.
Donner de l'oreille à une pièce de bois, à un bordage, les conformer de manière que, sur leur longueur, plusieurs parties se trouvent dans des plans différents et différemment inclinés.
Taquets à oreilles, taquets à double tête qui sont fixés dans la muraille d'un bâtiment pour y tourner les écoutes des basses voiles.
Oreilles d'âne, forts taquets à deux têtes qui servent à tourner, à amarrer.
- 15L'une des deux cimes d'une montagne bifurquée.
Son sommet [d'une montagne] est l'oreille orientale d'un énorme cratère dont l'enceinte est entièrement culbutée du côté du couchant
, Ramond, Instit. Mém. scient. 1813, 1814, 1815, p. 115. - 16 Terme de botanique. Appendice qui se trouve à la base de certaines feuilles de quelques plantes. On dit aussi oreillon et oreillette.
Les jardiniers appellent oreillettes les feuilles séminales.
On peut planter en pépinière de petites laitues, dès qu'elles ont les oreilles un peu grandes
, La Quintinye, Jardins, 1re part. dans RICHELET. - 17Nom donné anciennement aux oreillettes du cœur.
Ces deux dernières [l'artère veineuse et la veine cave] s'élargissent avant que d'entrer dans le cœur, et y font comme deux bourses nommées les oreilles du cœur
, Descartes, Méth. V, 5. - 18Nom de différentes plantes. Oreille de lièvre, le buplèvre en faux, buplevrum falcatum, L. ombellifères.
Oreille d'ours, primevère oreille d'ours, primula auricula, L. primulacées.
Oreille de souris, le myosotis des champs, borraginées ; on donne aussi le nom d'oreille de souris au cerastum tomentosum, L. petite caryophyllée dont les feuilles velues ressemblent à celles du myosotis.
Oreille d'âne, la grande consoude.
Oreille d'homme, l'asaret d'Europe, asarum europaeum, L. aristolochiées.
Grande oreille de chat, l'hieracium auricula.
Nom d'un grand nombre de champignons : oreille d'âne ou d'ours ; oreille brune ; oreille de chardon ; oreille de chat, etc. etc.
Oreille de houx, la girolle, champignon comestible.
Oreille de Judas, nom d'un champignon sans queue, qui est une espèce d'agaric, qu'on trouve attaché au tronc du sureau ; la figure en est souvent celle de l'oreille humaine.
- 19Nom de diverses coquilles : oreille d'âne, oreille de bœuf, oreille de Vénus, etc.
Oreille de Saint-Pierre, nom sous lequel on mange à Marseille l'animal de la fissurelle grecque (univalves).
Oreille de mer, voy. ORMIER.
- 20Oreille grande, nom donné par les marins au scombre thon.
Oreille blanche, oiseau du Paraguay.
- 21Jusqu'aux oreilles, loc. adv. Des pieds à la tête. Il est crotté jusqu'aux oreilles.
Fig. Très avant. Il est dans cette intrigue jusqu'aux oreilles.
Employé jusqu'aux oreilles en procès et en chicane, qui est un métier qu'il aime fort
, Patin, Lett. t. II, p. 1. - 22 Fig. Par-dessus les oreilles, loc. adv. De manière à être accablé.
Ce qu'il y avait de pis, c'est que Jenni avait des dettes par-dessus les oreilles
, Voltaire, Jenni, 4.En attendant, j'ai de la besogne par-dessus les oreilles
, Diderot, Mém. t. III, p. 63, dans POUGENS.
PROVERBES
Les murailles, les murs ont des oreilles, c'est-à-dire il faut prendre garde aux paroles que l'on prononce, même en des lieux fermés. Les murs ayant des oreilles, dit-on
, La Fontaine, Quipr. Les planchers sur lesquels je suis, ont des yeux ; les murs qui m'entourent, ont des oreilles
, Rousseau, Confess. VII.
Un chien hargneux a toujours les oreilles déchirées, c'est-à-dire les gens querelleurs sont sujets à avoir quelque mal.
Ventre affamé n'a point d'oreilles, c'est-à-dire on n'écoute rien quand on est pressé de la faim.
REMARQUE
Mme de Sévigné a dit : chanter des oreilles. La bonne princesse [de Tarente] alla à son prêche : je les entendais tous qui chantaient des oreilles ; car je n'ai jamais entendu des tons comme ceux-là, 25 déc. 1675. C'est une expression qu'elle a prise à Rabelais : Durant la procession ils [les frères Fredons] fredonnoyent entre les dents melodieusement ne sçais quelles antiphones ; car je n'entendoys leur patelin, et attentifvement escoutant aperceus qu'ils ne chantoyent que des aureilles, Pant. V, 27. Dans Rabelais, chanter des oreilles, comme on voit, c'est ne rendre aucun son, ne pas chanter du tout. Mme de Sévigné a détourné cette expression, pour signifier : chanter mal.
HISTORIQUE
XIe s. La destre oreille al premier ver [verrat] [il] trancha
, Ch. de Rol. LVI.
XIIe s. Par dous feiz [deux fois] i fu pris ; si l'en laissa aler ; Mais ainceis [auparavant] li fist l'um les oreilles couper
, Th. le mart. 31. À plusors ont trenchies et aureilles et piez
, Rou, 1398. Li message del rei dist al duc en l'aureille
, ib. 3460. Tel venjance frai sur Juda e sur Jerusalem, que à ces [ceux] ki l'orrunt l'entendront], tut les orilles lur en cornerunt
, Rois, p. 420.
XIIIe s. Li autre philosophe ki apeloient les orelles porte de savoir
, Alebrand, f° 36. En l'oreille [elle] lui prent tantost à conseiller
, Berte, X. Mais cele fet oroille sorde, Qui n'est mie fole ne lorde
, Ren. 1816. Yzengrin [le loup] a drecié l'oreille ; Primes regarde, et puis oreille [il écoute], Qu'en la paroi un trou avoit
, ib. 12256.
XIVe s. On lui copera une aroille
, Du Cange, auditus. Les oreilles vous deveroient bien fort et souvent manjier [démanger] ; car je ne sui en compagnie, que on ne parole tous jours de vous
, Machaut, p. 144. Où il alloyt, tretout trembloit, Rien devant luy ne resistoit, Ains chacun si bassoit l'oreille
, Liv. du bon Jeh. 619. Il nous ont dit tant de merveilles, Qu'ilz m'ont cassé les deux oreilles
, ib. 1146.
XVe s. Il s'enclina et descendit moult voulontiers pour l'amour du roi de France, car à tel roi on peut bien tendre l'oreille [avoir égard]
, Froissart, IV, p. 279, dans LACURNE. Ce qui m'entre par une oreille, Par l'aultre sault comme est venu
, Orléans, Rond. Le duc, à chose qu'ils dissent, ne voulut ouvrir les aureilles, et en estoit très mal content
, Juvénal Des Ursins, Charles VI, 1391. [Le saulcier] luy presta l'oreille et dist qu'il n'y pourroit rien faire sans le moyen de Colinet queux du roy
, J. de Troyes, Chron. 1475. Auquel Jean donna oreille et fut content de l'ouir
, Du Cange, auris, an 1447. Chascun avoit les oreilles longues et pendans en tristeur sans corage
, Chastelain, Chron. des D. de Bourg. II, 75. Or prient pour leur bienfaicteur, Ou qu'on leur tire les oreilles
, Villon, Grand testum.
XVIe s. J'ay, respondit Panurge, la pusse en l'oreille, je me veulx marier
, Rabelais, III, 7. Vous aurez sur l'oreille
, Despériers, Contes, CXVIII. Il ne vouloit point qu'un esclave tensast son filz, ne qu'il luy tirast l'oreille
, Amyot, Caton, 41. Or la femme de Sinam n'eut pas plustost ce dessein au cœur qu'elle l'eut à la bouche, et Amorath aux oreilles par un rapport incertain
, D'Aubigné, Hist. II, 389. À l'instigation de plusieurs princes qu'il nomma à l'oreille, et desquels le nom fut supprimé
, D'Aubigné, II, 458. Les deux epiphyses du cœur, nommées oreilles d'iceluy, à raison de la similitude qu'elles ont aux oreilles
, Paré, II, 11. Le chancelier du Prat, lequel au traité de Cambray avoit plus l'oreille de madame la regente que nul autre
, Du Bellay, M. 459. Elles ne gaignent rien de crier misericorde ny de demander pardon ; car Boccal avoit lors l'oreille de marchand
, Merlin Coccaie, t. II, p. 209. Sac plein dresse les oreilles
, Cotgrave † Bois ont oreilles, et champs œillets
, Cotgrave † On appelle aujourd'huy à la cour pendans d'oreilles, ceux qui à toutes heures soufflent aux oreilles des grands ; parce qu'ils sont toujours comme pendus à leurs oreilles
, H. Estienne, Nouv. lang. ital. p. 565. Une bouche et deux oreilles
, Génin, Récréat. t. II, p. 252. L'empereur lui fit la sourde oreille
, Brantôme, Moncade. À beau parleur closes oreilles
, Leroux de Lincy, t. II, p. 225.
ÉTYMOLOGIE
Picard, éraille, éreille, areille, eraile ; bourguig. airoaille, oraille ; provenç. aurelha ; catal. aurella ; espagn. oreja ; portug. orelha ; ital. orecchia ; bas-lat. oricula (auriculas, quas rustici dicebant oriculas, POMP. FESTUS) ; du latin auricula, diminutif de auris, oreille (voy. OUÏR). Auris est pour ausis ; comparez le grec οὖς, ὠτὸς ; goth. auso, oreille, hausjan, ouïr ; allem. hören, entendre, Ohr, oreille.
SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE
OREILLE. Ajoutez :Voici le Juif en longue lévite, avec ses bottes éculées, avec ses oreilles de chien en avant des tempes, ses rides multiples du front, A. Rambaud, Rev. des Deux-Mondes, 15 nov. 1874, p. 348.
REMARQUE
Ajoutez :2. L'expression chanter de l'oreille qu'a employée Rabelais et à sa suite Mme de Sévigné reçoit quelque lumière de ce qui suit. De l'oreille a signifié, dans l'ancienne langue, d'une manière imparfaite, mal, à peine, ainsi que le prouve ce passage : Tant [les clercs] ont les cuers cointes et gobes, Et tant sont plain de grant outrage, Qu'autel, ne crucefiz, n'ymage N'enclinent mes fors [excepté] de l'oreille
, Gautier de Coinsy, les Miracles de la Sainte Vierge, p. 510, éd. abbé Poquet.
3. On dit dormir sur les deux oreilles, pour dire dormir profondément. Dormir à la fois sur les deux oreilles est impossible ; impossibilité à laquelle La Fontaine songeait, quand il a mis s'il se peut dans ces vers : Voici pourquoi je lui conseille De dormir, s'il se peut, d'un et d'autre côté,
† Coupe enchantée. Quoique ces exagérations jusqu'à l'impossible soient du langage proverbial, il semble que dormir sur les deux oreilles signifie simplement dormir sur l'une ou sur l'autre oreille indifféremment, sur la bonne comme sur la mauvaise, sur le côté gauche aussi bien que sur le côté droit.
ÉTYMOLOGIE
Ajoutez : Oricla était aussi une forme populaire, que le grammairien Probus condamne, recommandant de prononcer auris.