« hausser », définition dans le dictionnaire Littré

hausser

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

hausser

(hô-sé) v. a.
  • 1Rendre plus haut. Hausser un mur, une maison. Je ne doute pas que, si quelque capitaine des grands grenadiers lit jamais cet ouvrage, il ne hausse de deux grands pieds au moins les bonnets de sa troupe, Voltaire, Micromégas, ch. 5.
  • 2Lever en haut. Hausser le bras. Il hausse la visière de son casque. Je saute à bas du lit, je cours à la fenêtre, J'ouvre et hausse la vue, et ne vois rien paraître, Racan, Bergeries, Alcidor, I, 1. Pour se corriger d'un défaut qu'il avait contracté par une mauvaise habitude, qui était de hausser continuellement les épaules, il [Démosthène] s'exerçait debout dans une espèce de tribune fort étroite où pendait une hallebarde, afin que, si dans la chaleur de l'action ce mouvement venait à lui échapper, la pointe de cette hallebarde lui servit d'avertissement et de punition, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. V, p. 534, dans POUGENS.

    Hausser les épaules, les lever en signe de dédain, de mépris. Vous, qui me prétendez faire passer pour sot, En me haussant l'épaule et faisant la grimace, Molière, Éc. des femmes, IV, 2. Le roi le vit [Cavalier, un des chefs des protestants révoltés dans les Cévennes], et haussa les épaules, Voltaire, Louis XIV, 36.

    On dit dans le même sens : hausser le dos. Pourquoi hausser le dos ? est-ce qu'on parle en fat ? Molière, Éc. des femmes, IV, 2.

    On dit aussi quelquefois : hausser les épaules de pitié, de mépris.

    Fig. et familièrement. Hausser le coude, boire beaucoup. Adieu, quand vous voudrez, nous hausserons le coude ; Si je vous y tenais, nous boirions à ravir, Boursault, Fabl. d'Ésope, I, 6.

    On dit dans le même sens : hausser la gourde, hausser le gobelet ; et, populairement, hausser le temps, locution qui vient peut-être de ce qu'on dit : le temps est haut, pour signifier : les nuages sont hauts, il n'y a pas menace de pluie, de sorte que hausser le temps signifierait rendre le temps beau, gai, en buvant.

    Terme de chasse. Hausser le nez à son limier, lui faire rapprocher une vieille voie.

  • 3 Terme de marine. Hausser un vaisseau, s'en approcher afin de le reconnaître. On dit de même : hausser une côte, un phare, etc.

    Cette locution vient de ce qu'en approchant d'un vaisseau, d'une côte, on semble hausser ces objets qui de moment en moment paraissent plus grands.

  • 4 Terme de potier. Hausser un plat, une assiette, étendre la matière du centre à la circonférence.

    Terme d'orfévrerie. Élargir une pièce en lui donnant de la profondeur.

  • 5 Fig. Augmenter. Plus vous me faites voir d'amour et de mérite, Plus vous haussez le prix des trésors que je quitte, Corneille, Tois. d'or, III, 3. Le paysan [en Angleterre] n'a point les pieds meurtris par des sabots, il mange du pain blanc, il est bien vêtu, il ne craint point d'augmenter le nombre de ses bestiaux, ni de couvrir son toit de tuiles, de peur que l'on ne hausse ses impôts l'année d'après, Voltaire, Dict. phil. Gouvernement anglais. La compagnie, ayant rempli cet engagement, haussa son dividende à sept, et ensuite à huit, Raynal, Hist. phil. III, 39.

    Hausser la monnaie, le prix des monnaies, en augmenter la valeur numéraire. Il [Pierre le Grand] avait été réduit à la mauvaise ressource de hausser les monnaies ; remède qui ne guérit jamais les maux d'un État, Voltaire, Charles XII, 8.

  • 6Rendre plus fort, en parlant de la voix. Mais à peine il revit, qu'elle, haussant la voix : Je n'ai pas résolu de mourir à ton choix, Dit-elle…, Corneille, Théod. V, 8. Je n'ai qu'à faire un pas et hausser la parole…, Corneille, Tite et Bérén. II, 1. Contre qui as-tu haussé la voix et élevé tes yeux insolents ? Sacy, Bible, Isaïe, XXXVII, 23. Après quelques moments haussant un peu la voix : Dans Thèbes, reprit-elle, on conte qu'autrefois…, La Fontaine, Filles de Minée. Sans éveiller d'écho sonore, J'ai haussé ma voix faible encore, Hugo, Odes, II, 10.
  • 7 Terme de musique. Faire que les sons rendus soient plus aigus, en parlant d'instruments. Hausser une guitare.

    Hausser le diapason, prendre pour note du diapason une note plus élevée.

    Hausser le ton d'un morceau de musique.

    Fig. Hausser le ton, prendre un ton de commandement, de menace, élever ses prétentions. Cette manière de commander avec douceur et avec fermeté, et de répondre en peu de paroles sans hausser le ton, Maintenon, Lett. à Mme de.... 30 sept. 1693.

  • 8 Fig. Donner plus de force, en parlant du cœur, du courage. Cette place lui a bien haussé le cœur.
  • 9 V. n. Devenir plus haut, plus élevé. La rivière a haussé.

    Avoir une épaule qui hausse, avoir une épaule plus haute que l'autre.

    Terme de marine. La terre hausse, le navire hausse, nous nous rapprochons de la terre, de tel navire.

    Fig. et familièrement. Hausser d'un cran, augmenter d'une petite quantité. Son crédit n'a pas haussé d'un cran.

    Fig. Prendre une valeur plus grande. Les prix ont haussé. La rente continue à hausser. On se plaignait que tous les acheteurs allaient à eux, et qu'ils faisaient hausser le prix du grain, Raynal, Hist. phil. III, 1.

    Fig. Hausser d'un ton, prendre un ton de supériorité, de menace.

  • 10Se hausser, v. réfl. Se rendre plus grand. Se hausser sur la pointe du pied.

    Fig. C'est un homme qui ne se hausse ni ne se baisse, c'est un homme tranquille qui ne s'émeut pas facilement.

    Fig. Se hausser, tâcher de paraître avoir plus de mérite, plus de crédit, etc. qu'on n'a.

  • 11Être haussé. Cela se baisse et se hausse à volonté.

    Le temps se hausse, il s'élève, il s'éclaircit.

    Fig. Arriver au point de. Nos pères sur ce point étaient gens bien sensés, Qui disaient qu'une femme en sait toujours assez, Quand la capacité de son esprit se hausse à connaître un pourpoint d'avec un haut-de-chausse, Molière, Femmes sav. II, 7.

HISTORIQUE

XIIe s. Li emperere en hauce le menton, Ronc. p. 12.

XIIIe s. Or entendés come grans domages ce fu, quant il ne furent avec aus [eux] ajousté ; tousjors mais en fust crestienté haucie, Villehardouin, C. L'une se hauce, et ses voisines Se tiengnent vers la terre enclines, la Rose, 5781. Por ce ne demorra pas, quant li uns vaurra [voudra] haucier se [sa] meson, qu'il ne le [la] hauce et que cascuns n'ait se goutiere par devers soi, Beaumanoir, XXIV, 22. Et vraiement, fist le chevalier, vous le comparrez [paierez], et lors il hauça sa potence et feri le juif les l'oye [lez l'ouie, près l'oreille], Joinville, 198. Hom vrais est cil qui tient le mi entre celui qui use ventance et monstre qu'il face grans choses et se hauce plus qu'il ne doit, et entre celui qui se desprise et humilie, Latini, Trésor, p. 291.

XIVe s. Il vente d'un froi vent qui à haucier s'est pris, Et il pluet malement en accroissant tous dis, Guesclin. 18235.

XVe s. Adonc l'autre hausse et de bon poing charge sur le visage de sa compagne, Louis XI, Nouv. C. Haussez [remontez d'un cran à la crémaillère] ce pot, de par Dieu ! - Eh bien ! dit-elle, je le hausserai [encherirai], je le mets à sept sols ; est-ce assez haut ? Louis XI, ib. XCVII.

XVIe s. Pour avoir haulsè la main ou baissé la teste, Montaigne, I, 49. Il meit des cailloux dans cette cruche jusques à ce qu'il eust faict haulser l'huile plus prez du bord, Montaigne, II, 176. Ayant les habitans haulsé et bien remparé les murailles…, Amyot, Cam. 3. Le lac commencea à s'enfler et se haulser à vue d'œil, Amyot, Cam. 5. Comme l'un haulsoit une hache pour luy en donner sur la teste, Amyot, ib. 47. Le vent haulsa la mer par telle violence, que…, Amyot, Sertor. 10. Il se voulut lever de là ; car le cœur luy haulsoit, et commencoit à s'esmouvoir et attrister jusqu'aux larmes, Carloix, II, 11. Ce grand capitaine eut pour lieutenant à sa compagnie de cent hommes d'armes Dom Diego de Quiñones, qui lui haussa bien la main [l'assista] en ses combats et victoires, et de vray luy fut bon et brave lieutenant, Brantôme, Cap. estr. t. I, p. 102. dans LACURNE.

ÉTYMOLOGIE

Picard, se heucher ; provenç. alsar, ausar ; espagn. alzar ; ital. alzare, d'un verbe bas-lat. fictif altiare, de altus, haut (voy. HAUT).