« retomber », définition dans le dictionnaire Littré

retomber

Définition dans d'autres dictionnaires :

Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

retomber

(re-ton-bé) v. n.
  • 1Tomber de nouveau. Un enfant qui, commençant à marcher, tombe et retombe. Et soudain Tous les pieds des chevaux qu'un même ordre rassemble Vont tombant, remontant et retombant ensemble, Et, d'un essor égal battant le champ poudreux, D'un tourbillon de sable obscurcissent les cieux, Delille, Én. VIII.
  • 2Tomber après s'être élevé. La balle est retombée en cet endroit. Une des choses qui m'effrayaient le plus était que, lorsque j'étais bien haut [étant berné] et que je regardais en bas, la couverture me paraissait si petite, qu'il me semblait impossible que je retombasse dedans, Voiture, Lett. 9. Ce sont de gros nuages qui flottent en l'air, où ils sont des corps étrangers, jusqu'à ce qu'ils retombent en pluies, Fontenelle, Mond. 3e soir. La paix te suit, les flots séditieux, Quand tu parais, retombent et s'apaisent, L'aquilon fuit, les tonnerres se taisent, Malfilâtre, Narc. I. Ricard et ses quinze cents soldats étaient en tête ; Ney les lance contre l'ennemi ; cette division plonge avec la route dans le ravin, en ressort avec elle, et y retombe écrasée par la première ligne russe, Ségur, Hist. de Nap. X, 8. Ainsi parfois, quand l'âme est triste, nos pensées S'envolent un moment sur leurs ailes blessées, Puis retombent soudain, Hugo, Rayons et ombres, 34.

    Fig. Retomber dans l'oubli, être oublié de nouveau. Et tous ces demi-dieux que l'Europe en délire A depuis cent hivers l'indulgence de lire Vont dans un juste oubli retomber désormais, Gilbert, Le XVIIIe s.

  • 3Tomber après avoir fait un mouvement pour se dresser. Elle fit un mouvement pour se lever, et retomba dans son fauteuil, Genlis, Ad. et Th. t. III, p. 249, dans POUGENS.
  • 4Il se dit de draperies, de cheveux qui pendent. Le mausolée, jusque près de la voûte, est couvert d'un dais en manière de pavillon encore plus haut, dont les quatre coins retombent en guise de tentes, Sévigné, 10 mars 1687. Ses longs cheveux, retombant sur son visage, en cachaient une partie, Genlis, Veillées du château t. II, p. 270, dans POUGENS.
  • 5Être attaqué de nouveau d'une maladie dont on se croyait guéri. Une véritable crainte de retomber dans mon rhumatisme, Sévigné, 307. Elle [Mme de Grignan] est retombée dans ces incommodités qui me paraissent très considérables, parce qu'elles sont intérieures, Sévigné, à Guitaut, 5 avr. 1680. Après de grandes maladies causées par de grands travaux, on voyait revivre cet ardent désir de reprendre ses exercices ordinaires, au risque de retomber dans les mêmes maux, Bossuet, le Tellier.

    On dit dans le même sens : retomber malade. Elle frémissait en songeant que la nécessité le contraindrait à travailler, au risque de retomber malade, Genlis, Veillées du château t. I, p. 120, dans POUGENS.

    On a dit aussi : retomber à. Vous retomberez dans un moment à la douleur dont vous sortez, qui est tout ce que nous avons au monde à éviter, Sévigné, 2 févr. 1680.

    Absolument. On dit que le président Hénault est fort malade ; il semble qu'il retombe bien souvent ; cela fait peine, Voltaire, Lett. d'Argental, 30 juill. 1763.

  • 6Tomber de nouveau en de mauvaises situations. Il est retombé dans la misère. Cet État est retombé dans la barbarie. Après la mort de Colbert, les affaires retombèrent dans le chaos, d'où son application et ses talents les avaient fait sortir, Raynal, Hist. phil. IV, 17.
  • 7Éprouver une seconde chute, en des choses morales. Ceux qui retombent toujours dans les mêmes crimes, Pascal, Prov. XVI. Mentor vit bien que Télémaque allait retomber dans toutes ses faiblesses, Fénelon, Tél. VII. Elles n'auraient évité une idolâtrie que pour retomber dans une autre plus condamnable, Massillon, Avent, Divin. de J. C. Quand ils furent une fois retombés dans leurs murmures, Massillon, Carême, Rechute. Si l'on sortit de l'ignorance, ce fut pour y retomber, Montesquieu, Esp. XXI, 8.

    On dit : retomber de. De là vient qu'autrefois ceux qui avaient été régénérés par le baptême, et qui avaient quitté les vices du monde pour entrer dans la piété de l'Église, retombaient si rarement de l'Église dans le monde, Pascal, Comparaison des chrétiens.

    Retomber à, avec un infinitif, commettre de nouveau la faute de. Quand il [le jeune Grignan] retombe quelquefois ou à être distrait, ou à faire des questions mal placées, Sévigné, 22 déc. 1688. Vous retombez toujours à confondre le prix infini du Verbe avec le prix borné que l'ouvrage de Dieu a en lui-même, Fénelon, t. III, p. 169.

    Absolument. Cent fois en moins d'un jour je guéris et retombe, Corneille, Pulch. II, 1. Elle éprouva que Jésus-Christ n'a pas dit en vain : l'état de l'homme qui retombe devient pire que le premier, Bossuet, Anne de Gonz. Voulez-vous donc ne plus retomber, mes frères ? Massillon, Mystères, Résurrection.

    Commettre la même méprise. J'ai tort, mais tu lui ressembles si fort… Eh ! Monsieur, pardon, je retombe toujours, Marivaux, l'Épreuve, sc. 12.

  • 8Se rejeter sur pour attaquer. Bajazet, laissant derrière lui Constantinople, comme une proie sur laquelle il devait retomber, s'avance au milieu de la Hongrie, Voltaire, Mœurs, 82.
  • 9Retomber sur quelqu'un, recourir de nouveau à lui. Tout d'un coup, après avoir voulu le ménager, je retombe sur lui, et lui fais plus de mal que tous les autres ; c'est un ami inépuisable, Sévigné, 230.
  • 10S'en prendre à, attribuer à. J'ai entendu louer jusqu'aux nues les charmes qu'on trouve dans votre amitié, et retomber sur le peu de mérite qui fait qu'on n'a pu conserver un tel bonheur, Sévigné, à Mme de Grignan, 22 sept. 1680.
  • 11Retomber sur soi-même, sur sa conscience, être mis en présence de ce qu'on ressent, de ce qu'on éprouve. Quand même… il ne devrait y avoir qu'un seul pécheur de cette assemblée du côté des réprouvés …qui de nous ne retomberait d'abord sur sa conscience, pour examiner si ses crimes n'ont pas mérité ce châtiment ? Massillon, Carême, Pet. nomb. des élus. Il est tant de moments où nous nous sommes à charge à nous-mêmes ; …où nous avons besoin de diversions et d'amusements qui nous détournent de la vue intérieure et humiliante de nos propres défauts, et nous empêchent de retomber sur nous-mêmes, Massillon, Carême, Dang. des prospér. temp. Alors cette âme affaissée retombe douloureusement sur elle-même, et ne voit plus que le désert qui l'environne, et le desséchement qui la flétrit, D'Alembert, Tomb. l'Espin.

    Retomber sur le cœur, se dit de quelque chose de douloureux qui revient nous affliger. Malheureux ! lui rendant tout à coup sa douleur, L'affreuse vérité retombait sur son cœur, Delille, Imag. ch. II.

  • 12Retomber dans, se confondre avec. Par quelle fatalité le système de Malebranche paraît-il retomber dans celui de Spinoza ? Voltaire, Poëmes, Systèmes, notes. Le malheur de presque toutes les pièces dans lesquelles une amante est trahie, c'est qu'elles retombent toutes dans la situation d'Ariane, Voltaire, Zulime, lett.
  • 13Tomber de nouveau sous l'autorité d'autrui. Ainsi ce fugitif retombe dans sa chaîne, Et vous pouvez, seigneur, ordonner de sa peine, Corneille, Perth. V, 4. Le peuple, en abaissant les patriciens, ne dut point craindre de retomber dans les mains des rois, Montesquieu, Esp. XI, 13.
  • 14Il se dit de quelque mal, de quelque dommage, de quelque charge, de quelque blâme, etc. Vous ferez retomber la perfidie du coupable sur sa tête, et vous vengerez le juste, Sacy, Bible, Paralip. II, VI, 23. Il vous semble qu'il n'y a qu'à dire des injures aux personnes, sans penser sur qui elles retombent, Pascal, Prov. XI. Votre dessein était de faire retomber un jour cette condamnation indéterminée [de Jansénius] sur la doctrine de la grâce efficace, Pascal, Prov. XVIII. Dût tout cet appareil retomber sur ma tête, Il faut parler, Racine, Iph. III, 5. Vos censures insensées retombent sur vous-mêmes, Massillon, Carême, Mélange. Deux malheureux que la reine Arsinoé a subornés pour l'accuser faussement elle-même, et pour faire retomber la calomnie sur Nicomède, Voltaire, Comm. Corn. Rem. Nicom. III, 4. Et sûrement le roi trouvera fort bon que les dépens du procès [de Sirven] retombent sur lui, Voltaire, Lett. d'Argental, 29 nov. 1769. Le mal que l'homme fait, retombe sur lui, sans rien changer au système du monde, Rousseau, Ém. IV.

    Le sang qu'il a versé retombera sur sa tête, il sera puni du meurtre qu'il a commis. Et le sang de Laïus est retombé sur nous, Voltaire, Œdipe, II, 3.

    Par imprécation. Puisse leur sang retomber sur lui, sur sa tête ! Que mon sang retombe sur vous !

  • 15Retomber, en un sens contraire, se dit de choses favorables. Ce malheur semble moindre, et moins rudes ses coups, Voyant que tout l'honneur en retombe sur nous, Corneille, Hor. V, 3. Heureux, si… Elle [votre faveur] pouvait sur moi, madame, retomber, Molière, Mis. IV, 1. On dit des merveilles de notre bon pape, et cela retombe en louanges sur le cardinal de Retz, Sévigné, 30 oct. 1676.

    PROVERBE

    Qui crache contre le ciel, il lui retombe sur le visage, il ne faut pas se prendre au ciel des malheurs qui nous arrivent.

    Il se conjugue avec être, pour marquer l'état ; et avec avoir, pour marquer l'action : En se relevant il a retombé.

HISTORIQUE

XVIe s. Ô Seigneur, à qui je m'adresse, Ne souffre, helas ! que ma jeunesse Retombe plus en ceste erreur, Desportes, Œuvres chrest. XVIII, Ode. Elles retumboient en leurs premieres maladies, Amyot, Lucull. 14. Nous aurions double coulpe, si, ayans connu les erreurs precedens, nous y retombions, Lanoue, 411. Plusieurs, voulans s'eslever trop haut, sont retombez en bas, ainsi que fit Icarus, Lanoue, 462. Nous retumbons tousjours de fiebvre en chauld mal, Montaigne, I, 283.

ÉTYMOLOGIE

Wallon, ritoumé ; bourg. retumbé ; provenç. retombar ; espagn. et portug. retumbar. On trouve, au XIIIe siècle, retombir, avec le sens de retentir : Une liue environ la terre en retombi, Ch. d'Ant. VIII, 1051. Ce retombir, s'il est correct, n'a rien de commun avec retomber.