« veuf », définition dans le dictionnaire Littré

veuf

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

veuf, veuve

(veuf, veu-v' ; au plur. masc. l's ne se lie pas : des veuf inconsolables, et non des veuf-z inconsolables ; Vaugelas remarque que dans plusieurs provinces on prononçait vève, ce qu'il réprouve) adj.
  • 1De qui la femme est morte, et qui n'est point remarié ; de qui le mari est mort et qui n'est point remariée. J'eusse été plutôt veuf d'une méchante femme, Tristan, Mort de Chrispe, v, 8. Veuve à dix-huit ans, princesse du sang, et aussi riche que belle, elle [la princesse de Conti] eut de quoi se consoler, Mme de Caylus, Souvenirs, p. 228, dans POUGENS. Il vous a dit qu'il était veuf ; sa femme m'a dit aussi qu'elle était veuve ; ils ont la rage tous deux de vouloir être veufs, Lesage, Turc. v, 10.

    Fig. Privé de. Par moi, braves héros, sont veuves à la fois Vos femmes de maris et vos villes de rois, Rotrou, Antig. I, 6. [Rome] Veuve d'un peuple-roi, mais reine encor du monde, Gilbert, Ode à Monsieur sur son voyage en Piémont. Les soldats de Ney et ceux de la division Gudin, veuve de son général…, Ségur, Hist. de Nap. VI, 8. Il n'est plus [un ami d'enfance], notre âme est veuve, Lamartine, Harm. II, 1.

    Église veuve, église collégiale qui a été cathédrale et dans laquelle il y avait anciennement un évêque.

  • 2 S. m. et f. Un veuf, une veuve. Elle a épousé un veuf. Entre la veuve d'une année Et la veuve d'une journée La différence est grande… L'une fait fuir les gens, et l'autre a mille attraits, La Fontaine, Fabl. VI, 21. Je plains les pauvres mères, Mme de Saucourt et Mme de Cauvisson ; pour les jeunes veuves, elles ne sont guère à plaindre : elles seront bien heureuses d'être leurs maîtresses ou de changer de maîtres, Sévigné, Lett. à Bussy, 12 juillet 1690. Que le monde voit peu de ces veuves dont parle saint Paul, qui, vraiment veuves et désolées, s'ensevelissent, pour ainsi dire, elles-mêmes dans le tombeau de leurs époux, Bossuet, Anne de Gonz. Cette terrible sentence de saint Paul : la veuve qui passe sa vie dans les plaisirs, est morte toute vive, Bossuet, ib. Combien donc en devrait-on pleurer comme mortes, de ces veuves jeunes et riantes, que le monde trouve si heureuses ! Bossuet, ib. Épouser une veuve, en bon français, signifie faire sa fortune : il n'opère pas toujours ce qu'il signifie, La Bruyère, VI. L'habillement des veuves était assez semblable à celui de nos religieuses, Saint-Foix, Ess. Paris, Œuv. t. IV, p. 223, dans POUGENS. La veuve Calas est à Paris, dans le dessein de demander justice ; l'oserait-elle, si son mari eût été coupable ? Voltaire, Lett. d'Argental, 11 juin 1762. La veuve du surintendant Fouquet mourut cette année [1724], Duclos, Œuv. t. v, p. 271. La veuve la plus sage est toujours assez folle Pour se remarier…, Lachaussée, Gouvern. I, 1.

    Fig. Le denier de la veuve, ce qu'on donne en prenant sur son nécessaire.

    Fig. Avoir affaire à la veuve et aux héritiers, voy. HÉRITIER.

  • 3 S. f. Parmi les fleuristes, la veuve, tulipe panachée de blanc et de violet. Il la quitte pour l'orientale, de là il va à la veuve, La Bruyère, XIII.

    Veuve ou fleur de veuve, scabieuse à fleurs d'un noir pourpré, scabiosa atro-purpurea, L.

  • 4Veuve, oiseau d'Afrique, ainsi dit à cause de la couleur de son plumage et de sa queue traînante, emberiza paradisea, L. ordre des passereaux. Les voyageurs disent que les veuves font leur nid avec du coton ; que ce nid a deux étages ; que le mâle habite l'étage supérieur, et que la femelle couve au rez-de-chaussée, Buffon, Ois. t. VII, p. 218.

    Espèce de papillon.

    Espèce de singe d'Amérique.

  • 5En argot, la veuve, la guillotine. Mon père a épousé la veuve, Hugo, le Dern. jour d'un condamné, XXIII.

HISTORIQUE

XIe s. Primerament rendrat l'um à la vedve dix solz…, Lois de Guill. 9.

XIIe s. Tant cum il vesqui puis, sainte vie mena ; De servir sun seignur quanqu'il pout se pena, Vedves e orphenins e povres guverna, Th. le mart. 126.

XVe s. Si demeura le roi Charles de France vefve, ni oncque depuis se remaria, Froissart, II, II, 19. Or t'a la mort prins, dont c'est grant pité ; Car laissié as mainte poure orphenine, Veufve de toy ; chiere suer et cousine, Je suy pour toy en grant perplexité, Deschamps, Poésies mss. f° 370. Je feuz en mon jeune aage bachelier… mais en mes anciens jours je demeuray vefve de femme et de enfans, Perceforest, t. III, f° 93.

XVIe s. Suis je donq veuf de mes sacrez rameaux ? Du Bellay, J. II, 28, verso. La terre aussi, qui n'a guere estoit veuve, Promet de fruits une accroissance pleine, Du Bellay, J. II, 29, verso. Les veufves nuicts, et l'aiguillon qui touche Les tendres cueurs en leur deserte couche, Du Bellay, J. VII, 58, recto. Il ordonna aussi que les femmes vefves demourassent en viduité dix ans pour le moins après le decès de leurs maris, Amyot, Numa, 20. L'empereui [Charles-Quint], par cette conversion, fit tort à sa reputation, et à ses terres, et à ses serviteurs qui demeurerent ainsy veufs d'un si bon maistre, Brantôme, Cap. estr. t. II, p. 98.

ÉTYMOLOGIE

Wallon, vef, veuf et veuve ; picard, vaive, veuf et veuve ; Berry, vef, veuf, véfe, veuve ; bourguig. vaive, veuve ; provenç. veuva, vezoa, veuve ; espagn. viuda ; portug. viuva ; ital. vedovo, veuf, vedova, veuve ; du lat. viduus, vidua, veuf, veuve, qu'on rattache au sanscrit vidhava, veuve, vi, sans, et dhava, époux. Cependant il faut remarquer le sens de rendre vide qu'a viduare. Est-ce un autre mot ?