« entrée », définition dans le dictionnaire Littré
Définition dans d'autres dictionnaires :
entrée
- 1Action d'entrer. L'entrée des juges au tribunal. Faire son entrée.
Par un nouveau carnage il y fit son entrée [dans Rome]
, Corneille, Othon, IV, 2.Mon entrée en ces lieux ne te surprendra plus
, Racine, Bajaz. I, 1.Il faut attendre, pour faire le compliment d'entrée, que les petits chiens aient aboyé
, La Bruyère, XIII.En parlant des éclipses, l'entrée de la lune dans l'ombre, etc.
- 2Cérémonie solennelle avec laquelle un personnage considérable entre ou est reçu dans une ville.
Il nous semble que vous ayez fait votre entrée à Aix
, Sévigné, 23.Ils avaient fait ici une manière d'entrée à mon fils
, Sévigné, 57.On lui fit une entrée magnifique dans la ville capitale
, Perrault, Contes, 46.Ce prince [Alexandre] fit son entrée dans Babylone, avec un éclat qui surpassait tout ce que l'univers avait jamais vu
, Bossuet, Hist. III, 5.[Ils] Sont prêts à vous conduire à la porte sacrée D'où les nouveaux sultans font leur première entrée
, Racine, Bajaz. II, 3.Entrée se dit aussi d'un vainqueur qui est reçu dans une ville soumise. L'entrée de l'armée dans la capitale ennemie.
Joyeuse entrée, inauguration des anciens souverains de la Flandre.
- 3 Terme de théâtre. Action d'entrer en scène ; moment d'y entrer. Cet acteur a manqué son entrée.
L'une… Semblait faire l'entrée en quelque tragédie
, Régnier, Sat. X. - 4Entrée de ballet, ou, simplement, entrée, se disait autrefois des intermèdes d'un ballet. Danser une entrée.
Pendant la répétition de ce ballet, le comte de Guiche était très souvent avec Madame, parce qu'il dansait dans la même entrée
, La Fayette, Hist. de H. d'Angl. Œuvres, t. III, p. 107, dans POUGENS.Fig. Faire une entrée de ballet dans une compagnie, y entrer sans garder les convenances et faire les civilités nécessaires.
Il se disait aussi des actes d'un opéra-ballet, lorsque chaque acte était un sujet détaché. Première entrée. Seconde entrée.
Aujourd'hui, divertissement exécuté par un certain nombre de danseurs, dans un ballet, dans un opéra. Une entrée de paysannes.
Terme de musique. Se dit du moment où chaque partie commence à se faire entendre. L'entrée des cors.
Ritournelle qui, dans un mélodrame, annonce l'entrée en scène d'un personnage.
- 5Droit d'entrer sans payer dans un spectacle. Cet auteur a son entrée ou ses entrées à la Comédie-Française.
Je m'avisai de présenter ma petite comédie de Narcisse aux Italiens : elle y fut reçue, et j'eus les entrées, qui me firent grand plaisir
, Rousseau, Confess. VII.Ce théâtre dont je me suis fait nommer médecin honoraire pour avoir mes entrées
, Picard, Noce sans mariage, I, 7. - 6Droit de siéger. Le gouverneur de Paris avait entrée au parlement. Avoir entrée au conseil d'État.
- 7Accès dans un lieu.
Donne entrée à Placide et souffre que…
, Corneille, Théod. II, 7.Hamilton y avait les entrées libres à toutes heures
, Hamilton, Gramm. 8.La vicomtesse n'a les entrées ici que parce que vous supposez qu'elle aime encore mon neveu
, Genlis, Théd. d'éduc. Tendr. matern. sc. 8.Ancien terme de la cour. Privilége attaché à certains rangs et à certaines charges, d'entrer à certaines heures dans la chambre du roi. Cette charge donne toutes les entrées.
On lui a donné les mêmes entrées qu'à la dame d'honneur
, Sévigné, 393.Elle a prétendu avoir les entrées de dame d'honneur
, Sévigné, 396.Les grandes entrées, se disait des entrées qu'avaient les gentilshommes de la chambre.
Après le coucher, le roi appela M. de la Trémouille, et lui dit de donner ordre aux huissiers de laisser entrer M. le duc du Maine comme les gentilshommes de la chambre : c'est ce qu'on appelle avoir les grandes entrées
, Dangeau, Journal, I, 45, 19 août 1684.Titus, prince adoré de tout ce qui avait les grandes entrées et qui montait dans les carrosses
, Courier, I, 302.Les petites entrées, se disait des entrées que donnaient les autres charges.
Louis XIV avait ses petits couchers, ses grandes, ses petites entrées
, Voltaire, Louis XIV, 9.Par métonymie. Celui ou celle qui a ses entrées.
Le P. le Tellier, Mme de Maintenon, et une douzaine d'entrées, maîtres ou valets, y reçurent ou y suivirent le saint sacrement [à la mort du roi]
, Saint-Simon, 405, 42.Le même [seigneur qui avait les entrées] lui donnait [au roi] sa robe de chambre, et cependant les secondes entrées ou brevets d'affaires entraient
, Saint-Simon, 417, 5. - 8Admission. Depuis son entrée au collége, cet élève a fait beaucoup de progrès. L'entrée au séminaire. L'examen d'entrée à une école.
On a dit que Platon refusait l'entrée de son école à quiconque n'était pas géomètre
, Mairan, Éloges, l'abbé de Molières.On peut lui reprocher [au président Rose] cependant d'avoir, par amitié pour Despréaux et Racine, retardé l'entrée de Fontenelle à l'Académie française
, D'Alembert, Éloges, Rose.Ce qu'on payait en entrant en charge ; bienvenue.
- 9Endroit par où l'on entre, l'on pénètre. L'entrée de la maison. À l'entrée de la ville. L'entrée est de ce côté. L'entrée d'un port, d'une rade.
Terme d'architecture. Entrée de chœur, décoration, façade qui sépare le chœur d'une église du reste de la nef.
Les abords.
Il s'arme de toute l'ardeur de son zèle, et défend avec une vigilance incroyable les entrées de son diocèse
, Fléchier, Panég. II, p. 305.Il laissa Jacqueline avec ses enfants à l'entrée du bois
, Genlis, Veillées du château t. II, p. 457, dans POUGENS. - 10Ouverture de certaines choses. L'entrée de ce chapeau, de cette chaussure, de cette manche est trop étroite.
Ouverture par laquelle une clef entre dans la serrure.
- 11 Fig. Il se dit de tout ce qui est comparé à une action d'entrer, à un acheminement.
[Les traits de la mort]… Ne font voir à leur clarté Que la fin d'un triste esclavage Et l'entrée à la liberté
, Corneille, Imit. I, 23.Ce serait leur fermer l'entrée de notre religion
, Pascal, Prov. 18.Dieu a voulu se servir de l'entremise des sens pour donner entrée à la foi
, Pascal, ib.… Le Tellier, à qui la divine Providence faisait faire ce léger apprentissage des affaires d'État ; il ne fallait qu'en ouvrir l'entrée à un génie si perçant, pour l'introduire bien avant dans les secrets de la politique
, Bossuet, le Tellier.Les dégoûts, les dépits ne peuvent y avoir aucune entrée [aux Champs Élysées]
, Fénelon, Tél. XIX.Solon donna entrée dans les affaires publiques à tout le peuple
, Fénelon, Solon.Je trouvai une petite tracasserie domestique que je ne dédaignerai pas de mettre ici, comme l'entrée à des choses plus considérables
, Saint-Simon, 51, 101.L'entrée dans le monde, la naissance.
On la compte [la vie de l'homme] depuis la première entrée dans le monde ; pour moi, je ne voudrais la compter que depuis la naissance de la raison
, Pascal, Amour.L'entrée dans le monde, se dit aussi des personnes qui commencent à fréquenter la société.
Je n'ai jamais vu une si souhaitable entrée dans le monde
, Sévigné, 486. - 12Occasion, opportunité. Cette innovation donnerait entrée à beaucoup de désordres. Donner entrée à un abus.
Les entrées qu'elle nous ouvre pour faire des amis
, Bossuet, II, Honn. - 13Il se dit du premier temps, des premiers moments de quelque chose qui dure. L'entrée du mois. À l'entrée de l'hiver. L'entrée de son pontificat.
Je revins secrètement chez moi à l'entrée de la nuit
, Lesage, Diable boit. ch. 13.Dès l'entrée de table, dès le commencement du repas.
- 14Début, commencement.
Voyez Diana qui a tant écrit ; il a mis à l'entrée de ses livres la liste des auteurs qu'il rapporte
, Pascal, Prov. 5.Que dès les premiers vers l'action préparée, Sans peine du sujet aplanisse l'entrée
, Boileau, Art p. III.Ce que j'ai touché dès l'entrée de ce discours
, Bossuet, Bonté, 1.On dit dans le même sens, entrée en possession, en jouissance.
Entrée en séance, action de commencer une séance.
D'entrée, loc. adv. Tout d'abord, dès le début.
Madame arriva, à qui d'entrée le roi dit qu'il comptait bien qu'elle ne voudrait pas s'opposer à une affaire que Monsieur désirait
, Saint-Simon, 2, 45.M. Fayou, d'entrée et faute d'expérience, pourra faire des fautes, il les corrigera bientôt à force d'esprit et de réflexion
, Saint-Simon, 232, 97.Et vraiment il serait étrange qu'on se proposât, d'entrée, de rembourser ce qu'on ne doit pas, au risque de ne pouvoir pas alors rembourser ce qu'on doit
, Mirabeau, Collect. t. IV, p. 56.N'est-il pas clair que désespérer, d'entrée, de tout rétablissement fondé sur notre seule ressource actuelle, c'est empêcher cette confiance précieuse de se rétablir ?
Mirabeau, ib. t. IV, p. 120.D'entrée de jeu, dès le commencement du jeu. Il se mit à jouer, et d'entrée de jeu il perdit presque tout son argent.
Fig. D'entrée de jeu, d'abord. D'entrée de jeu il fit voir son extravagance.
- 15Se dit de la permission d'entrer dans un pays, en parlant de marchandises, de livres, etc.
Je vous dirai confidemment que j'ai une joie très vive de ce que l'on n'a point permis en France l'entrée de mon Dictionnaire
, Bayle, Lett. à M***, 13 mai 1697.Avoir l'entrée d'un port, avoir accompli les formalités nécessaires pour y être admis.
- 16 Terme de douane. Droit qu'on paye pour les marchandises qui entrent dans certaines villes ou certains pays.
Ces troupes étaient seulement commandées pour faire payer les entrées aux portes de la ville
, La Rochefoucauld, Mém. 166.Ce qui entrait dans Rome sous le nom des ambassadeurs ne payait jamais d'entrée
, Voltaire, Louis XIV, 14. - 17 Terme de cuisine. Mets qui se servent au commencement du repas. On servit les entrées.
Cet estomac était amoureux du ragoût, De potages farcis et de fines entrées
, Lamotte, Fabl. III, 18.Fig.
On dit qu'il faut actuellement des entrées recherchées [ouvrages littéraires] et des nouveautés dont on n'aurait pas mangé autrefois
, Voltaire, Lett. d'Argental, 7 avr. 1777. - 18 Terme d'eaux et forêts. Bois d'entrée, ceux qui commencent à donner quelques signes de dépérissement.
- 19 S. f. plur. Terme de commerce. Se dit des valeurs, des marchandises qui entrent. Le livre des entrées.
HISTORIQUE
XIe s. Et Guineman jouste à un roi l'entrée [d'entrée, d'abord]
, Ch. de Rol. CCXLIX.
XIIe s. Le premier jour de mai, à l'entrée du mois
, Sax. XXXIII. Vint s'en al tabernacle ; truvad le vesche Hely à l'entrée, qui asis iert [était]
, Rois, p. 3. Dunkes de tote vertut fait à guarnir li entreie del cuer
, Job, p. 444.
XIIIe s. Sur les ieus [je] vous commant que vidiez ma contrée, Si que jamais nul jour ne levoiez l'entrée
, Audefroi le Bastard, Romanc. p. 23. Jà du moustier [il] n'en avera l'entrie
, ib. p. 48. À l'entrée de quaresmes, après ce que on prent cendres
, Villehardouin, VI. Ensi garderent les entrées et les issues dou castiel un an et trois mois
, Chr. de Rains, p. 138. Ele i est jusqu'au ventre entrée, Et la fosse a petite entrée
, Ren. 664. Maint sunt qui d'entrer ens se hestent, Qui tuit à l'entrée s'arrestent, Ne n'ont pooir d'aler avant
, la Rose, 6030.
XIVe s. Lieu qui a droitement regart et larges entrées au cuer [au cœur]
, H. de Mondeville, f° 81.
XVe s. Moult se tint le parlement sur ce longuement ; mais enfin riens n'en fut fait ; car le roy Henry vouloit avoir trop grant entrée sur le royaume
, Fenin, 1419. Comme il se trouva grant et roy couronné, d'entrée ne pensa qu'aux vengeances
, Commines, I, 10.
XVIe s. Le mariage est un marché qui n'a que l'entrée libre
, Montaigne, I, 209. Ils les exhortoyent de penser à eux et ne s'obstiner pas à donner entrée à ceste miserable guerre
, Lanoue, 558. Il y eut un chantre phocien qui chanta l'entrée du chorus de la tragoedie d'Electra, laquelle se commence ainsi…
, Amyot, Lysandre, 29. Pour entrée de table, je te donne ces petites fricassées
, Des Accords, Bigarr. f° 181, dans LACURNE.
ÉTYMOLOGIE
Entrer ; provenç. intrada ; espagn. entrada ; ital. entrata.
SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE
ENTRÉE. Ajoutez :REMARQUE
Joyeuse entrée signifiait aussi, dans l'ancienne Flandre, la charte qui assurait les libertés des habitants. À son avénement, le prince était inauguré solennellement dans chaque province en qualité de duc, comte ou seigneur, et s'engageait par serment à observer lui-même et à maintenir envers et contre tous les priviléges de la nation ; la charte qui consacrait ces obligations et qu'on ne séparait pas du fait de l'avénement était connue sous le nom de joyeuse entrée
, Defacqz, Ancien droit belgique, t. I, p. 6. Il est constamment question de joyeuse entrée dans les plaintes et représentations des adversaires de Joseph II ; et l'on disait alors violer la joyeuse entrée ou les joyeuses entrées, comme on dit aujourd'hui violer la constitution, la loi fondamentale. (Note communiquée par M. Du Bois, avocat à Gand.)