« robe », définition dans le dictionnaire Littré

robe

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robe

(ro-b') s. f.
  • 1Sorte de vêtement long, non fendu, qui était propre aux peuples de l'antiquité, aux Occidentaux dans le moyen âge, et qui l'est encore à beaucoup d'Asiatiques. D'un des pans de sa robe il [Pompée] couvre son visage, Corneille, Pomp. II, 2. Aussitôt que Joseph fut arrivé près de ses frères, ils lui ôtèrent sa robe de plusieurs couleurs, qui le couvrait jusqu'en bas, Sacy, Bible, Genèse, XXXVII, 23. Portant une robe royale de couleur d'hyacinthe et de bleu céleste, Sacy, ib. Esther, VIII, 15. Ceux que vous voyez revêtus d'une robe blanche, dit saint Jean, viennent d'une grande affliction, afin que nous entendions que cette divine blancheur se forme ordinairement sous la croix, et rarement dans l'éclat des grandeurs humaines, Bossuet, Marie-Thérèse. Revenez à la maison paternelle, enfants prodigues, on vous rendra votre première robe, on célébrera un festin pour votre retour, Bossuet, Élévat. sur myst. I, 8. Un jeune enfant couvert d'une robe éclatante, Racine, Ath. II, 5. Oh ! tu n'es plus au temps de cette belle robe traînante de pourpre, avec laquelle tu charmais toutes les femmes d'Athènes et de Sparte, Fénelon, Dial. des morts anc. Alcibiade, Périclès. En général, la robe fut autrefois le vêtement de toutes les nations, Voltaire, Russie, I, 10.

    Par extension. Notre défunt était en carrosse porté, Bien et dûment empaqueté, Et vêtu d'une robe, hélas ! qu'on nomme bière, Robe d'hiver, robe d'été, Que les morts ne dépouillent guère, La Fontaine, Fabl. VII, 11.

    Fig. Tourner sa robe, changer de parti.

    Robe virile, robe que les jeunes gens prenaient à Rome quand ils devenaient hommes. Néron plaide pour les habitants d'Ilion ; il prend la robe virile avant l'âge, Diderot, Claude et Néron, I, 32.

    Fig. Dieu donne la robe selon le froid. Vous avez du courage au-dessus des autres, et, comme dit le proverbe, Dieu donne la robe selon le froid, Sévigné, à Bussy, 23 octobre 1683.

    Selon le corps on doit tailler la robe, il faut régler ses dépenses sur ses besoins.

    Selon le drap la robe, se dit des choses qui ont rapport, proportion entre elles. Mais chaque âge a son temps ; selon le drap la robe, Régnier, Sat. XII.

    Il s'en pare comme de sa belle robe, se dit quand quelqu'un fait vanité d'une chose.

    Cela ne vous déchire pas la robe, vous n'avez pas lieu de vous en offenser.

  • 2Long vêtement à manches, que portent particulièrement les femmes et les enfants. Robe d'enfant. Robe de femme. Robe d'été, robe d'hiver. Elle avait une robe d'une légère étoffe d'argent, semée de guirlandes de fleurs, qui laissait briller la beauté de sa taille, Voltaire, Crocheteur borgne. Le petit uniforme de capitaine de gendarmerie se trouva fait à point nommé pour l'enfant [Louis XV], qui, depuis quelques jours, venait de quitter la robe, Duclos, Œuv. t. V, p. 143.

    En robe détroussée, se disait autrefois pour en cérémonie. Rendre une visite en robe détroussée.

    Fig. Il commande, et soudain La terre, qui d'abord sombre, informe et hideuse, Découvrait tristement sa nudité honteuse, Prend sa robe de fête, et de riants gazons Ont tapissé la plaine, ont habillé les monts, Delille, Paradis perdu, VII.

    Terme bas et populaire. Couper la robe au cul, faire insulte à une femme. Lorsque ce guerrier invaincu Chut dans les ombres éternelles, La robe fut coupée au cu Des neuf savantes demoiselles, Mainard, dans le Dict. de RICHELET.

  • 3Il se dit, en quelques phrases, de la queue d'une robe. Cette princesse dit à son page : Prenez ma robe, portez ma robe.
  • 4Robe de chambre, espèce de robe ou de longue redingote que les hommes mettent dans l'appartement. Il se rencontre beaucoup d'autres choses desquelles on ne peut raisonnablement douter, quoique nous ne les connaissions que par le moyen des sens ; par exemple que je suis ici, assis auprès du feu, vêtu d'une robe de chambre, ayant ce papier entre les mains, Descartes, Médit. I, 3. Messire loup vous servira, S'il vous plaît, de robe de chambre, La Fontaine, Fabl. VIII, 3. Il se mit en robe de chambre, Hamilton, Gramm. 4. Il est vrai que la vie de Paris me tuerait en huit jours ; il y a plus d'un an que je suis en robe de chambre, Voltaire, Lett. Richelieu, 11 juillet 1770.

    Les femmes ont aussi des robes de chambre pour le matin ou pour l'appartement. Vous devez l'aimer [la religion des Juifs] encore plus par cette année de repos et de robe de chambre [l'année du sabbat], où vous seriez un exemple de piété [allusion à la paresse de Mme de Grignan], Sévigné, 236.

    Des pommes de terre en robe de chambre, des pommes de terre cuites dans leur peau.

  • 5Ample vêtement que portent les juges, les avocats, les professeurs, dans l'exercice de leurs fonctions. D'un magistrat ignorant, c'est la robe qu'on salue, La Fontaine, Fabl. V, 14. Et, feuilletant Louet allongé par Brodeau, D'une robe à longs plis balayer le barreau, Boileau, Sat. I. Regarde dans ma chambre et dans ma garde-robe Les portraits des Dandins : tous ont porté la robe, Racine, Plaid. I, 4. Non loin de là Rollin dictait Quelques leçons à la jeunesse ; Et, quoiqu'en robe, on l'écoutait, Voltaire, Temple du Goût. Quoi ! dans Abbeville, des Busiris en robe font périr dans les plus horribles supplices des enfants de seize ans ! Voltaire, Lett. d'Alembert, 18 juillet 1766.

    Arrêts rendus en robes rouges, les arrêts solennels que rendent les conseillers en robes rouges. Les magistrats sortirent pour prendre la robe rouge, revinrent se placer aux hauts siéges, et l'arrêt fut prononcé en pleine audience et à portes ouvertes, Duclos, Œuv. t. V, p. 68.

  • 6Les gens de robe, se disait de tous ceux qui portaient la robe. Les gens de robe sont ou ecclésiastiques ou officiers de justice, de finances et de police, Vauban, Dîme, p. 67.

    Robe courte, s'est dit jusqu'au XVIe siècle, de la profession militaire.

    Juges de robe courte, s'est dit des prévôts, des maréchaux, de leurs lieutenants, et de quelques autres officiers non gradués, qui jugeaient l'épée au côté.

    Robe longue, s'est dit, à la même époque, de la noblesse et du clergé.

    Les gens en robes longues, les gens du parlement. On a des soldats de robe longue payés uniquement pour servir contre elle [la raison], Voltaire, Lett. en vers et en prose, 170.

    Chirurgiens de robe longue, se disait de ceux qui avaient suivi les cours des écoles ; chirurgiens de robe courte, ceux qui ne les avaient pas suivis. Les chirurgiens de Saint-Côme, autrement dits de longue robe, Patin, Lett. t. II, p. 196.

  • 7La profession des gens de judicature. La noblesse de robe. À la fin j'ai quitté la robe pour l'épée, Corneille, le Ment. I, 1. Je connais le nom de notre amant, il est des premiers de la robe, Sévigné, 25 nov. 1685. Renfermé à l'exemple de ses pères dans les modestes emplois de la robe, Bossuet, le Tellier. Une téméraire jeunesse se jetait sans étude et sans connaissance dans les charges de la robe, Fléchier, le Tellier. Il naquit d'une des plus nobles et plus anciennes maisons du Nivernais, qui, après s'être distinguée dans les emplois militaires avant le règne même de saint Louis, entrant depuis sous Henri II dans les premières dignités de la robe…, Fléchier, Lamoignon. Chez nous le soldat est brave et l'homme de robe est savant ; nous n'allons pas plus loin ; chez les Romains l'homme de robe était brave et le soldat était savant : un Romain était tout ensemble et le soldat et l'homme de robe, La Bruyère, II. D'où vient que cet homme est entré dans la robe ? Massillon, Carême, Vocat. Une femme de qualité, en passant à Bordeaux, y trouva les femmes de robe un peu trop fières : " Monsieur, dit-elle, au président de G., vos femmes font les duchesses. - Madame, lui répondit le président, elles ne sont pas assez impertinentes pour cela, ", Marmontel, Œuv. t. VII, p. 467.

    L'année de robe, s'est dit pour année judiciaire. Il se peut que la multiplicité prodigieuse les affaires, sur la fin de l'année de robe, lui ait fait oublier [à un magistrat] mon paquet cette fois-ci, Voltaire, Lett. d'Argental, 5 sept. 1772.

    Les gens de judicature. L'esprit de la robe. Les prétentions de la robe. La robe ne fournit-elle pas d'aussi jolis hommes que l'épée ? Dancourt, la Folle enchère, sc. 10.

    Par une ellipse extrêmement forte. Est-ce que vous vous êtes mise dans l'épée ? je vous ai vue si fort dans la robe, Dancourt, Moulin de Jav. sc. 4. ; c'est-à-dire : est-ce que vous prenez vos amants dans le militaire ? je vous ai vue les prendre parmi les gens de justice.

    La haute robe, se disait autrefois des premiers magistrats.

    L'ancienne robe, se disait des familles anciennes de la robe.

  • 8Dans la langue familière, il se dit de l'état des ecclésiastiques, des religieux, mais alors il est toujours précédé d'un adjectif possessif. C'est un prêtre ; qui aurait cru qu'un homme de sa robe… ? Je porte respect à sa robe.

    Par dénigrement. Les robes noires, les prêtres.

    Jésuite de robe courte, séculier qui est affilié à la société de Jésus ; et, par dénigrement, celui qui, sans être affilié à cet ordre, en adopte, en défend les doctrines.

  • 9 Par extension, il se dit de ce qui revêt quelques animaux. Deux chevaux de même robe. Tertullin… après avoir dit beaucoup de choses de la robe du paon, Voiture, Lett. 91. Une autre influence du climat et de la nourriture est la variété des couleurs dans la robe des animaux, Buffon, Quadrup. t. I, p. 80. Leur robe [des panthères] est variée partout de taches noires, semblables à des yeux, Buffon, ib. t. III, p. 169. La robe des fauvettes est généralement terne et obscure, Buffon, Ois. t. IX, p. 204.
  • 10Enveloppe de certains légumes ou de certains fruits. La robe d'une fève, d'un oignon.
  • 11Se dit quelquefois de la couleur des vins. Les vignerons du midi plâtrent leurs vins pour leur donner une couleur riche, une robe éclatante et plus pure.
  • 12Boyau qui recouvre une andouille.

    Feuille de papier qui recouvre le carton.

  • 13Nom donné, dans la manufacture des tabacs, aux feuilles qui forment l'extérieur du cigare.
  • 14En sucrerie, la robe du pain, la partie superficielle du contour du pain. Le sucre est plus pur dans la robe du pain que dans le centre.
  • 15Quantité de laine qu'on lève en tondant un mouton.
  • 16Robe de sergent, variété de prune.
  • 17Bonne robe, italianisme (buona roba) qui signifie bonne marchandise, bonne épée, et fig. femme assez belle, mais de conduite peu régulière ; il est tout à fait inusité. Elle était fille à bien armer un lit… Ce qu'on appelle en français bonne robe, La Fontaine, Servante.

PROVERBES

Belle fille et vieille robe trouvent souvent qui les accroche.

Ventre de son et robe de velours, se dit d'une femme qui se prive du nécessaire pour être bien parée.

Robe de Nessus ou de Déjanire, présent funeste à celui qui le reçoit, par allusion à la robe du centaure Nessus qui causa la mort d'Hercule.

HISTORIQUE

XIIIe s. Moult est riche la robe qui d'honor est venue, Mais cele est povre et vil qui de honte est creüe, La folle et la sage. Bele Yolans en ses chambres seoit, D'un bon samit une robe cousoit, Romancero, p. 39. Or poés savoir que mainte riche robe i ot faite pour le couronement, Villehardouin, CXI. Li tailleeurs de robes langes à Paris puent avoir et tenir tant de valez et tant d'aprentiz comme il voelent, Liv. des mét. 142. Il prist la reube à un garchon, et se mist en la quisine à tourner les capons, Chr. de Rains, p. 46. Ce n'est mie cil qui vestoit Sa robe d'esté à yver : Plus donoit-il et gris et ver C'uns autres de dix tans [dix fois autant] d'avoir, Lai de l'ombre. Quant le [la] dame renonchoit as muebles et as detes, si en voloit ele porter se [sa] plus bele robe à parer et son plus bel lit furni, Beaumanoir, XIII, 21. Ele emporte tant solement se [sa] robe de cascun jor, Beaumanoir, XIII, 21.

XIVe s. Celles à qui ladite dame donne robes de compaignie, c'est assavoir ses deux filles…, Du Cange, roba. Jehan de Bas fut condempnez d'aller des prisons tout nu en robe linge [chemise]…, Du Cange, ib. Robes de corps et de nopces [robes de deuil et de noces], Du Cange, ib.

XVe s. Nonobstant qu'il eust laissé toute sa robe [effets, garde-robe] en une nave, Bouciq. I, 15. Icelui Polin par maniere de desrision ou moquerie dist au suppliant, qu'il alast à Paris vestir les robes de soie, aussi comme s'il voulsist dire que ledit suppliant estoit fils de prestre, Du Cange, roba. [Quand on couche deux] L'un veult dormir, l'autre veillier ; L'un veut sa robe [couverture] entourtiller Pour le froit ; l'autre contregaige Et tire à soy…, Deschamps, Poésies mss. f° 448. Icellui Breton avoit menacé la chambriere de lui coupper la robe par dessus le cul, Du Cange, roba. Madame tout à coup se leve et prend sa robe de nuit, Louis XI, Nouv. XVII.

XVIe s. La semence [du pantagruelion]… est sphericque, oblongue, noire, couverte de robbe fragille, Rabelais, Pant. III, 47. … et lui fit feste d'avoir trouvé la meilleure robe [amoureuse, fille de plaisir] qu'il avoit point vue, Marguerite de Navarre, Nouv. VIII. Les François, qui aux adversitez sont assez promps de retourner leur robbe, Lanoue, 599. Et ne faut point douter que ce grand animal devoratif [une armée], passant parmi tant de provinces, n'y trouvast tousjours de la pasture, et souvent la robbe du pauvre peuple qui y estoit meslée, et quelquesfois des amis, Lanoue, 628. Quant aux autres qui estoyent d'Eglise, ou de robbe longue, Lanoue, 708. Et pour chose nouvelle leur grands navires avoient une robe de plomb, contre le mal que les vers font aux longs voiages, D'Aubigné, Hist. III, 446. Et parce que l'abbé, dernier possesseur, estoit religieux, et tenoit l'abbaye en titre, tout son bien estoit acquis au roy que l'on appelle robbe-morte, Carloix, II, 10. Durant la saison belle Que les prez et les bois prennent robe nouvelle, Desportes, Roland furieux. Je pris un porreau : luy ayant coupé la teste et despouillé de deux robbes…, Paré, Introd. II. Quel est l'homme, telle doibt estre sa robe, Génin, Récréat. t. II, p. 248. Autres qui s'estiment plus sages en robe qu'en pourpoint, Dial. de Tahureau, p. 83, dans LACURNE. M. le mareschal Strozzi estoit voué à l'eglise, et, pour un chapeau rouge qui luy fut desnié, quitta la robe et se mit aux armes, Brantôme, Dames gal. t. II, p. 185. Ceux qui se sont meslez de cet estat d'amour, ils ont toujours tenu cette maxime, qu'il n'y a que le coup en robe [à la dérobée], Brantôme, ib. t. I, p. 327. Robbe d'autruy ne fait honneur à nully, Cotgrave Robbe refait moult l'homme, Cotgrave Fille trop veue, robe trop vestue, n'est pas chere tenue, Cotgrave Quant le duc de Savoie se fut assez cholerisé contre les Ligues, yl s'apaisa à la fin, mesmement voiant qu'il pouvoit torcher ceste ordure à aultre robe que la sienne, Bonivard, Chr. de Genève, II, 31.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. rauba, dépouille et robe ; catal. roba ; espagn. ropa ; portug. roupa ; ital. roba, effets, marchandises. Le sens propre est dépouille, particularisé dans l'italien au sens d'objets de valeur, et particularisé encore davantage dans les autres langues au sens de vêtement ; l'étymologie est l'anc. haut-all. roubôn, all. mod. rauben, angl. to rob, dépouiller, dérober.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

ROBE. - ÉTYM. Ajoutez : XIVe s. La mort Anselet le tailleur de raubes, Varin, Archives administr. de la ville de Reims, t. II, 1re part. p. 43. On remarquera dans ce texte l'orthographe raube, qui coïncide avec le provenç. rauba, et avec l'étymologie rauben.