« sien », définition dans le dictionnaire Littré
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sien, sienne
- 1Avec l'article, le, la, les.
Avez-vous un secret important ? versez-le hardiment dans ce noble cœur : votre affaire devient la sienne par la confiance
, Bossuet, Louis de Bourbon.Nos écrits sont mauvais ; les siens valent-ils mieux ?
Boileau, Épît. II.Il [Montfort] travaillait depuis un temps à l'histoire de la géométrie ; chaque science, chaque art devrait avoir la sienne
, Fontenelle, Montfort.Héliogabale alla jusqu'à vouloir détruire tous les objets de la vénération de Rome, et ôter tous les dieux de leurs temples pour y placer le sien
, Montesquieu, Rom. XVI.L'évêque de Luçon, fils du célèbre Bussy, m'a dit qu'ayant demandé à M. de Meaux quel ouvrage il eût mieux aimé avoir fait s'il n'avait pas fait les siens, Bossuet lui répondit : les Lettres provinciales
, Voltaire, Louis XIV, 32.Je voudrais en fait de belles lettres qu'on fût de tous les pays, mais surtout du sien
, Voltaire, Mél. litt. Cons. à un journaliste.Plus heureuse que son ancienne amie, elle [Ninon] ne se plaignit jamais de son état, et Mme de Maintenon se plaignit quelquefois du sien
, Voltaire, Mél. litt. sur Mlle de l'Enclos. - 2Il s'emploie sans article, et signifie à soi.
Ainsi ce rang est sien, cette faveur est sienne, Et je n'ai rien enfin que d'elle je ne tienne
, Corneille, Poly. II, 1.Dans ce penser, il [l'âne] se carrait, Recevant comme siens l'encens et les cantiques
, La Fontaine, Fabl. V, 14.Dieu prodigue ses biens à ceux qui font vœu d'être siens
, La Fontaine, Fabl. VII, 3.Mais surtout fais si bien, Qu'elle garde toujours l'ardeur de me voir sien
, Molière, l'Ét. I, 6.Arnauld prétend que la doctrine de Malebranche n'est ni nouvelle ni sienne
, Diderot, Opin. des anc. philos. (Malebranchisme). - 3 Familièrement, avec l'article un, une.
Resté seul au palais avec un sien esclave
, Desmarets, Mirame, IV, 1.Un sien ami, voyant ces somptueux repas, Lui dit…
, La Fontaine, Fabl. VII, 14.Au lieu de un, une, on met parfois quelque.
Que, déguisant son cœur et cachant sa famille, Il avait fait merveille aux guerres de Castille, D'où quelque sien voisin, depuis peu de retour, L'avait vu plein de gloire et fort bien à la cour
, Corneille, D. Sanche, V, 8. - 4 S. m. Le sien, son bien.
Ne point mentir, être content du sien, C'est le plus sûr…
, La Fontaine, Fabl. V, I.Il [d'Aubigné] appelle Henri IV le conquérant du sien ; éloge qui renferme, ce me semble, en deux mots toute la justice de sa cause, et toute la gloire des autres conquérants
, Mme de Caylus, Souvenirs, p. 8, dans POUGENS.Qui donne de l'encens ne donne rien du sien
, La Chaussée, Gouvernante, I, 3.PROVERBE
Chacun le sien n'est pas trop.Si vous avez le plaisir de quereller, il faut bien que de mon côté j'aie le plaisir de pleurer ; chacun le sien, ce n'est pas trop
, Molière, Mal. imag. I, 2.Bornez-vous à votre lot ; Chacun le sien n'est pas trop
, Pannard, Œuvr. t. III, p. 347.Fig. Mettre du sien dans une affaire, y contribuer de son argent, de sa peine, de son imagination.
Ce cavalier en était toujours [des collations, divertissements, etc.] ; et c'était un grand hasard quand il n'y mettait pas quelque chose du sien, pour surprendre agréablement par quelque trait de magnificence et de galanterie
, Hamilton, Gramm. 7.Il [Méry] n'a rien mis du sien dans sa réputation que son mérite
, Fontenelle, Méry.Il est entouré de mille volumes, et il en compose un où il ne met rien du sien
, Lesage, Diable boit. 6.La comtesse : Mais surtout que personne… - Suzanne : Ah ! Figaro ! - La comtesse : Non, non, il voudrait mettre ici du sien
, Beaumarchais, Mar. de Figaro, II, 24.Familièrement, mettre du sien, ajouter à un récit des détails imaginaires. Il a mis du sien dans cette histoire.
Le prince n'a point assez de toute sa fortune pour payer une basse complaisance, si l'on en juge par tout ce que celui qu'il veut récompenser y a mis du sien
, La Bruyère, IX.Ajouter du sien à un texte, y ajouter des choses qui n'appartiennent pas à ce texte.
Quoi qu'il en soit, je le prends au mot [Burnet rétractant un passage de son livre], et je le loue de désavouer de bonne foi ce qu'il dit que son traducteur avait ajouté du sien
, Bossuet, Déf. Var. 1er disc. 22. - 5 Au pluriel, tous ceux qui sont en relation avec celui dont on parle, à quelque titre que ce soit (parents, descendants, héritiers, soldats, domestiques, partisans).
Pour être mieux reçu [d'un jésuite], je feignis d'être fort des siens
, Pascal, Prov. I.Mais un reste des siens, entourés dans leur fuite,…
, Racine, Alex. III, 7.T'a-t-il de tous les siens reproché le trépas ?
Racine, Andr. III, 8.Antoine [père de Henri IV], mandé dans la chambre de François II, fut averti, à la porte, par un des siens, du complot formé contre sa vie
, Voltaire, Hist. parl. XXII.PROVERBE
On n'est jamais trahi que par les siens, c'est-à-dire par ceux à qui on se fie le plus. - 6Dans le langage de l'Écriture, les siens, en parlant de Dieu, ceux qui se consacrent, se dévouent à lui. Dieu connaît les siens.
Il ne faut point espérer d'être du nombre des siens, si l'on n'est résolu d'en faire hautement profession
, Bourdaloue, Resp. humain, 2e avent, p. 374. - 7 Familièrement, au féminin pluriel. Faire des siennes, faire des fredaines, des folies, des tours, soit de jeune homme, soit de fripon.
S'il pense ainsi faire des siennes, à la fin je ferai des miennes
, Scarron, Typh. I.Vaudemont avait quitté le service de France, et faisait des siennes dans ses terres
, Saint-Simon, 154, 4.Oui, comme un petit fripon, Qui de temps en temps fait des siennes
, Imbert, Jaloux sans amour, V. 8.Fig.
J'ose dire qu'encore qu'au siècle où nous sommes, la fortune fasse bien des siennes, elle ne sera pas si folle que de se commettre avec un mérite comme le vôtre
, Scarron, Epît. Dédic. Œuv. t. I, p. 152, dans POUGENS.Je vous dirai que l'amour fait ici des siennes
, Sévigné, à Bussy, 23 déc. 1682.Le tonnerre a fait des siennes, en attendant le canon : il est tombé sur le chevalier de la Luzerne, qui était à la tête de sa troupe ; il a brûlé ses habits et sa culotte, sans lui faire beaucoup de mal
, Voltaire, Lett. Mme de Fontaine, 28 mai 1760.
HISTORIQUE
XIe s. Que l'emperere nessun [aucun] des soens n'i perde
, Ch. de Rol. LXIII. Estramariz i est, uns soens compains
, ib. LXXIV.
XIIe s. Et je sui si siens quites ligement, Que tout [elle] me puet ou engager ou vendre
, Couci, V. [Je] Merci amour, de ce qu'ele me deigne Tenir à sien..
ib. IX. Car qui le sien done retraiament [de manvaise grâce], Son gré en pert…
, ib. XVI.
XIIIe s. Et uns siens chevaliers fu montés à cheval, qui avait nom Nicoles le Jaulain
, Villehardouin, LXXII. Un jour estoit rois Flore à un sien grand manoir
, Berte, LXV. Chascune [dame] cuide k'il soit siens [un amant] ; Si s'en fait molt jolie et cointe
, Lai d'Ignaurès. Nus [nul], par reson de garde ne par reson de bail, ne pot faire siens les fruis des vilenages
, Beaumanoir, XXI, 10.
XIVe s. Se Diex reprent çou qui est sien, Encontre nous ne mesfait rien ; Tout sommes sien…
, Jean de Condé, t. II, p. 159. Et s'il est ainsi que les siens [ses concitoyens] se repentent et s'ennuient de son gouvernement
, Bercheure, f° 24, recto.
XVe s. Jean Lyon… se tenoit en sa maison, et vivoit du sien
, Froissart, II, II, 52. Et prirent leurs haches, et se commencerent de haches à combattre et à donner grands et horribles horions, et chacun avoit le sien
, Froissart, II, III, 9. L'on doit faire servir le sien, Non pas qu'homs ou femme s'asserve à son avoir…
, Deschamps, Poésies mss. f° 553. Manda au duc de Bourgogne qu'il vint, et qu'il pouvoit estre seur que la ville estoit sienne
, Commines, III, 10. Font des exactions indues à la grande charge du peuple et à leur profit particulier ; et, pour abreger, sont detruits de tout, et qui perd le sien perd le sens
, Duclos, Preuv. de Louis XI, p. 289, dans LACURNE.
XVIe s. Estre toujours recors de la dignité et magnificence tant sienne que de ses ancestres
, Sleidan, f° 5. Malheureux est celuy qui, pendant qu'il est sien, Qu'il sent, qu'il voit, qu'il oyt, qui ne fait bonne chere
, Ronsard, 707. Cette sienne resolution arresta sus bout la furie de son maistre
, Montaigne, I, 2. C'est le cours du monde, c'est nature qui faict des siennes
, Charron, Sagesse, II, 2.
ÉTYMOLOGIE
Berry, sen, senne ; saintong. son : o n'est grain tout son, ce n'est pas tout sien. Voy. MIEN (l'opinion que mien, tien, sien sont des formes diphthonguées de mon, ton, son, ou men, ten, sen, appartient à M. Baudry).