« large », définition dans le dictionnaire Littré
Définition dans d'autres dictionnaires :
large
- 1Ample, étendu, par une dérivation facile du latin largus qui signifie copieux, abondant, considérable. Une large base. Il tombait de larges gouttes de pluie.
Quoi ? se peut-il, monsieur, qu'avec l'air d'homme sage, Et cette large barbe au milieu du visage…
, Molière, Tart. II, 2.Vous les auriez vus tous, retournant en arrière Laisser entre eux et nous une large carrière
, Racine, Mithr. V, 4.Il lui fit dans le flanc une large blessure
, Racine, Phèd. V, 6.Sa barbe était négligée ; de larges pleurs tombaient de ses yeux
, Chateaubriand, Mart. XVIII.Fig.
Il ouvre un champ plus large à ces guerres d'esprit
, Corneille, Prol. de la Toison d'or, 5.Et puis, te voilà donc mon rival ! un moment Entre aimer et haïr je suis resté flottant ; Mon cœur pour elle et toi n'était pas assez large
, Hugo, Hernani, I, 4.Accommodez-vous, le pays est large, c'est-à-dire vous êtes en un lieu où vous pouvez prendre vos commodités, ou bien, ironiquement et par antiphrase, vous prenez vos aises là où l'on ne doit pas les prendre.
- 2 Particulièrement. Qui est étendu dans la dimension dite largeur. Ce morceau de bois est large de 30 centimètres. La rivière est large en cet endroit. Il a les épaules larges.
On dit familièrement de quelqu'un qui n'est pas généreux : il est large… des épaules.
Un cheval large du devant, un cheval qui a beaucoup de poitrail.
Terme d'anatomie. Ligaments larges, nom donné, à cause de leur largeur, aux ligaments sous-lombaires de l'utérus. Le muscle large du cou, ou, substantivement, le large du cou, nom donné par quelques anatomistes au muscle peaucier.
On dit d'une lieue qu'on s'ennuie à parcourir, qu'elle n'est guère large, mais qu'elle est bien longue.
Familièrement. Avoir la conscience large comme la manche d'un cordelier, ou, simplement, avoir la conscience large, et, encore, avoir la manche large, n'être pas scrupuleux.
L'un et l'autre avaient la conscience assez large
, Scarron, Rom. com. I, 13.Faire du cuir d'autrui large courroie, être libéral du bien d'autrui.
Terme de fauconnerie. Fort large, se dit d'un oiseau qui écarte bien ses ailes, ce qui est regardé comme une preuve de santé et de vigueur.
- 3 Fig. Qui a une grande extension. Je vous fais une large concession.
Ou Rome à ses agents donne un pouvoir bien large, Ou vous êtes bien long à remplir votre charge
, Corneille, Nicom. III, 3.Et jamais fils d'Adam, sous la sainte lumière, N'a de l'est au couchant promené sur la terre Un plus large mépris des peuples et des rois
, Musset, Rolla.Discussion large, discussion sans subtilité ni minutie.
- 4 Fig. Peu scrupuleux, d'une trop grande liberté.
Vous croyez beaucoup faire en leur faveur [des jésuites] de montrer qu'ils ont de leurs pères aussi conformes aux maximes évangéliques que les autres y sont contraires, et vous concluez de là que ces opinions larges n'appartiennent pas à toute la société
, Pascal, Prov. V.Voilà ce que disent des mondains séduits par la fausse prudence de la chair, et qui se conduisent par les principes les plus larges, dans un point où la religion est plus resserrée et moins indulgente
, Bourdaloue, Pensées, t. II, p. 291. - 5 Fig. Abondant, fastueux.
MM. les ecclésiastiques menaient une vie trop large
, Bossuet, Var. II.Dans l'ancienne langue, large signifiait libéral, qui aime à donner, à dépenser ; d'où le proverbe : Autant dépend [dépense] chiche que large, c'est-à-dire l'économie mal entendue ne fait point de profit.
Il se dit encore quelquefois en ce sens dans la forme négative. Il n'est pas large.
- 6Dans les arts du dessin. Qui n'a rien de mesquin, de timide. Des contours, des draperies, des lumières larges. Une touche, une manière large.
Il se dit en littérature dans un sens analogue.
Sa manière [à Sénèque] est précise, vive, énergique, serrée ; mais elle n'est pas large
, Diderot, Claude et Nér. I, 127.Terme d'architecture. Qui présente une disposition hardie des masses.
- 7Prononciation large, prononciation dans laquelle on donne toute leur valeur aux voyelles.
Par le jeu d'une prononciation large et ouverte [dans le Cyclope de Théocrite], on croirait sentir le calme des tableaux de la nature
, Chateaubriand, Génie, II, III, 6. - 8Large de loi, se disait des monnaies qui étaient au-dessus du titre réglé par l'ordonnance.
- 9 Adv. D'une manière large.
Il faut l'habiller large pour qu'un enfant soit à son aise
, Maintenon, Lett. à d'Aubigné, 7 sept. 1683.Terme de manége. Aller large, s'éloigner du centre de la volte. Un cheval va trop large lorsqu'il fait un grand cercle, et qu'il s'étend sur un trop grand terrain.
Peindre large, peindre d'une manière large.
Il [Carle Vanloo] a peint large ; son coloris est vigoureux et sage
, Diderot, Salon de 1767, Œuvres, t. XIII, p. 40, dans POUGENS.Cela est savant de détails, dessiné large, à ce que croit l'artiste
, Diderot, ib. t. XV, p. 62, dans POUGENS. - 10 S. m. Largeur. Ce royaume a deux cents lieues de large. Cette étoffe a tant de large.
Donner du large, donner de l'espace. Mettez les trois enfants à une table à part, cela nous donnera du large.
- 11 Terme de marine. La partie de la mer qui est éloignée des côtes.
Mais hâtez-vous de grâce, et faites bien ramer, Car déjà sa galère a pris le large en mer
, Corneille, Nicom. V, 7.Il [Tourville] présuma avec capacité que le vent qui mènerait à Brest obligerait les vaisseaux qui étaient à l'île d'Ouessant de sortir de ce poste, parce qu'il les repoussait et les rompait contre l'île ; cela fut si vrai qu'ils en sortirent pour se mettre au large derrière
, Sévigné, 571.Les vents sont toujours bons pour en sortir [d'un port], et l'escadre la plus nombreuse serait au large en moins d'une heure
, Raynal, Hist. phil. XIII, 8.La mer vient du large, les vagues sont poussées par le vent de la mer, et non par celui de la terre.
Terme de marine. Au large ! sorte d'interjection à l'aide de laquelle on intime à une embarcation l'ordre soit de s'éloigner du bord, d'un quai, d'une cale, soit de ne pas s'en approcher.
Au large ! est aussi le cri d'une sentinelle ordonnant aux passants de prendre l'autre côté de la rue.
Passez au large ! même sens.
Fig. et familièrement. Prendre le large, gagner le large, s'enfuir.
À cette vue, les ravisseurs se hâtèrent si bien de prendre le large, que l'empressement des cavaliers fut inutile
, Lesage, Diable boit. ch. 13, dans POUGENS. - 12Au large, loc. adv. Spacieusement. Il est logé bien au large.
Feignez un homme de la taille du mont Athos ; pourquoi non ? une âme serait-elle embarrassée d'animer un tel corps ? elle y serait plus au large
, La Bruyère, XII.Fig. et familièrement. Être au large, être dans l'opulence.
Qui cherche à vivre au large est toujours à l'étroit
, Corneille, Imit. I, 25.Je suis riche, dites-vous, me voilà au large, et je commence à respirer
, La Bruyère, XIII.Mettre au large, mettre dans un état plus commode, plus opulent.
Au large, à son aise, sans gêne, sans embarras.
Peut-être que cette humeur me passera, et que mon cœur, qui est toujours pressé, se mettra un peu plus au large
, Sévigné, 30 oct. 1673.Vos règles vous mettront au large
, Bossuet, Lett. abb. 184.[Dans le socinianisme] on ôte tous les mystères, on éteint les feux éternels, et on ne cherche qu'à se mettre au large
, Bossuet, 6e avert. III, 15.L'auteur de la réponse… conclut que j'ai été fort embarrassé sur tous les autres sujets, et que, m'étant trouvé plus au large sur ceux-ci [la présence réelle et l'autorité de l'Eglise], j'ai donné plus de liberté à mon style
, Bossuet, Euchar. I, 1.D'une façon qui n'est pas scrupuleuse, sévère.
Nous voici bien au large, mon révérend père ; grâces à vos opinions probables, nous avons une belle liberté de conscience
, Pascal, Prov. V.Les efforts que nous tâchons de faire en cette vie ne sont que pour nous mettre plus au large et pour nous éloigner de l'unique chemin du ciel
, Fénelon, t. XVIII, p. 31.[Le roi dit] que, outre la compassion, les scrupules de prendre ainsi les biens de tout le monde l'avaient fort tourmenté ; qu'à la fin il s'en était ouvert au père Tellier, qui… était revenu avec une consultation des plus habiles docteurs de Sorbonne, qui décidait nettement que tous les biens de ses sujets étaient à lui en propre ; … qu'il avouait que cette décision l'avait mis fort au large
, Saint-Simon, ch. CCLXXXIV. - 13Au long et au large, loc. adv. En tout sens.
S'étendre au long et au large, prendre, acquérir beaucoup de terrain autour de soi.
- 14En long et en large, loc. adv. En longueur et en largeur alternativement. Aller en long et en large.
On dit plus souvent aujourd'hui, dans le même sens : de long en large.
- 15Du long et du large, loc. adv. qui n'est guère usitée que dans cette phrase populaire : Il en a eu du long et du large, il a été bien battu, très maltraité, il a fait quelque grosse perte, etc.
Donnons-en à ce fourbe et du long et du large
, Molière, l'Ét. IV, 7.
HISTORIQUE
XIe s. Vairs [il] ot les iex [yeux], et les costez ot larges
, Ch. de Rol. X. Grant est la plaine et large la contrée
, ib. LI.
XIIe s. Et iaulz [eux] de plus larghe carité nous convient rewarder [récompenser], qui par le jugement de Dieu sont en griet affliction…
, Tailliar, Recueil, p. 500.
XIIIe s. Se nous en alons à terre ferme, la terre est grande et large, et nostre ost est povre
, Villehardouin, LXII. Li autres ot non Richars, qui fu preus et hardis, larges [libéral] et chevalereus
, Ch. de Rains, p. 8. Ne porquant il porroit bien estre si fol largues [prodigues] et tant doner, que li rois ne l'auroit pas à soufrir
, Beaumanoir, LXX, 4. Li larges se tient emmi ces deux estremitez [la prodigalité et l'avarice]
, Latini, Trésor. p. 272.
XIVe s. Des plaies penetrantes [du crâne] l'une est large, apparante…
, H. de Mondeville, f° 53. Le faucon doit seoir large sur le poing, et doit estre un peu revers, mordant et familleux [affamé]
, Modus, f° LXXVII, verso.
XVIe s. Car de bien faire tu es large à l'homme juste, o vrai sauveur
, Marot, IV, 235. Il fit marcher ses gens en bataille plus longue que large
, Amyot, Lysand. 53. L'amiral avoit fait large [s'était étendu] à droitte, quant Monsieur l'avoit fait à gauche
, D'Aubigné, Hist. I, 306. Sa cavalerie, aiant trouvé un champ à la droitte où il y avoit quelque large, vint menacer les costez du combat
, D'Aubigné, ib. II, 454. Celui qui semera largement aura large moisson
, Calvin, Inst. 652. La rue ne lui estoit pas assez large, tant ivre estoit
, Despériers, Contes, LXXIX. Cent lieues ou environ d'estendue en large
, Montaigne, I, 236. Natures fortes, enrichies d'une large instruction de sciences utiles
, Montaigne, I, 390. Large de bouche et estroit de ceinture [donnant de belles paroles et rien de plus ; la ceinture représentait la bourse]
, Cotgrave †
ÉTYMOLOGIE
Wall. lauge ; provenç. larg, larc ; catal. llarg ; espagn. et ital. largo ; du lat. largus, abondant, copieux.
SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE
LARGE.Substantivement, le large. M. Parrocel, d'autre part, l'emporte par le feu de l'imagination, par la vigueur du coloris, et par la facilité et le large du pinceau
, Ch.-N. Cochin, dans Mém. inéd. sur l'Acad. de peint. publiés par Dussieux, etc. t. II, p. 408. Il eut le sentiment du grand en même temps qu'il eut la chaleur et le large du faire qui caractérise le genre de l'histoire
, Haillet de Couronne, ib. p. 430.
HISTORIQUE
XIIe s. Ajoutez : Si estoit si lars li rivages C'on n'i peüst passer sans nages
, Perceval le Gallois, V. 22297.
ÉTYMOLOGIE
Ajoutez : La forme lars montre qu'il y a eu un masculin larc, régulièrement formé de largus.