« soupçonner », définition dans le dictionnaire Littré

soupçonner

Définition dans d'autres dictionnaires :

Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

soupçonner

(sou-pso-né) v. a.
  • 1Avoir, sur quelqu'un ou quelque chose, une opinion désavantageuse, non sans un certain doute. Les autres, mieux avertis de notre artifice [dans l'invention dramatique], soupçonnent de fausseté tout ce qui n'est pas de leur connaissance [dans une pièce tirée de l'histoire], Corneille, Poly. Abrégé du mart. Il suffit souvent d'être soupçonné comme ennemi, pour le devenir, Sévigné, 28 nov. 1670. On remarquait dans les entretiens de la pieuse abbesse cette charité qui n'est ni jalouse ni ambitieuse, toujours si disposée à croire le bien qu'elle ne peut pas même soupçonner le mal, Bossuet, Yol. de Monterby. Dans ces jours de confusion et de trouble où les grâces tombaient sur ceux qui savaient à propos se faire soupçonner ou se faire craindre, on le négligea [M. de Montausier] comme un serviteur qu'on ne pouvait perdre, Fléchier, Duc de Mont. Il n'y a rien dans mes écrits qui puisse faire, je ne dis pas juger, mais seulement soupçonner à une personne équitable, que j'aie jamais eu un sentiment si extravagant et si impie, Malebranche, Rech. vér. t. III, Rép. dans POUGENS. Chargé du crime affreux dont vous me soupçonnez, Quels amis me plaindront quand vous m'abandonnez ? Racine, Phèdre, IV, 2. On ne peut pas soupçonner ce prince [Charlemagne] d'avoir voulu affaiblir la discipline militaire, Montesquieu, Esp. XXVIII, 21.
  • 2Avoir une simple opinion touchant quelque chose que ce soit. L'on me dit tant de mal de cet homme, et j'y en vois si peu, que je commence à soupçonner qu'il n'ait un mérite importun qui éteigne celui des autres, La Bruyère, De la cour. Je m'imaginais qu'il m'aimait : je ne le soupçonnais pas, je le croyais, Marivaux, Préj. vaincu, sc. 3. Bacon soupçonna, Newton démontra l'existence d'un principe jusqu'alors inconnu, Voltaire, Dict. phil. Fr. Bacon et attract. Vous avez lu sans doute les poésies du philosophe de Sans-Souci, qu'on soupçonne de n'être ni sans souci ni philosophe, Voltaire, Lett. Cideville, 28 mars 1760. Je soupçonne entre nous que vous croyez en Dieu, Gilbert, Le XVIIIe siècle.

    Ne pas soupçonner, ne pas avoir l'idée que. On a vu, avec des lunettes, de très petites gouttes d'eau de pluie ou de vinaigre ou d'autres liqueurs, remplies de petits poissons ou de petits serpents que l'on n'aurait jamais soupçonnés d'y habiter, Fontenelle, Mondes, 3e soir. Comptant treize ans à peine et ne soupçonnant pas Tout ce qu'elle nous cache ou découvre d'appas, Delille, Imag. III.

    Familièrement. Vous ne soupçonnez pas ce que c'est que cette entreprise, vous ne pouvez en avoir une juste idée.

  • 3Se méfier de. On soupçonne aisément un sort tout plein de gloire, Et l'on veut en jouir avant que de le croire, Molière, Tart. IV, 5.
  • 4Se soupçonner, v. réfl. Concevoir un soupçon sur soi-même. Bien loin qu'on pensât à intéresser [blesser] quelque principe de notre religion, on ne se soupçonnait pas même d'imprudence, Montesquieu, Lett. pers. réflexions.

REMARQUE

1. Soupçonner suivi d'un infinitif veut de : Il est soupçonné d'avoir fait cela. Cependant Rollin a dit : Il eut l'audace de déférer tous ceux qu'il soupçonnait avoir eu du penchant à secourir Persée.

2. Il régit avec que l'indicatif quand la phrase est affirmative : Vous soupçonnez que je veux vous tromper ; et le subjonctif, quand la phrase est négative ou interrogative : Pouvait-il soupçonner qu'on le voulût tromper ?

HISTORIQUE

XIIIe s. Et se li acusés ou souspeçonnés pot livrer pleges…, Beaumanoir, LI, 3.

XVe s. Il [Louis XI] se souspesonnoit de ce grant seneschal de Normandie, et luy demanda et lui prioit qu'il lui dist se il avoit baillé son scel aux princes qui estoient contre lui ou non, Commines, I, 3.

ÉTYMOLOGIE

Soupçon ; provenç. sospeisonar.