« violer », définition dans le dictionnaire Littré

violer

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violer

(vi-o-lé) v. a.
  • 1Enfreindre, agir contre. Esdras, prêtre, se levant, leur dit : Vous avez violé la loi du Seigneur, et vous avez épousé des femmes étrangères, Sacy, Bible, Esdras, I, X, 10. C'est [ne pas faire rébellion contre les puissances établies] l'ordre de Jésus-Christ et la règle que les chrétiens n'ont jamais violée par aucun attentat, Bossuet, 4e avert. 2. Il [Jovien] ne put consentir à aucune proposition de rupture, et ne voulut point violer la foi que le malheur du temps l'avait forcé de donner, Fléchier, Hist. de Théodose, II, 65. Je viole en un jour les droits des souverains, Ceux des ambassadeurs et tous ceux des humains, Racine, Andr. v, 4. J'ai violé l'amour conjugal, Fénelon, Tél. X. La religieuse crainte qu'avaient alors [dans le siége de Jérusalem par Titus] les Juifs de violer la loi, s'ils se défendaient le jour du sabbat, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. VII, p. 92, dans POUGENS. Ne nous rebutons point de ces remarques grammaticales ; la langue ne doit jamais être violée, Voltaire, Comm. Corn. rem. Héracl. I, 1. Le prétexte manquait pour violer le serment… le légat n'eut d'autre ressource que de persuader à Ladislas, aux chefs hongrois et aux Polonais, qu'on pouvait violer ses serments, Voltaire, Mœurs, 89. Ninon Lenclos, qui gardait les dépôts religieusement, tandis que les plus graves personnages les violaient, Voltaire, Dict. phil. Enfer. L'analogie est ici violée, Buffon, Hist. anim. ch. 5. N'outragez pas ainsi la nature, ne violez pas la sainte hospitalité, Rousseau, Lév. d'Éphr. II. Les successeurs de Jean sans Terre ne songèrent qu'à violer les deux chartes que la nécessité lui avait arrachées, Condillac, Études hist. II, 5. Il [Destouches] s'était marié en Angleterre avec une personne aimable ; mais ce mariage exigeait alors le secret, et le secret fut violé, D'Alembert, Élog. Destouches.

    Violer un asile, violer les droits et les priviléges d'un asile.

    Violer une sépulture, la dégrader ou y fouiller dans des intentions coupables. Les jésuites persécutaient… la mémoire de Pascal, Arnaud fugitif, les débris de Port-Royal détruit, et les cendres des morts dont on violait les sépultures, Voltaire, Mél. litt. Avert. d'une éd. des Pens. de Pascal. [Chez les Grecs] cette vénération profonde pour les tombeaux, et les lois sévères contre ceux qui les violent, Barthélemy, Anach. 8.

    En un sens analogue et poétiquement, violer une porte, la franchir malgré les interdictions. Rien ne peut violer la porte inviolable, Delille, Parad. perdu, II.

  • 2Faire violence à une femme. Son fils Sextus [de Tarquin], en violant Lucrèce, fit une chose qui a presque toujours fait chasser les tyrans d'une ville où ils ont commandé, Montesquieu, Rom. 1. Il fut prouvé qu'en brûlant les bourgs de Merindol et de Cabrières, les exécuteurs violèrent jusqu'à des filles de huit à neuf ans entre les bras de leurs mères, Voltaire, Hist. parl. 19.

    Absolument. Les soldats pillèrent et violèrent.

HISTORIQUE

XIe s. Les castels pris, les citez violées, Ch. de Rol. LIV. Il viola le temple Salomon, ib. CXVII.

XIIe s. Einsi fu sainte iglise hunie e violée ; Ne matines, ne vespres, messe n'i fu chantée, Th. le mart. 153. Absalon ne parlad ne poi ne grant à sun frere Amon ; karde cuer le haïd pur sa surur Thamar qu'il out violée, Rois, p. 165.

XIIIe s. Se aucuns viole les murs de la cite por i mal fere, il doit estre puniz à la volenté le roi, Liv. de just. 65. Par mains pechiez te violas ; Mais de coulpe en grace volas, Quant Dieu te volt faire veiller Et repentir et traveiller, J. de Meung, Tr. 880.

XIVe s. Le premier homme viola le commandement, Lanfranc, f° 1.

XVe s. Et ardirent la ville, et violerent l'abbaye, Froissart, I, I, 129. Et cinq eglises arses et violées, Froissart, I, I, 179.

XVIe s. Eschauffez de la feste, ils complotterent d'aller violer une maison pudique, Montaigne, I, 345. Tout y fut passé au fil de l'espée, femmes et filles forcées : une entre autres de laquelle la mere ayant racheté par rançon la pudicité, le soldat viola la fille et la foi, D'Aubigné, Hist. I, 139.

ÉTYMOLOGIE

Prov. et esp. violar ; it. violare ; du lat. violare qui a même radical que βία, force, violence.