« nouveau », définition dans le dictionnaire Littré

nouveau

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

nouveau ou, devant une voyelle ou une h muette, nouvel, nouvelle

(nou-vô ou nou-vèl, nouvè-l') adj.
  • 1Qui est ou apparaît pour la première fois. Qu'y a-t-il de nouveau ? Votre vertu est si connue que, si je n'en publie que ce que j'en sais, je n'y annoncerai rien de nouveau, Guez de Balzac, liv. VI, lett. 4. Amants, heureux amants, voulez-vous voyager ? Que ce soit aux rives prochaines ; Soyez-vous l'un à l'autre un monde toujours beau, Toujours divers, toujours nouveau, La Fontaine, Fabl. IX, 2. Qu'on ne dise pas que je n'ai rien dit de nouveau ; la disposition des matières est nouvelle, Pascal, Pens. VII, 9, éd. HAVET. De là viennent toutes les disputes des hommes, qui se reprochent ou de suivre leurs fausses impressions de l'enfance, ou de courir témérairement après les nouvelles, Pascal, ib. III, 3. Tu mandes que nous t'avons écrit ce que tu nous écris ; je ne me souviens pas de t'en avoir parlé, et si peu que cela m'a été très nouveau, Pascal, Lett. à Mme Périer, 5 nov. 1648. Je suis accoutumé à son zèle ; mais le vôtre m'est tout nouveau, Pascal, Lett. à Mlle de Roannez, 3. Goûtez tout le plaisir d'une grandeur nouvelle, Racine, Théb. V, 3. Et c'est cette vertu, si nouvelle à la cour, Dont la persévérance irrite mon amour, Racine, Brit. II, 2. Cette offense en son cœur sera longtemps nouvelle, Racine, ib. IV, 4. La pompe de ces lieux, Je le vois bien, Arsace, est nouvelle à tes yeux, Racine, Bérén. I, 1. Nouvel objet, nouveau désir, Favart, Soliman II, I, 7. Ces nouveaux objets, ces mœurs nouvelles auraient amusé Formosante, si elle avait pu être occupée d'autre chose que d'Amazan, Voltaire, Princ. de Babyl. 5. Combien la rage de dire des choses nouvelles a-t-elle fait dire de choses extravagantes ! Voltaire, Dict. phil. Homme. Un poison tout nouveau me surprit en ces lieux, Voltaire, Orphel. II, 6. De quel trouble nouveau tous mes sens sont atteints ! Voltaire, Zaïre, II, 3. Un nouveau sang m'anime, un nouveau jour m'éclaire, Voltaire, Mérope, V, 1. Quand un nouvel abus s'introduit, ce n'est point innover que d'y proposer un nouveau remède, Rousseau, Lett. de la mont. 7. Sur des pensers nouveaux faisons des vers antiques, Chénier, l'Invention. Aussi pensait-il [Napoléon] souvent à ne plus souffrir de puissance ancienne en Europe, et voulait-il seul faire époque, être une ère nouvelle pour les trônes, et qu'enfin tout datât de lui, Ségur, Hist. de Nap. I, 3.

    Fig. C'est du fruit nouveau, se dit de quelque chose de rare, d'inattendu. C'est du fruit nouveau que de vous voir. Voilà du fruit nouveau dont son fils le régale, Regnard, le Joueur, I, 7.

  • 2Qui existe ou est connu depuis peu de temps. La Grèce et Rome sont des républiques nouvelles, en comparaison des Chaldéens, des Indiens, des Chinois, des Égyptiens, Voltaire, Pyrrh. hist. X.

    Qui est contraire à la tradition. Nouvelle doctrine. Nouvelle religion.

    L'esprit nouveau, l'esprit qui porte les hommes à l'innovation, à la rénovation.

  • 3Se dit de celui qui prend un caractère, une doctrine, une fonction qu'il n'avait pas. Les nouveaux chrétiens. Ayant parlé de cette sorte, Le nouveau saint ferma sa porte, La Fontaine, Fabl. VII, 3. Partout du nouveau prince on vantait la clémence, Racine, Esth. III, 4. Ô cher Moultou ! nouveau Génevois, vous montrez pour la patrie toute la ferveur que les nouveaux chrétiens avaient pour la foi, Rousseau, Lett. à M. le doct. Tronchin, Corr. t. V, p. 4, dans POUGENS.

    Nouveau chrétien, nom qu'on donnait, en Espagne et en Portugal, aux Maures et aux Juifs convertis, et même à leurs enfants et à toute leur postérité.

  • 4Mots nouveaux, mots qui commencent à se répandre, mais que l'usage n'a pas encore autorisés. Ce mot [pouvoir prochain] me fut nouveau et inconnu, Pascal, Prov. I.
  • 5Un habit nouveau, un habit d'une nouvelle mode ; un nouvel habit, un habit différent de celui qu'on avait auparavant.

    Nouveaux livres, d'autres livres que ceux que l'on a ou que l'on a lus ; livres nouveaux, livres qui ont paru depuis peu. Philaminte : Le brutal ! - Armande : Et vingt fois, comme ouvrages nouveaux, J'ai lu des vers de vous qu'il n'a point trouvés beaux, Molière, Femmes sav. IV, 2.

    Docteurs nouveaux, docteurs qui prêchent une doctrine nouvelle, une doctrine hétérodoxe, non avouée ; nouveaux docteurs, ceux qui ont reçu nouvellement le doctorat.

    Chose nouvelle, chose nouvellement faite, arrivée, mise à la mode ; nouvelle chose, chose autre que celle qu'on tenait, dont on s'occupait.

    Le nouveau vin est le vin nouvellement mis en perce, ou du vin différent de celui qu'on buvait ; le vin nouveau, c'est le vin nouvellement fait. Était-ce un vin à faire fête ?… Était-il vieux ou nouveau ?… Le nouveau donne fort dans la tête, Quand on le veut boire sans eau, Molière, Amph. III, 2.

    Pommes de terre nouvelles, pommes de terre de la nouvelle récolte, au moment où elles viennent en concurrence avec celles de l'année précédente encore conservées.

  • 6Autre, qui a changé. Et mon esprit, jetant de nouveaux yeux sur elle, M'en refit une image et si noble et si belle…, Molière, Princ. d'Él. I, 1.
  • 7Autre, qui se renouvelle. Quand Bacchus comblera de ses nouveaux bienfaits Le vendangeur ravi de ployer sous le faix, Boileau, Épître VI. Quoi ! vous en attendez quelque injure nouvelle ! Racine, Andr. II, 1. Ces vengeurs trouveront de nouveaux défenseurs, Racine, Brit. IV, 3. Il est vrai, dans l'horreur de ce péril nouveau …, Voltaire, Zaïre, II, 3. La traduction qu'il [l'abbé Delille] a entreprise de l'Énéide, prépare un nouveau tourment à l'envie, et de nouvelles sottises aux mauvais critiques, D'Alembert, Éloges, Segrais.
  • 8Le nouvel an et l'an nouveau, le commencement de l'année.

    La saison nouvelle, le printemps. La priant de lui prêter Quelque grain pour subsister Jusqu'à la saison nouvelle, La Fontaine, Fabl. I, 1.

  • 9La nouvelle lune, le commencement du mois lunaire, qui a lieu lorsque la lune se trouve en conjonction avec le soleil et est invisible pour nous. La lune est nouvelle.

    Nouvelle lune moyenne, celle qui est calculée d'après les mouvements moyens.

    Nouvelle lune véritable, temps précis de la conjonction pour un observateur qui serait placé au centre de la terre.

  • 10Le nouveau monde, voyez MONDE.
  • 11 Terme de chronologie. Le nouveau style, voy. STYLE.
  • 12Nouveau Testament, voyez TESTAMENT.
  • 13 En termes de pratique, passer titre nouvel. (Nouvel ne s'emploie après le substantif que dans ce seul exemple.)

    On dit aussi dans le même style : articuler faits nouveaux.

    Terme d'ancienne jurisprudence. Nouveaux acquêts, héritage pour lequel les gens de mainmorte n'avaient point payé les amortissements.

  • 14Un homme nouveau, celui qui commence à se distinguer, et qui n'a pas de naissance. Chrysippe, homme nouveau et le premier noble de sa race, La Bruyère, VI.
  • 15Nouvel homme et homme nouveau, le chrétien régénéré par la grâce. " Notre vieil homme périt, dit saint Paul, et se renouvelle de jour en jour, " et ne sera parfaitement nouveau que dans l'éternité, Pascal, Lett. à Mlle de Roannez, 3. On devenait des hommes nouveaux, Massillon, Avent, Disp.

    Terme de théologie. Nouvel Adam, Jésus-Christ.

    Il se dit des choses dans le même sens. Ce langage nouveau que produit ordinairement le cœur nouveau, Pascal, Lett. à Mlle de Roannez, 3. Quoi ! attendre à commencer une vie nouvelle, lorsqu'entre les mains de la mort, glacés sous ses froides mains, vous ne saurez si vous êtes avec les morts ou encore avec les vivants ! Bossuet, Louis de Bourbon.

  • 16Un nouveau visage, une personne qu'on n'a pas encore vue. Je change de domestiques le moins que je peux, je n'aime pas les nouveaux visages.
  • 17Autre, qui vient après. Son père Icare l'aura contrainte [Pénélope] d'accepter un nouvel époux, Fénelon, Tél. VII. Les Romains eurent à peine dompté les Carthaginois, qu'ils attaquèrent de nouveaux peuples, Montesquieu, Rom. 5.

    Autre, second, qui a de la ressemblance ou de la conformité avec. Un nouvel Alexandre. La terre semblait menacée d'un nouveau déluge. Poussons jusqu'au ciel nos acclamations [pour Louis XIV révoquant l'édit de Nantes], et disons à ce nouveau Théodose, à ce nouveau Marcien, à ce nouveau Charlemagne…, Bossuet, le Tellier. Ce nouvel Ixion n'embrasse que de l'air, Deshoulières, Poés. Réflexions morales. Florence était alors une nouvelle Athènes, et, parmi les orateurs qui vinrent de la part des villes d'Italie haranguer Boniface VIII sur son exaltation, on compte dix-huit Florentins, Voltaire, Mœurs, 82. Il y avait déjà un comédien appelé Molière, auteur de la tragédie de Polyxène ; le nouveau Molière fut ignoré pendant tout le temps que durèrent les guerres civiles en France, Voltaire, Vie de Molière.

  • 18Qui sort de la règle, qui est singulier, extraordinaire. J'ai vu une lettre du pape, un peu sèche, à son fils aîné ; c'est un style si nouveau à nous autres Français, que nous croyons que c'est à un autre qu'il parle, Sévigné, 17 juillet 1680. Vous êtes frappée comme moi de cette disposition de la Providence [qui sépare Mme de Sévigné et Mme de Grignan] ; mais vous l'envisagez avec plus de courage que moi ; car cette dureté m'est toujours nouvelle, Sévigné, 11 déc. 1675. Cela m'est tout à fait nouveau ; vous dites qu'il y a un secret pour changer les métaux en or, Fontenelle, Artémise, Raimond Lulle.

    Il est nouveau de, avec l'infinitif, ou il est nouveau que, avec le subjonctif, c'est-à-dire c'est une chose nouvelle, rare. Il est assez nouveau qu'un homme de son âge Ait des charmes si forts pour un jeune courage, Corneille, Sert. II, 1. Il fut nouveau de voir des maréchaux de France obéir à d'autres, Saint-Simon, 6, 76.

  • 19En parlant des personnes, novice, inexpérimenté. Nous arrivons tout nouveaux aux divers âges de la vie, et nous y manquons souvent d'expérience malgré le nombre des années, La Rochefoucauld, Max. 405. Êtes-vous si nouveau que de ne savoir pas Que c'est pour Alcidor qu'elle tend ses appas ? Racan, Bergeries, II, 3, Arténice. Comme je suis encore fort nouveau dans mes affaires, Ch. Sévigné, dans SÉV. t. VII, p. 382, édit. RÉGNIER.
  • 20 S. m. Ce qui n'a pas été vu, dit, fait. Voilà du nouveau. Vous aimez le nouveau. Qu'y a-t-il de nouveau ? Mais surtout évitez Les traits que tant de fois l'églogue a répétés ; Il me faut du nouveau, n'en fût-il plus au monde, La Fontaine, Climène, comédie. Quoique les hommes soient plus frappés du nouveau que de l'excellent, Raynal, Hist. phil. V, 28.

    Familièrement. Voilà du nouveau, voilà une conduite étrange, blâmable, inattendue.

  • 21 S. f. Nouvelle de Hollande, variété de tulipe.
  • 22 Adv. Nouvellement. Du beurre nouveau battu. Des vins nouveau percés. Les nouveau-nés. Une fille nouveau-née.

    Avec d'autres participes que né et qui sont pris substantivement, il est adjectif et s'accorde. Les nouveaux venus. Une nouvelle venue. Une nouvelle convertie. Une voix est sortie contre les nouveaux mariés, Bossuet, Hist. II, 8.

    Nouveau converti, nouvelle convertie, nom que l'on donnait, sous Louis XIV, aux réformés qu'on avait forcés de quitter leur religion.

    S. f. pl. Les Nouvelles Converties, nom d'une communauté de filles catholiques.

  • 23De nouveau, loc. adv. De rechef, encore une fois. De nouveau l'on combat et nous sommes surpris, Corneille, Poly. I, 4. Je viens tout de nouveau vous apporter ma tête, Corneille, Cid, V, 8.
  • 24À nouveau, loc. adv. De rechef, une seconde fois. C'est un travail à refaire à nouveau.

    Terme de banque et de commerce. À nouveau, sur un nouveau compte.

PROVERBES

Tout ce qui est nouveau paraît beau, ou, plus brièvement, tout nouveau tout beau.

À nouvelles affaires, nouveaux conseils.

REMARQUE

Nouveau mis immédiatement devant un substantif commençant par une voyelle, ou par une h muette, se change en nouvel : un nouvel hôte ; mais, quand le substantif ne suit pas tout près, on n'y change rien : un nouveau et rare moyen.

HISTORIQUE

XIIe s. Novele mort [il] lor convient assentir [il faut qu'ils se résignent à une nouvelle mort], Roncisv. 60. Novele amor où j'ai mis mon penser, Couci, II. Li noviauz temps et mais et violete, ib. VI. Touz jours m'est plus s'amours fresche et novele…, ib. XVIII.

XIIIe s. Et par le commun conseil des François et des Grieus fu devisé, que li noviaus empereres seroit coronnés à la feste Saint Pierre, à l'entrant d'aoust, Villehardouin, LXXXVII. Le tans qu'il fu bastars ne li doit pas estre conté, si que el tans qu'il ist [sort] de bastardie, il est nouviax nés comme à estre hoirs, Beaumanoir, XVIII, 24.

XIVe s. En maint lieu disoit-on aux enfanz nouveau nez : Taisiez-vous, taisiez-vous, ou jà le comperrez [vous le payerez] : Bertran de Claquïn est de ça arrivez, Guesclin, 44.

XVe s. En eux reposant pour estre plus frais et plus nouveaux quand leurs ennemis viendroient, Froissart, I, I, 284. Monseigneur… laissez les choses en leur estat ancien, et ne faites rien de nouvel, Froissart, II, II, 52. Les vieilles font les nouvelles, En parolles gracieuses Et accointances joyeuses, Orléans, Rondeau. Beau cousin, lui dict le roy, vous soyez le bien venu, voulez-vous rien ? y ha il aucune chose de nouveau ? Juvénal Des Ursins, Charles VI, 1414. Se vous y voyez aucune chose de nouveau, à nouveau fait fault nouveau conseil, le Jouvencel, f° 81, dans LACURNE. Messire Jehan seigneur de Lannoy, chevalier de l'ordre de la toison, homme sçachant et nouvel [ingénieux, inventif], De la Marche, Mém. liv. I, p. 411, dans LACURNE.

XVIe s. Il ne se fait rien de nouveau sous le soleil, Marguerite de Navarre, Nouv. IV. Comme douleurs de nouvel amassées Font souvenir des liesses passées…, Marot, I, 244. Quant un nouveau empereur venait à estre receu au senat, on luy crioit…, Amyot, Préf. XXIII, 51. Et ne doit-on point trouver nouveau que le peuple d'Athenes ait eu si grand soing d'exercer la charité envers ces femmes ? Amyot, Arist. 67. Ilz appelloient hommes nouveaux ceulx qui n'estoient point nobles de race, ains commençoient à s'ennoblir eulx mesmes, Amyot, Caton, 1. Il passa en Asie avec une seule legion qu'il leva de nouveau [pour la 1re fois] à Rome, Amyot, Lucul. 13. Il n'y est pas nouveau [il a de l'expérience en cela], H. Estienne, Précell. p. 79. De nouveau seigneur nouvelle mesgnie, Cotgrave Vieux peché fait nouvelle honte, Cotgrave Voyant sur nostre sejour La belle aulbe retournée, Pour serener d'un beau jour La lumiere nouveau née, Du Bellay, J. Œuvres, p. 454, dans LACURNE. Encores qu'il ne soit pas nouveau de veoir…, Montaigne, I, 92. Intenter libel d'interdict de possession, que l'on appelle vulgairement de nouvel trouble et empeschement de saisine, Gr. coust. de France, liv. II, ch. 21, p. 138, dans LACURNE.

ÉTYMOLOGIE

Picard, nouviau ; bourguig. nôveà ; provenç. novell, novelh, noel ; catal. novell ; espagn. et portug. novel ; ital. novello ; du lat. novellus, diminutif de novus, neuf (voy. NEUF 2).