« renoncer », définition dans le dictionnaire Littré
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renoncer
- 1Se désister, se déporter de quelque chose, soit par acte exprès, soit autrement. Renoncer à la couronne. Il a renoncé à la succession de son père. Renoncer à son droit.
Absolument. Sa veuve a renoncé à cause des dettes, c'est-à-dire a renoncé à la communauté.
La femme qui renonce perd toute espèce de droit sur les biens de la communauté, et même sur le mobilier qui y est entré de son chef
, Code Nap. art. 1498. - 2Quitter, abandonner la possession, le désir de quelque chose, la prétention à quelque chose.
On ne renonce point aux grandeurs légitimes, On garde sans remords ce qu'on acquiert sans crimes
, Corneille, Cinna, II, 1.Moi, renoncer au monde avant que de vieillir, Et dans votre désert aller m'ensevelir !
Molière, Mis. V, 7.Ciel ! me faut-il ainsi renoncer à moi-même, Et par un imposteur me voir voler mon nom ?
Molière, Amph. I, 2.En un mot, je renonce à plaire à madame de la Troche, sans renoncer à l'aimer ; car elle me trouvera toujours quand elle voudra se faire justice
, Sévigné, 132.Rome, fatiguée et épuisée par tant de guerres civiles, pour avoir du repos, est contrainte de renoncer à sa liberté
, Bossuet, Hist. III, 7.Peut-on vivre, direz-vous, de cette sorte ? peut-on renoncer à ce qui plaît ?
Bossuet, la Vallière.Vous aviez solennellement renoncé au démon et à toutes ses œuvres, au monde et à toutes ses pompes, renoncé à la chair et à tous ses désirs sensuels
, Bourdaloue, 3e dim. après l'Épiphan. Dominic. t. I, p. 150.Si celle-là [la duchesse du Maine] m'échappe encore [ne retourne pas à la piété], je renonce aux princesses, persuadée qu'il n'est pas possible que le roi en trouve une dans sa famille qui se tourne au bien
, Maintenon, Lett. à Mme de Brinon, 27 août 1693.Pour moi, je vous le dis encore, je me suis bien trouvé d'avoir renoncé aux affaires avant ma mort
, Fénelon, Dial. des morts anc. Dial. 38 (Sylla, Catilina et César).La première chose qui arrive aux hommes après avoir renoncé aux plaisirs, c'est de les condamner dans les autres
, La Bruyère, XI.Aimant mieux renoncer à la vie qu'à la pudeur
, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. VII, p. 252, dans POUGENS.J'aurai du moins le plaisir de voir mes amis soutenir le théâtre, auquel mon grand âge, mes maladies et peut-être encore plus mes ennemis me forcent de renoncer
, Voltaire, Lett. Lekain, 17 juill. 1767.Mon estomac, qui ne digère presque plus, m'a contraint de renoncer aux soupers : je lis le soir, ou je fais conversation
, Lett. du roi de Pr. à Voltaire, 31 juill. 1767.Les épigrammes [de Racine] contre cette même Judith de Boyer et contre l'Aspar de Fontenelle, faites dans le temps de sa plus haute dévotion, prouvent que, s'il avait renoncé au théâtre, il n'avait pas renoncé à la satire
, D'Alembert, Élog. Ch. Boileau.Elle [Christine] renonça à la Suède pour jamais, et revint à Rome, où elle passa le reste de ses jours mécontente et mal payée de ses anciens sujets
, D'Alembert, Mém. Christ. t. IV, p. 59.Absolument Vous n'avez pas de constance, il ne faut pas renoncer sitôt. C'est un homme entêté qui ne renonce jamais.
- 3 Terme de dévotion. Renoncer au monde, se consacrer à la vie religieuse.
Rien n'irrite davantage les gens raisonnables que des hommes qui ont renoncé au monde, et qui cherchent à le gouverner
, D'Alembert, Dest. des jésuit. Œuv. t. V, p. 94, dans POUGENS.Renoncer à soi-même, se dépouiller de tout amour-propre.
Après qu'on a fait l'effort de renoncer à soi-même, on commence à l'aimer véritablement [le prochain], non pour soi-même, mais comme soi-même
, Bossuet, la Vallière. - 4Abjurer, renier.
Lucrèce : Quoi ! il me faudrait renoncer aux dogmes d'Épicure ? - Posidonius : Il vaut mieux renoncer à Épicure qu'à la raison
, Voltaire, Dial. 7.Le Conseil… s'enhardit, en 1681, à donner une déclaration par laquelle les enfants [des protestants] étaient reçus à renoncer à leur religion à l'âge de sept ans
, Voltaire, Louis XIV, 36.Mais renoncer aux dieux que l'on croit dans son cœur, C'est le crime d'un lâche et non pas une erreur
, Voltaire, Alz. V, 5. - 5 Terme de jeux de cartes. Couvrir une carte avec une carte d'une autre couleur qui ne soit pas un atout. Renoncer à trèfle, à pique. On joue cœur, et vous jouez carreau, vous renoncez.
Il se conjugue avec l'auxiliaire avoir.
- 6 V. a. Renier, désavouer.
Le Christ sera mis à mort ; et le peuple qui le doit renoncer ne sera point son peuple
, Sacy, Bible, Daniel, IX.Jésus lui repartit : Je vous dis en vérité, que cette même nuit, avant que le coq chante, vous me renoncerez trois fois
, Sacy, Évang. St Math. XXVI, 34.Si vous dites vrai, nous la renoncerons pour notre sang, et l'abandonnerons à votre colère
, Molière, G. Dand. II, 9.Que pouvaient faire les Juifs, ses ennemis [de Jésus] ? s'ils le reçoivent, ils le prouvent par leur réception… et, s'ils le renoncent, ils le prouvent par leur renonciation
, Pascal, Pens. XV, 8 bis, édit. HAVET.Ah ! ne me parlez point de Mme de Meckelbourg ; je la renonce ; comment peut-on, par rapport à Dieu et même à l'humanité, garder tant d'or, tant d'argent… ?
Sévigné, 3 fév. 1695.Coriolan : Quand ma patrie m'a renoncé, et ne veut plus me rien devoir, le contrat est rompu entre nous
, Fénelon, t. XIX, p. 267.Ne mettez plus le pied dans ma maison ; je vous renonce pour mon neveu
, Lamotte, Calend. des vieill. sc. 2.Je suis un malheureux, mon oncle me renonce
, Piron, Métrom. III, 9.Aristocrate sous Robespierre, libéral en 1815, il [Courier] va être pour vous, et ne vous renoncera que quand vous serez forts, c'est-à-dire insolents
, Courier, 2e lettre particulière.On dit aussi renoncer, en parlant de choses qu'on désavoue, que l'on abandonne.
Tout lui est bon [à Jurieu], pourvu qu'il vienne à son but de porter le flambeau de la rébellion dans sa patrie qu'il a renoncée
, Bossuet, Déf. Var. 1e disc. 14.Comment cet homme dont il parle a-t-il renoncé la foi ?
Bourdaloue, Serm. Dim. t. II, p. 39.Si ma raison s'y oppose, je la renonce comme une raison séduite et corrompue
, Bourdaloue, 5e dim. après Pâques, Dominic. t. II, p. 244.On assure qu'ils [les perroquets amazones] ne renoncent jamais leurs nids, et que, quoique on ait touché et manié leurs œufs, ils ne se dégoûtent pas de les couver, comme font la plupart des autres oiseaux
, Buffon, Ois. t. XI, p. 287. - 7Se renoncer, v. réfl. Renoncer à soi-même, faire une abnégation complète de soi-même.
Pour avoir une parfaite religion, il faut savoir parfaitement obéir, il faut savoir se sacrifier, il faut savoir se renoncer
, Bourdaloue, Fête des saints, Myst. t. II, p. 477.L'Évangile, qui ne nous prêche que de nous renoncer nous-mêmes
, Massillon, Carême, Pard.Il faut donc toujours avec les grands se renoncer soi-même et n'exister que pour eux
, Corresp. du gén. Klinglin, I, 469.
HISTORIQUE
XIIIe s. Si menrés [mènerez] avoec vous un nostre latinier [interprète] Qui sache lor raison entendre et renonchier [expliquer]
, Ch. d'Ant. VII, 125. Neporquant, s'il n'est ainsi, ne renonce il pas au privilege de clerc
, Beaumanoir, XI, 43.
XIVe s. Li hermites li dist… " Girars, renunce as armes et à chevalerie, Jusque ta penitence à sept ans soit finie. " Girars de très bon cuer, en plorant, y renonce
, Girart de Ross. V. 2217.
XVe s. Servirons et conseillerons, En renunçant à tous les drois Que nous y avons par les lois Et establissemens de France
, Deschamps, Miroir de mariage, p. 119. Fut habandonné du roy René et renoncé de toutes pars [le duc de Bourgogne]
, Commines, V, 2.
XVIe s. C'est le heraut, qui nous a annoncé, Que Dieu avoit de tout poinct renoncé De se venger contre nous de l'injure Que lui avoit fait nostre ame parjure
, Marot, I, 270. Mon cher enfant, tu n'as point merité Que te renonce [désavoue]
, Marot, IV, 58. Il nous faut ceder de nostre volonté, resigner nostre cœur, renoncer et quitter toutes les cupiditez de nostre chair
, Calvin, Inst. 295. Dieu ne se peut renoncer, il fera ce qu'il a promis
, Calvin, ib. 622. Christ veut avoir des disciples, lesquels s'estans renoncez, et ayans prins leur croix pour porter, le suivent ; celui qui a renoncé à soy mesme, a desja coupé la racine de tous maux
, Calvin, ib. 627. Femme veuve, renonçant à la communauté, jettoit jadis sa ceinture, sa bourse et ses clefs sur la fosse de son mari ; maintenant il faut renoncer en justice et faire inventaire
, Loysel, 132. Nous enrichissons les aultres animaux des biens naturels, et les leur renonceons, pour nous honorer des biens acquis
, Montaigne, II, 167. Je renonce dez à present aux favorables tesmoignages qu'on me vouldra donner, parce que je seray mort
, Montaigne, III, 303. Alors il luy envoya denoncer qu'il la renonceoit et repudioit pour femme
, Amyot, Pomp. 61. Abjurans et renonceans tous erreurs au contraire
, D'Aubigné, Hist. II, 228.
ÉTYMOLOGIE
Berry, renoncier ; provenç. et espagn. renunciar ; ital. rinunziare ; du lat. renunciare ; de re, et nunciare, annoncer (voy. NONCE).