« sauter », définition dans le dictionnaire Littré
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sauter
- 1S'élever de terre avec effort, faire un saut. Sauter en croupe. Sauter de joie. Sauter à cloche-pied, à pieds joints.
Il a fait à la fin comme un homme qui se jetterait dans un précipice pour acquérir la réputation de bien sauter
, Guez de Balzac, lett. 14, liv. I.Pourquoi, montagnes, avez-vous sauté comme des béliers ; et vous, collines, comme les agneaux des brebis ?
Sacy, Bible, Psaum. CXIII, 6.La penaille, ensemble enfermée, Fut en peu d'heure consumée, Les maris sautant à l'entour
, La Fontaine, Cordel.On dit… que ton corps goutteux, plein d'une ardeur guerrière, Pour sauter au plancher fit deux pas en arrière
, Boileau, Lutr. I.Eh quoi ? monsieur, tout seul vous sautez de la sorte
, Regnard, Joueur, IV, 11.Oh ! la prairie ! que j'y sauterai de bon cœur !… ah ! j'oubliais de vous dire, il est défendu de sauter aux Tuileries
, Genlis, Théât. d'éduc. la Colombe, sc. 3.Ils courent sur un sable profond, lancent des javelots, sautent au delà d'un fossé ou d'une borne, tenant dans leurs mains des masses de plomb
, Barthélemy, Anach. ch. 26.Nous promettons, pour cette grâce, De sauter pour les gens en place
, Béranger, Requête des chiens.Fig.
Le cœur sautant de joie et triste d'apparence
, Régnier, Sat. VIII.Sauter en selle, monter sur un cheval sans mettre le pied à l'étrier.
Sauter à bas de son lit, descendre de dessus son lit avec vivacité.
J'ai beau sauter du lit plein de trouble et d'effroi
, Boileau, Sat. VI.Fig. Sauter par-dessus quelque objet ne pas s'embarrasser des obstacles.
Vous sautiez ainsi par-dessus les hommes que vous ne connaissiez pas, pour aller aux génies
, Fontenelle, Dial. 2, Morts mod.Fig. Sauter à pieds joints par-dessus une chose, voy. JOINT 1, n° 1.
Fig. Sauter aux nues, voy. NUE, n° 4.
Sauter au plancher, s'impatienter, s'irriter. Il sauta au plancher quand on lui fit la proposition. Vous me feriez sauter au plancher.
Fig. Il recule pour mieux sauter, voy. RECULER 1, n° 11.
Au propre, reculer pour mieux sauter, tomber plus tard, mais n'en tomber pas moins.
C'eût été reculer pour mieux sauter, si l'Olive ne l'eût pas retenu par ses chausses
, Scarron, Rom. com. II, 7. - 2 Terme de manége. Sauter entre les piliers, se dit du cheval qui fait des sauts sans avancer ni reculer, étant attaché aux deux piliers du manége.
On dit de même : sauter de ferme à ferme.
Sauter en liberté, se dit du cheval à qui l'on a appris à faire le pas et le saut
- 3 Terme d'escrime. Se dit des personnes qui, dans le développement, levant le pied trop haut, décrivent un cercle et non une ligne droite.
- 4S'élancer d'un lieu à un autre. L'écureuil saute de branche en branche.
Un troisième laquais… ne manqua pas de dire à son maître qu'il venait de voir sauter un homme de la muraille du jardin dans la rue
, Scarron, Rom. com. I, 15.En disant ces paroles, il [l'ambassadeur de France] donna la main au roi [Charles XII allant contre les Danois], qui sauta dans la chaloupe où le comte de Piper et l'ambassadeur entrèrent
, Voltaire, Charles XII, 2.Nous sautâmes sur le rivage, et l'on mit le navire à sec
, Barthélemy, Anach. ch. 73.Familièrement. Faire sauter quelqu'un par la fenêtre, le jeter par la fenêtre.
Jamais ces faux amis ne deviendraient nos maîtres ; Et je les ferais tous sauter par les fenêtres
, Destouches, Dissip. I, 1.Terme de marine. Sauter à l'abordage, passer sur un bâtiment ennemi pour s'y battre corps à corps.
Fig. et familièrement. Sauter de branche en branche, passer brusquement et sans liaison d'un sujet à un autre.
- 5S'élancer vivement pour saisir quelqu'un ou quelque chose. Sauter au collet, à la gorge, au visage de quelqu'un. Il sauta à ses pistolets pour se défendre. Il a sauté sur lui pour le frapper.
Sauter au cou de quelqu'un, l'embrasser avec empressement.
Candide et Cacambo sautèrent au cou de Sa Majesté, qui les reçut avec toute la grâce imaginable
, Voltaire, Candide, 18.Sauter aux yeux de quelqu'un, se jeter sur lui pour le battre.
Elle lui sauta aux yeux, furieuse comme une lionne à qui l'on a ravi ses petits
, Scarron, Rom. com. II, 7.Fig. Sauter aux yeux, frapper la vue tout d'un coup et sans peine.
Dans cette disposition, son nom me sauta aux yeux en ouvrant votre lettre
, Sévigné, 5 février 1690.Faites-vous envoyer les Fables de la Fontaine : elles sont divines ; on croit d'abord en distinguer quelques-unes, et, à force de les relire, on les trouve toutes bonnes… mandez-m'en votre avis et le nom de celles qui vous auront sauté aux yeux les premières
, Sévigné, 20 juill. 1679.Sauter aux yeux, être manifeste évident.
Je n'ai attrapé de leur manière de réciter que ce qui m'a d'abord sauté aux yeux
, Molière, l'Impromptu, 1.Son impertinente vanité, qui d'abord vous sautera aux yeux
, Boursault, Lett. nouv. t. II, p. 175.J'y ferai des portraits qui sauteront aux yeux
, Gresset, le Méch. II, 3.Pour peu qu'on réfléchisse, l'impossibilité saute aux yeux [d'une lettre imputée à Voltaire] ; d'ailleurs je suis accoutumé à la calomnie
, Voltaire, Lett. d'Argental, 10 oct. 1762.Une évidence qui saute aux yeux
, Rousseau, Ém. II. - 6Il se dit des choses qui éprouvent un mouvement comparé à un saut. Le bouchon sauta en l'air.
Un jour il lui fit sauter un bouton de son pourpoint en lui disant : M. le cardinal vous fera sauter quand il voudra, comme je fais sauter ce bouton
, Retz, Mém. t. II, liv. III, p. 354, dans POUGENS.Faire sauter un œil hors de la tête, porter un coup qui fait sortir l'œil hors de la tête.
Faire sauter la tête à quelqu'un, le décapiter.
Terme de jeu de billard. Faire sauter une bille, la faire tomber, en jouant, hors de la table du billard, et aussi lui faire faire un saut sur le billard et même par-dessus une autre bille.
La bille a sauté, elle est tombée hors de la table du billard.
Faire sauter la coupe, rétablir avec dextérité un jeu de cartes dans l'état où il était avant qu'on eût coupé.
Fig. et familièrement. Faire sauter les bouteilles, boire beaucoup.
- 7 Terme de marine. Faire une saute.
Les vents ayant sauté à l'est-sud-est dans l'après-midi
, La Pérouse, Voy. t. II, p. 335, dans POUGENS.Sauter sur la lame, se dit d'un navire qui fait des tangages courts et fréquents.
- 8Faire sauter, communiquer un mouvement en haut, comparé à un saut.
Ils [les gens qui me bernaient] recommencèrent à me faire sauter mieux que devant
, Voiture, Lett. 9.Fig. et familièrement. Faire sauter quelqu'un, lui faire perdre son emploi.
Faire sauter signifie aussi se débarrasser de.
Pour la vieille qui l'a attiré chez elle, et la jeune dont il a la tête tournée, il y a beaux jours que j'aurais fait sauter tout cela
, Diderot, Père de famille, III, 7.Faire sauter la charge, la terre de quelqu'un, le forcer à la vendre par voie de justice.
On dit de même : Cette folie lui coûte cher ; sa place en a sauté.
- 9Voler en éclats, faire explosion. Le bâtiment, la poudrière a sauté.
Les troupes du roi donnèrent à M. le Prince le temps de faire sauter la tour de Tonnay-Charente
, La Rochefoucauld, Mém. 202.Insolence des bourgeois d'Anvers, qui, dans un feu d'artifice, représentèrent le Grand Turc, un prince de l'Europe et le diable, ligués tous trois, qu'on faisait sauter en l'air
, Racine, Fragm. hist.Il [Mortier] avait ordre de défendre le Kremlin, puis, en se retirant, de le faire sauter et d'incendier les restes de la ville
, Ségur, Hist. de Nap. IX, 6.Se faire sauter, provoquer une explosion qui tue.
C'est un vrai miracle que Rouelle [le chimiste], faisant ses essais presque toujours seul, parce qu'il voulait dérober ses arcanes… ne se soit pas fait sauter en l'air par ses inadvertances continuelles
, Grimm, Corresp. t. I, p. 249.Particulièrement, se faire sauter, faire sauter son vaisseau.
Faire sauter la cervelle à quelqu'un, lui casser la tête d'un coup de pistolet.
Par exagération.
L'autre qui depuis trois heures éternue à se faire sauter le crâne et jaillir la cervelle
, Beaumarchais, Barb. de Sév. III, 5.Faire sauter un mauvais lieu, une maison de jeu, fermer un mauvais lieu, une maison de jeu.
- 10Se déplacer rapidement, passer brusquement d'un lieu à un autre.
Je ne voulais pas qu'elles [les Précieuses ridicules] sautassent du théâtre Bourbon dans la galerie du Palais
, Molière, Préc. préf.Rien n'est si plaisant que la promptitude de ce changement de climat, qui le fait sauter [le duc de Chaulnes] d'Auray à deux lieues de Grignan
, Sévigné, 4 sept. 1689. - 11Aller rapidement d'un endroit d'un livre, d'un discours à un autre.
Je regardai de loin, à mesure que je la lisais [une lettre], s'il n'y avait rien dedans qui fût janséniste ; je vis vers la fin le nom de M. Nicole, et je sautai bravement, ou, pour mieux dire, lâchement par-dessus
, Racine, Lett. 15 à Boileau.Le jeune homme, frappé de l'objet qu'on lui présente, s'en occupe uniquement, et saute à pieds joints par-dessus vos discours préliminaires
, Rousseau, Conf. V.Sautez tout de suite aux vingt dernières pages de Clarisse
, Diderot, Élog. de Richardson.Au reste, si mes notices ne conviennent pas à quelques lecteurs, je leur dirai : Sautez par-dessus
, Al. Duval, le Vieil amateur, Notice. - 12Passer subitement d'une chose à une autre qui est toute différente.
Qu'il [Montaigne] l'évitait [le défaut de méthode] en sautant de sujet en sujet, qu'il cherchait le bon air
, Pascal, Pens. VI, 33, édit. HAVET. - 13 Terme de musique. Passer brusquement d'un ton, d'une clef à une autre.
Lorsqu'il est question de sauter d'une clef à l'autre
, Rousseau, Dissert. sur la mus. mod.Sauter d'une octave, octavier.
Faire sauter le ton, forcer l'air dans le tuyau d'un instrument à vent et faire résonner ainsi une des harmoniques du ton.
Sauter d'une partie à une autre, se dit quand on chante sur la partition et qu'on veut exécuter deux ou plusieurs parties qui se succèdent.
- 14Parvenir à une place élevée sans passer par les degrés intermédiaires. Il a sauté du grade de capitaine à celui de colonel. Cet écolier a sauté de la troisième en rhétorique.
Ce qui devait réjouir l'âme d'un paysan de mon âge qui, presque au sortir de la charrue, pouvait sauter tout d'un coup au rang honorable de bon bourgeois de Paris
, Marivaux, Pays. parv. 2e part. - 15 Fig. Être dépensé, être perdu.
Il en coûte trop cher, voilà plus de dix écus qui sautent à l'achat de ce batelet,
Corresp. du gén. Klinglin, I, 258.La maison sauterait plutôt que j'en sortisse
, Collin D'Harleville, Vieux célib. II, 6.Faire sauter, dépenser en prodigue.
Des chevaux, des valets, une bonne cave ! comme je ferais sauter tout cela !
Picard, les Deux Philiberts, II, 11.Aux jeux de hasard, faire sauter la banque, gagner tout l'argent du banquier.
Il se conjugue avec l'auxiliaire avoir. Cependant la Fontaine l'a conjugué avec le verbe être ; ce qui n'est plus usité :
…sa joie amoureuse N'ose éclater ; soyez sûr qu'à mon cou, Si j'étais seul, elle serait sautée
, La Fontaine, Calend. - 16 V. a. Franchir. Sauter un fossé.
Je saute vingt ruisseaux, j'esquive, je me pousse
, Boileau, Sat. VI.Fig. et familièrement. Sauter le pas, le fossé, prendre une résolution extrême, hasardeuse.
Il faudra que tu dises que c'est Nicolette qui t'y a fait entrer, et que tu as promis de l'épouser ; si l'on veut t'obliger à tenir la parole, tu sauteras le fossé
, Lesage, Guzm. d'Alf. III, 11.Fig. Sauter le bâton, faire quelque chose qu'on ne voulait pas faire, le faire malgré soi.
Mon cher maître, je crois qu'il faudra que je saute le bâton
, Marivaux, Surpr. de l'amour, II, 5. - 17 Fig. Omettre, passer quelque chose en lisant ou en copiant.
Je saute vingt feuillets pour en trouver la fin [d'une description]
, Boileau, Art p. I.Comment compter cette la Varenne parmi les seize quartiers à prouver ? comment la sauter ?
Saint-Simon, 76, 235.J'ai fini Cléopatre ; j'en ai sauté les deux tiers
, Mme du Deffant, Lett. à H. Walpole, t. III, p. 33, dans POUGENS. - 18 Familièrement. Faire sauter. Sauter un enfant au maillot.
Ensuite, il ouvre une fenêtre, il prend son coussin, il le saute et le baise
, Diderot, Lett. à Riccoboni. - 19 Terme de cuisine. Sauter ou faire sauter, mettre dans une casserole plate à grand feu pour faire cuire rapidement une viande tendre et l'apprêter bonne à manger en très peu de temps. Sauter un lapin. Sauter des filets.
- 20Presser le poisson dans les barils en montant dessus.
- 21 Terme de haras. Couvrir une jument, en parlant de l'étalon. Cet étalon a sauté tant de juments.
HISTORIQUE
XVe s. Les gens du roy Charles sauterent sur eux par nuit et les ruerent jus
, Fenin, 1417. Et ne vites-vous pas, ce dit Orton, quand vous saulsistes hors de vostre lit, aucune chose ?
Froissart, II, III, 22.
XVIe s. On reculle pour mieulx saulter
, Marot, II, 150. Ce chariot par le ciel haut et large Saute et ressaute, et l'air le pousse et guide
, Marot, IV, 65. Les Flamens, qui nous aimoyent, et lesquels on a contrains de nous haïr, de quelle allegresse nous sauteroyent-ils à dos ?
Lanoue, 24. Nous avons fait sauter nos loix par la fenestre, pource qu'elles parloyent trop haut
, Lanoue, 164. … Qu'on avoit quitté les Tourelles exprès, les ayant rempli de poudre pour les faire sauter
, Lanoue, 602. Et si nous avons affaire à gens qui n'ayent pas le courage de fouiller l'equipage, nous faisons sauter [nous volons] ce que nous pouvons
, D'Aubigné, Faen. III, 1. Fervaques fit donner son guidon. qui sauta la muraille
, D'Aubigné, Hist. II, 123. Lors il luy saulta au col et la baisa
, Amyot, Anton. 14. Aussitost prest qu'un chien auroit sauté un escalier
, Cotgrave †
ÉTYMOLOGIE
Wallon, sâtlé ; provenç. sautar ; esp. saltar ; ital. saltare ; du lat. saltare, dénominatif de saltum, supin de salire (voy. SAILLIR).