« coucher », définition dans le dictionnaire Littré
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coucher [1]
- 1Mettre au lit. Coucher un enfant. Les valets de chambre viennent coucher leurs maîtres. Les garçons de la noce venaient coucher l'épousée.
- 2Étendre quelqu'un ou quelque chose tout de son long sur la terre ou sur quoi que ce soit. Coucher une échelle. On coucha le blessé sur un matelas. Coucher une bouteille sur le côté, la vider.
Terme d'horticulture. Plier les rameaux jusqu'à terre et les couvrir de terre pour qu'ils prennent racine.
Terme de doreur. Coucher d'assiette, coucher une couleur rougeâtre pour servir de préparation à recevoir l'or. Coucher de fond, étendre une couleur sur les rouleaux de papier avant de les imprimer.
Fig. Coucher quelqu'un sur le carreau, l'étendre sur la place mort ou grièvement blessé.
Dieu dans un moment a couché ce géant [Galérius] sur la terre
, Chateaubriand, Mart. II, 314.Ainsi le trait fatal dans les rangs se promène, Et comme des épis les couche dans la plaine
, Lamartine, Méd. II, 15.Ils couchèrent sur la plaine environ mille cavaliers, plus de quinze mille fantassins et bon nombre d'éléphants
, Le P. Catrou, dans DESFONTAINES. - 3Incliner, pencher, rabattre quelque chose. La pluie et le vent couchent les blés. Coucher le poil d'un chapeau. Coucher des galons, une dentelle sur une étoffe.
La brise qui soulève ou couche les épis
, Lamartine, Harm. I, 5.Terme de marine. Coucher un bâtiment, l'incliner pour le caréner. On dit aussi que le vent couche un bâtiment, quand il l'incline sur le côté.
Terme de manufacture. Ranger avec la brosse le poil sur un drap tondu à fin.
Fig. Coucher le poil à quelqu'un, le flatter, le cajoler.
- 4Coucher en joue, donner au fusil une position couchée, horizontale, en l'ajustant à l'épaule et contre la joue pour tirer.
Fig.
Que l'on couchait en joue, et de plus d'un endroit, Celle dont il a vu qu'une lettre en avance Avait si faussement divulgué la naissance
, Molière, l'Ét. IV, 1.Il crut que ces longues paupières n'avaient jamais couché que lui en joue
, Hamilton, Gramm. 7.La villageoise est belle et jeune, je l'avoue ; Don Alphonse, en passant, peut la coucher en joue
, Scarron, Dom Japhet, I, 1.Si tu t'aperçois que quelque parent de don Gonzale ait de grandes assiduités auprès de lui et couche en joue sa succession, tu m'en avertiras aussitôt
, Lesage, Gil Blas, IV, 7. - 5Etendre en couche. Coucher une couleur, de l'or, de l'argent sur…
Terme de peinture. Coucher des couleurs, les étendre avec le pinceau l'une à côté de l'autre avant de les fondre.
- 6Coucher quelque chose par écrit, mettre par écrit.
Couche de ses faveurs l'histoire par écrit
, Régnier, Sat. X.Nous faisons profession de ne coucher dans ces mémoires que ce que nous tenons de celui même dont nous racontons les faits
, Hamilton, Gramm. 11.Voici comment Luther coucha l'article VI du sacrement de l'autel
, Bossuet, Variat. IV, § 35.… Tu te souviens qu'au village on t'a dit Que ton maître est nommé pour coucher par écrit Les faits d'un roi…
, Boileau, Ép. X.On vient d'exiler un conseiller de notre parlement, parce qu'il a prêté sa plume à coucher les remontrances que le corps a cru devoir faire au roi
, Montesquieu, Correspondance, 61.Le vieil officier, de son côté, se piquait de savoir bien coucher par écrit
, Lesage, Gil Blas, VII, 12. - 7Inscrire. Coucher quelqu'un sur une liste, sur l'état des pensions. Coucher un article en recette, en dépense.
Dans peu de temps, j'espère Y voir coucher [dans un testament] mon nom en riche caractère
, Regnard, Lég. I, 1. - 8 Terme de jeu. Mettre comme enjeu. Il est grand joueur, il couche mille écus sur une carte. Coucher gros, jouer très gros jeu, et fig. risquer beaucoup.
On dit, au neutre, coucher de tant.
Fig. Coucher gros, avancer quelque chose d'extraordinaire : vieux en ce sens.
La corneille… Qui, croassant partout d'un orgueil effronté, Ne couche de rien moins que l'immortalité
, Régnier, Sat. II.Vous couchez d'imposture et vous osez jurer !
Corneille, le Menteur, III, 5.Il ne couche pas moins que de faire employer pour lui toutes les puissances
, Trévoux.Tu couches d'imposture et tu m'en as donné
, Molière, l'Ét. I, 10. - 9 V. n. Prendre son repos de nuit. Coucher dans un lit, sur un matelas. Coucher sur la dure. Chambre à coucher.
Pygmalion ne couche jamais deux nuits de suite dans la même chambre, de peur d'être égorgé
, Fénelon, Tél. liv. III. - 10Loger ou passer la nuit. Il coucha dans une hôtellerie. Coucher en ville. Coucher dans la rue.
Elle le retenait souvent à coucher
, Hamilton, Gramm. 6.… Vous ennuyez-vous point De coucher toujours seul ? une esclave assez belle Était à mes côtés ; voulez-vous qu'on l'appelle ?
La Fontaine, Fabl. VIII, 11.J'ai couché plus mal quelquefois, dit-il ; ayez seulement soin de cet enfant qui me conduit et qui est plus délicat que moi
, Marmontel, Bélisaire, I.Coucher à la belle étoile, et, populairement, coucher à l'enseigne de la lune, coucher en plein air.
Coucher dans son fourreau comme l'épée du roi, ou, simplement, coucher dans son fourreau, coucher tout habillé.
- 11Coucher avec une femme, avoir commerce avec elle.
Jupiter, en couchant avec Alcmène, fait une nuit de 24 heures
, Voltaire, Mœurs, miracles.On ne pouvait coucher ensemble la première nuit des noces, ni même les suivantes, sans en avoir acheté la permission
, Montesquieu, Esp. XXVIII, 41.Un autre vous promet de vous faire coucher avec les esprits aériens, pourvu que vous soyez seulement trente ans sans voir de femme
, Montesquieu, Lett. pers. 58.Déjà, pour commencer dans l'ardeur qui m'enflamme, Je vais dire partout qu'il couche avec ma femme
, Molière, Sganar. 17. - 12Se coucher, v. réfl. Se mettre au lit. Ils se sont couchés fort tard.
Est-ce donc pour veiller qu'on se couche à Paris ?
Boileau, Sat. VI.Pour moi, fermant ma porte, et cédant au sommeil, Tous les jours je me couche avecque le soleil
, Boileau, ib.Je ne me couche point qu'aussitôt dans mon lit Un souvenir fâcheux n'apporte à mon esprit Cent histoires de morts lamentables…
, Boileau, Sat. X.Il se couche tranquillement sur une nouvelle qui se corrompt la nuit
, La Bruyère, I.T'attendre aux yeux d'autrui, quand tu dors, c'est erreur ; Couche-toi le dernier, et vois fermer ta porte
, La Fontaine, Fabl. XI, 3.Familièrement. Se coucher comme les poules, se mettre au lit de très bonne heure.
Populairement. Allez vous coucher, c'est-à-dire laissez-moi tranquille.
- 13S'étendre.
Le reste… se couche contre terre et sans faire aucun bruit Passe une bonne part d'une si belle nuit
, Corneille, Cid, IV, 3.Éconduit, il [le courtisan] insiste ; repoussé, il tient bon ; qu'on le chasse, il revient ; qu'on le batte, il se couche à terre
, Courier, Simple discours.Terme de manége. Le cheval se couche en vache, lorsque, dans le décubitus sternal, les talons de ses sabots et les extrémités des branches du fer viennent heurter et contondre la peau du sommet du coude.
Se coucher sur la volte, se dit d'un cheval qui, malgré son cavalier, force ses inclinaisons dans les changements de direction.
Être couché, étendu. Ce collet est mal taillé, il ne se couche pas bien sur l'habit.
Sur deux tréteaux boiteux se couchait une porte
, Régnier, Sat. X. - 14Passer au-dessous de l'horizon, en parlant des astres. Le soleil se couchera bientôt. À Paris, la Grande Ourse ne se couche jamais.
PROVERBES
Pour boire de l'eau et coucher dehors il ne faut demander congé à personne.
Il ne faut pas se dépouiller avant de se coucher, c'est-à-dire il ne faut pas faire, de son vivant, donation de son bien à des enfants ou à des héritiers.
Comme on fait son lit on se couche, c'est-à-dire il faut se résigner à subir les conséquences de sa conduite.
Si vous n'en voulez point, couchez-vous auprès, se dit très familièrement à une personne qui refuse une offre que l'on croit raisonnable.
REMARQUE
1. Se coucher signifie se mettre au lit, s'étendre pour dormir : nous nous sommes couchés à minuit ; et coucher, v. n. signifie passer la nuit, le temps du sommeil : il a couché en ville. Ainsi il ne faut pas dire : il est allé coucher, mais il est allé se coucher, quand on parle de se mettre au lit ; mais on dirait : il est allé coucher dans la rue, c'est-à-dire il est allé passer la nuit dans la rue.
2. Coucher, v. n. ne se construit qu'avec l'auxiliaire avoir ; cependant Racine a dit : Il y serait couché sans manger ni sans boire,
† Plaid. I, 1. C'est une licence que rien n'empêcherait d'imiter en poésie.
HISTORIQUE
XIe s. Sur un perron de marbre bloi se culche
, Ch. de Rol. II. Descent à piet, à la terre se culche
, ib. CXLVIII. Quant il se dresse, li soleilz est culchet
, ib. CLXXVII. S'en ma merci [il] ne se cuizt à mes piez…
, ib. CLXXXIX.
XIIe s. Et el sepoucre cocher et repouser
, Ronc. p. 6. Quant à tes piés [elle] se coucha à bandon
, ib. p. 48. [Il] Coche s'adens, durement s'humelie
, ib. p. 55. Dès le matin jusqu'à soleil couchant
, ib. p. 68. Sa chemise qu' [il] eut vestue, [il] M'envoia pour embrasser ; La nuit, quant s'amour m'arguë, [je] La met delez moi couchier
, Dame de faiel, dans Couci. E à la nue terre se culchout en ses dras Que il aveit le jur, ne changout altres pas
, Th. le mart. 102.
XIIIe s. De paour [elle] va à dens sur la terre couchier
, Berte, XI. En croi sur l'herbe drue doucement [elle] se couchoit
, ib. XXVIII. Vous deus dedens ma chambre ensemble [je] coucherai
, ib. LVII. Rois, ce n'est pas ma fille qui ci estoit couchie
, ib. X. Quant il vinrent laiens, si se coucierent et reposerent jusques à l'endemain après la messe que il alerent au castiel où li cuens estoit
, H. de Valenciennes, XVI. Li rois Loeys ses peres se coucha au lit mortiel, et le convint partir de cest siecle
, Chr. de Rains, p. 10. Dont sont tous nos François cochié à genoillon ; Or oïez de Jhesu, en qui croire devon, Com a fait grant vertu, por confondre Mahon
, Ch. d'Ant. III, 618. Si tost com ou sepulcre [le St-Sépulcre] iert m'ofrande coucie, Et je l'aurai baisié et m'orison fenie
, ib. I, 912. Par devant le segneur desoz qui il couque et lieve
, Beaumanoir, 58. Et s'il ne le trueve d'aventure, il doivent aler fere lor semonce à lor ostel où il est couquans et levans
, Beaumanoir, 50. Dusqu'à tant que les paroles sont couquies en jugement
, Beaumanoir, VI, 14. Quant je fus couchié en mon lit, là où je eusse bien mestier [besoin] de reposer
, Joinville, 230. Il m'apoia, au passer que je fis, de son glaive entre les deux espaules, et me coucha sur le col de mon cheval
, Joinville, 225.
XVe s. Mon très redouté et souverain seigneur, je me mets et couche du tout en vostre ordonnance et en la disposition de vostre haut et noble conseil
, Froissart, II, III, 93. Après ce coup là veïssiez Autres coups aller et tenir, Et flourins aller et venir ; L'un couchoit de seize tous francs
, Deschamps, Poésies mss. f° 392, dans LACURNE, au mot effacer. Auquel [Brissonnet] il faisoit conseiller de se faire prestre et que il le feroit cardinal, à l'autre couchoit [promettait] d'une duché
, Commines, VII, 2. Qui sçauroient le coucher en meilleur langage que moy
, Commines, Prol. Coucher une lance en arrest
, Commines, I, 3. Il dresse le bras dextre à tout la lance au poing …et quant il fut temps de coucher, il coucha tout droit bonne lance, et tourna sur son ennemy
, Perceforest, t. V, f° 6. Couchier à dix, lever à six
, Leroux de Lincy, Prov. 1. II, p. 164.
XVIe s. Mais qu'il s'allast coucher, et qu'il couchast bien soigneusement la medaille sur ses roignons
, Montaigne, I, 95. Au lieu de coucher ces advis sur ses meurs, chascun les couche en sa memoire
, Montaigne, I, 116. Les femmes couchant à part de leurs maris
, Montaigne, I, 237. On les couchoit sur des charriotes pleines de bruyere
, Montaigne, I, 238. Je couche de peu [j'avance, je risque peu], car…
, Montaigne, IV, 124. Il les portoit l'un après l'autre par terre à chacune rencontre, sans que jamais sa lance fut couchée en vain
, Yver, p. 534. La confiscation des meubles appartient au seigneur duquel le confisqué est couchant et levant [domicilié]
, Loysel, 840. Drogues couchées avec le pinceau
, Palissy, 313. Nous ne laisserons pas de coucher par escript les choses dignes de memoire que nous avons peu amasser du roy Numa
, Amyot, Numa, 2. Il ne luy restoit plus qu'à coucher l'edict en bons termes
, Amyot, Solon, 25. Ils les trouverent qu'il estoit ja soleil couché
, Amyot, Pyrrh. 2. Il se trompoit, car il n'eust seu coucher d'un nom plus desagreable aux habitans que celui du roi
, D'Aubigné, Hist. II, 441. Se coucher en chapon le morceau au bec [se coucher de très bonne heure]
, Débat de folie et d'amour, p. 99, dans LACURNE. Qui se couche avec les chiens, se leve avec les puces
, Cotgrave † Qui avec malheureux couche, il a froid, quoiqu'il lui touche
, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 383. Ils ne sont pas trestous couchez encore, qui auront malvais repos anuict
, Palsgrave, p. 422.
ÉTYMOLOGIE
Bourguig. côchai ; picard et rouchi, couker ; wallon, coûkî ; namurois, couchî ; provenç. colgar, colcar ; ital. colcare, corcare, coricare ; du latin collocare, mettre, poser, de col, pour cum, avec, et locare, placer (voy. LOUER). Le sens général de placer a été réduit au sens particulier de mettre dans un lit ou dans une position analogue à celle qu'on a dans le lit : coucher une lance en arrêt. L'espagn. et le portug. colgar signifient appendre.
SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE
1. COUCHER. Ajoutez :Il [d'Hacqueville] fera valoir vos raisons à M. de Pompone, et, après cela, s'ils ne sont contents, vous leur permettrez de se coucher auprès, Sévigné, 29 déc. 1675.