« heurter », définition dans le dictionnaire Littré
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heurter
- 1Toucher ou rencontrer rudement. Heurter quelqu'un en passant. Se heurter la tête contre un mur.
[Un valet] Heurtant table et tréteaux, verse tout [un plat] sur mes chausses
, Régnier, Sat. X.L'un me heurte d'un ais dont je suis tout froissé
, Boileau, Sat. VI.Leur allure [des tapirs] est brusque, et, sans chercher à offenser, ils heurtent rudement tout ce qui se rencontre devant eux
, Buffon, Quadrup. t. X, p. 5.Un jour le laboureur dans ces mêmes sillons Où dorment les débris de tant de bataillons, Heurtant avec le soc leur antique dépouille…
, Delille, Géorg. I.Fig. Il se dit des choses qui se contrarient.
Dont la tête est si troublée et les idées sont à tel point décousues que dans la même page une assertion sensée est heurtée par une assertion folle et une assertion folle par une assertion sensée
, Diderot, Règne de Claude et Néron, II, § 6. - 2 Par extension. Se dit de la rencontre des voyelles.
Gardez qu'une voyelle à courir trop hâtée Ne soit d'une voyelle en son chemin heurtée
, Boileau, Art p. I. - 3 Fig. Blesser, offenser, en parlant des personnes qu'on heurte.
Et gardez que, heurtant ce cœur inaccessible, Vous ne vous y blessiez pensant le secourir
, Rotrou, St-Gen. III, 7.Rien ne nous heurte plus rudement que cette doctrine [le péché originel], et cependant, sans ce mystère le plus incompréhensible de tous, nous sommes incompréhensibles à nous-mêmes
, Pascal, Grandeur et misère, Syst. des phil. 5, éd. FAUGÈRE.L'abbé Testu était fort difficile à pardonner, et même à ne pas poursuivre quiconque l'avait heurté
, Saint-Simon, 160, 106.Contrarier, en parlant des choses que l'on heurte.
Il ne pourra heurter votre pouvoir suprême
, Rotrou, Vencesl. III, 7.Heurter de front ses sentiments, c'est le moyen de tout gâter
, Molière, Avare, I, 8.Cette grande roideur des vertus des vieux âges Heurte trop notre siècle et les communs usages
, Molière, Mis. I, 1.Il eut soin de manier l'esprit du jeune tyran avec une adresse merveilleuse, évitant de heurter de front ses passions
, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. V, p. 249, dans POUGENS.Quand on veut vivre dans un pays, il n'en faut pas heurter les préjugés
, Beaumarchais, Mère coup. I, 5.Les gens du peuple ont des formes assez grossières, surtout quand on veut heurter leur manière d'être habituelle
, Staël, Allem. I, 1.Le son du cor, le bruit des armes n'ont rien qui heurte le goût
, Chateaubriand, Génie, II, II, 11. - 4 Terme de peinture. Peindre rudement. Heurter un tableau. On dit qu'un dessinateur heurte son ouvrage, pour exprimer qu'il n'y met pas la dernière main.
- 5 V. n. Donner un choc, recevoir un choc. Heurter contre une pierre.
Qu'il [Jésus-Christ] sera une pierre d'achoppement à laquelle plusieurs heurteront
, Pascal, Proph. 24, éd. FAUGÈRE.Là, Xénophon dans l'air heurte contre un La Serre
, Boileau, Lutr. V.[Le vaisseau] Heurte s'ouvre et se brise entre d'affreux rochers
, Lemercier, Agamemn. I, 1.Fig.
Qui prend soin d'assortir les volontés tellement ensemble qu'elles ne heurtent point les unes contre les autres
, Bourdaloue, Pensées, t. II, 484.Fig. C'est heurter de la tête contre la muraille, c'est se heurter la tête contre un mur, que de vouloir lui persuader quelque chose, se dit d'un homme très difficile à persuader.
- 6 Particulièrement. Frapper à la porte. On a heurté deux coups. J'ai heurté par trois fois.
Et je ne tremble point quand on heurte à la porte
, Régnier, Sat. V.On avait beau heurter, et m'ôter son chapeau, On n'entrait point chez nous sans graisser le marteau
, Racine, Plaid. I, 1.Tout est-il mort ici, valet, laquais, servante ? J'ai beau heurter, crier, aucun ne se présente
, Regnard, Légataire, III, 2.Heurter en maître, frapper à la porte d'une maison comme si l'on en était le maître.
Fig. Heurter à toutes les portes, employer toute sorte de moyens, solliciter tout le monde.
Fig. Il a heurté à la porte du paradis, se dit de quelqu'un qui réchappe d'une grande maladie.
Fig. Il n'y a qu'à heurter à la porte, se dit d'une personne savante, habile, qu'il n'est besoin que d'interroger pour en recevoir d'utiles informations.
Un si bon sens partout, que je dis plus que jamais qu'il n'y a qu'à heurter à la porte sur tout ce qu'on veut, il y répond parfaitement
, Sévigné, 576. - 7Se heurter, v. réfl. Se frapper contre quelque chose. Elle s'est heurtée contre la table.
Celui qui marche la nuit se heurte parce qu'il n'a point de lumière
, Sacy, Bible, Év. St-Jean, ch. XI, V. 10.Quand le prince russe et son armée qu'Alexandre appelait vers le nord, poussèrent sur Sida, ils se heurtèrent contre Davoust et furent forcés de se replier sur eux-mêmes
, Ségur, Hist. de Nap. IV, 6.Fig.
Il [Jurieu] marche à tâtons, se heurtant à chaque pas et contre tous les principes de la religion
, Bossuet, 6e avert. 19.Fig. Dans les arts et la littérature, se heurter se dit des couleurs, des expressions qui forment une opposition, un contraste trop brusque.
- 8Se rencontrer en se choquant l'un l'autre.
Assurément la tête de leurs chevaux se heurtera en arrivant à Paris, chacun de son côté
, Sévigné, 236.Des bataillons armés dans les airs se heurtaient
, Delille, Géorg. I. - 9 Fig. Se contrarier. Ces deux hommes se heurtent en toute occasion.
Déjà contre le mien son pouvoir s'est heurté
, Delavigne, Paria, I, 2.
REMARQUE
Régnier a dit se heurter, pour s'attacher à : Hautain, audacieux, conseiller de soi-même, Et d'un cœur obstiné se heurte à ce qu'il aime, Sat. V. Aujourd'hui se heurter ne s'emploie plus en ce sens ; l'on dit s'aheurter.
HISTORIQUE
XIIe s. Et se heurterent et de cor et de pis [poitrine]
, Garin le Loh. t. I, p. 157. Trois fois [il] le heurte [pique son cheval], si fait les saus menus
, Ronc. p. 54.
XIIIe s. Heurte le bien, si qu'il cancele
, Partonop. v. 2997. Celle part [ele] est alée, s'a [si a] à l'huisset hurté
, Berte, XLV. À un grant arbre [il] s'est hurtez, Arere chet tut reversez
, Lai del desiré. Li flots la hurtent et debatent, Et tous jors à li se combatent
, la Rose, 5949. Ainsi comme nous en alions à pié et à cheval, une grant route de Turs vint hurter à nous, et me porterent à terre
, Joinville, 225. Dont il avint ainsi que notre nef hurta à une queue de sablon qui estoit en la mer
, Joinville, 283.
XIVe s. Et comme les chiens, quant il oent [entendent] hurter, il abaient tantost
, Oresme, Eth. 205. Lequel Montfaucon, encor plus corrociez… le bouta tellement, qu'il li fist ulter de la teste contre une paroiz ; après lequel ultement…
, Du Cange, ultare.
XVe s. Il hurtoit grands coups à l'huis ou aux fenestres de la chambre
, Froissart, II, III, 22. Le bon serviteur, sans effroi ne bruit, vint heurter à la porte, et au heurter qu'il fit on le connut tantost
, Louis XI, Nouv. XXVII.
XVIe s. Heurtez, et la porte vous sera ouverte
, Calvin, Instit. 685. De quoy leur profite-il de heurter contre ce roc ?
Calvin, ib. 886. Pour avoir heurté du pied contre le seuil de son huis
, Montaigne, I, 74. Ma maison n'est pas close à personne qui y heurte
, Montaigne, III, 8. Qu'il se souvienne qu'il est perilleux de heurter contre la fureur françoise, laquelle pourtant s'escoulera soudain
, Lanoue, 686. Il le heurta au visage avec son escu si rudement qu'il le feit trebucher
, Amyot, Cam. 47. Trop tost heurte à la porte qui maulvayses nouvelles apporte
, Palsgrave, P. 466. Hardiment heurte à la porte qui bonnes nouvelles apporte
, Cotgrave †
ÉTYMOLOGIE
Bourguig. urtai ; Berry, hurter ; provenç. urtar ; ital. urtare ; néerlandais, hurten ; angl. to hurt. D'après Diez, les mots germaniques, faisant défaut dans les vieux dialectes, viennent des mots romans, et non ceux-ci de ceux-là. Dès lors l'étymologie reste ignorée ; Scheler indique le kimry hwrdh, bouc et choc, d'où hyrdhu, frapper, heurter.
SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE
HEURTER. Ajoutez :Le taureau a heurté la servante, Delboulle, Gloss. de la vallée d'Yères, le Havre, 1876, p. 186.
Absolument. Méfiez-vous, cette vache heurte.