« violent », définition dans le dictionnaire Littré

violent

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

violent, ente

(vi-o-lan, lan-t') adj.
  • 1Qui agit avec force. Vent violent. L'orage est violent…, Th. Corneille, Essex, I, 2.

    Qui se fait sentir avec force. Une douleur violente. Une fièvre violente. Un violent mal de dents. Pouvons… craindre… un plus cruel rabat-joie que la douleur sensible de songer à se séparer… cette pensée est violente, Sévigné, 15 août 1685.

  • 2Qui épuise les forces. Cet exercice [être berné] est un peu violent, pour un homme aussi faible que je suis, Voiture, Lett. 9. Je vous vois dans une dépense si violente…, Sévigné, 15 juin 1689. Suivant le principe des philosophes que tout ce qui est violent ne peut durer, Boisguillebert, Factum de la France, XI. Respectez un jeune chasseur Las d'une course violente, Rousseau J.-B. Cantate de Céphale. On supporte un état violent, quand il passe ; six mois, un an ne sont rien, on envisage un terme et l'on prend courage ; mais quand cet état doit durer toujours, qui est-ce qui le supporte ? Rousseau, Hél. VI, 6. Quel état violent ! ô ciel ! que dois-je faire ? Boissy, Deh. tromp. II, 1. Un si violent effort [l'attaque de Smolensk] lui paraissait inutile [à Murat], puisque les Russes se retiraient d'eux-mêmes, Ségur, Hist. de Nap. VI, 4.
  • 3Qui se livre à des violences, en parlant des personnes. Je sais quel est Pyrrhus, violent mais sincère, Racine, Andr. IV, 1. Chez ces nations violentes, rendre la justice n'était autre chose qu'accorder à celui qui avait fait une offense sa protection contre la vengeance de celui qui l'avait reçue, Montesquieu, Esp. XXX, 20. Il [Socrate] était né violent ; il est à présent le plus doux et le plus patient des hommes, Barthélemy, Anach. ch. 7.

    Il se dit des choses au même sens. Quand, emportés par leur humeur violente, ils [les princes] ne gardent plus ni lois ni mesures, Bossuet, Reine d'Anglet. Vous dépendez ici d'une main violente Que le sang le plus cher rarement épouvante, Racine, Mithr. IV, 2. Excuse les transports de ce cœur offensé ; Il est né violent, il aime, il est blessé, Voltaire, Zaïre, III, 7.

    Substantivement. En style de spiritualité, les violents, ceux qui sont épris d'une extrême ardeur de dévotion. Notre Seigneur a dit que, depuis la venue de Jean-Baptiste… le royaume de Dieu souffre violence, et que les violents le ravissent, Pascal, Lett. à Mlle de Roannez, 4.

  • 4Où l'on emploie la violence. Les grâces pudiques de la reine Esther eurent un effet aussi salutaire, mais moins violent [que l'action de Judith], Bossuet, Reine d'Angleterre. Les moyens violents ne conviennent point à la cause juste, Rousseau, Lett. de la Mont. 8.

    Mort violente, mort causée par force, par accident, et non par une cause naturelle.

  • 5 Fig. Il exprime l'intensité, la force. On a de violents soupçons contre lui. Que n'ose et que ne peut l'amitié violente ! La Fontaine, Fabl. XII, 15. Il faut que la force du proverbe soit bien violente, s'il est bien vrai que vous ne soyez pas prophète en votre pays, Sévigné, à Coulanges, 28 mai 1695. Les âmes fortes ont des sentiments bien plus violents que les autres, quand elles sont tendres, Voltaire, Ingénu, 20. Pour moi, j'ai des doutes violents, mais je les écarte, je me mets un bandeau sur les yeux, Voltaire, Amabed, 6e lettre.

    Il se dit des personnes en un sens analogue. Il [Lavardin, l'évêque du Mans] était connu pour un des plus violents esprits forts du siècle de Louis XIV, Voltaire, Dict. phil. Ordination.

  • 6Qui ne garde pas la mesure, en parlant du style. Celui [style] de Rousseau [Jean-Baptiste] me paraît inégal, recherché, plus violent que vif, et teint, si j'ose m'exprimer ainsi, de la bile qui le dévore, Voltaire, Lett. en vers et en prose, 8.
  • 7Qui fait violence à un texte. Que de violents correctifs ne faut-il point apporter à ses propositions [de Rusbroc, mystique] pour les rendre supportables ? Bossuet, Ét. d'orais. I, 5.
  • 8 Fig. et familièrement. Qui sort de la mesure ; qui ne se peut tolérer. La proposition est violente. Allons, des siéges ; holà ! laquais, laquais, laquais ! en vérité, voilà qui est violent, de ne pouvoir pas avoir un laquais pour donner des siéges, Molière, Comtesse, 4. Le parallèle de monsieur le Prince et de M. de Turenne est un peu violent ; mais il [Bossuet] s'en excuse en niant que ce soit un parallèle, Sévigné, à Bussy. 25 avril 1687. Vous m'avouerez que cela est violent, locution de la cour, De Caillières, 1690. M. Thomasseau : Un lit de damas ! cela est violent, Dancourt, Vend. Surène, sc. 22.

HISTORIQUE

XIVe s. Medecines corrosives et violentes, H. de Mondeville, f° 92.

XVe s. Pou dure chose violente, Deschamps, Poésies mss. f° 250. Bon vin, fai moi raison d'une soif violente, Dont je suis au gosier très ardemment espris, Basselin, VIII.

XVIe s. Mort violente, Montaigne, I, 81. Si la douleur est violente, elle est courte, Montaigne, I, 304. J'ois impatiemment gemir un lievre soubs les dents de mes chiens, quoyque ce soit un plaisir violent que la chasse, Montaigne, II, 126. Homme violent, cruel et insatiable de guerre, Amyot, Agés. 61.

ÉTYMOLOGIE

Wallon, violain ; provenç. violent ; espagn. et ital. violento ; du lat. violentus, de même radical que violare, violer.