« serf », définition dans le dictionnaire Littré
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serf, erve
- 1Celui qui ne jouit pas de la liberté personnelle, esclave.
Qu'était Rome, en effet ? qui furent vos ancêtres ? Un vil amas de serfs, échappés à leurs maîtres
, Saurin, Spartacus, III, 4.Athènes eut vingt serfs pour un citoyen ; la disproportion fut encore plus grande à Rome devenue la maîtresse du monde
, Raynal, Hist. phil. XI, 24.Fig.
Étant serf du désir d'apprendre et de savoir
, Régnier, Sat. III.La superstition guide leurs pas errants ; Elle est reine du peuple et serve des tyrans
, Masson, Helvétiens, V.Serfs de la sainte Mère de Dieu ou Blancs-Manteaux, ordre religieux fondé à Marseille (au XIIIe siècle).
- 2En particulier au moyen âge, sous la féodalité et dans les pays qui sont encore régis par des institutions féodales, personne attachée à la glèbe et ne pouvant disposer ni de sa personne ni de son bien.
Les serfs du domaine du roi furent affranchis par un édit de Louis XVI
, Dict. de l'Acad.Un serf n'a point de famille, ni par conséquent de nation
, Montesquieu, Esp. XXX, 25.Les seigneurs, en affranchissant leurs serfs, se privèrent de leurs biens ; il fallut donc régler les droits que les seigneurs se réservaient pour l'équivalent de leurs biens
, Montesquieu, ib. XXVIII, 45.Louis VI déclara par une charte que les serfs ou hommes de corps de l'église de Paris pourraient témoigner contre qui ce fût
, Saint-Foix, Ess. Paris, Œuv. t. III, p. 214, dans POUGENS.C'est en vertu de cette loi [du pape Alexandre III, que tous les chrétiens devaient être exempts de la servitude] que, longtemps après, le roi Louis Hutin dans ses chartes déclara que tous les serfs qui restaient encore en France devaient être affranchis, parce que c'est, dit-il, le royaume des Francs
, Voltaire, Mœurs, 83.J'ai eu la visite d'un serf et d'une serve des chanoines de Saint-Claude
, Voltaire, Lett. duc de Choiseul, 7 sept. 1770.Les moines possèdent la moitié des terres de la Franche-Comté, et toutes ces terres ne sont peuplées que de serfs
, Voltaire, Pol. et lég. Extrait d'un mémoire.La Pologne serait beaucoup plus riche, plus peuplée, plus heureuse, si les serfs étaient affranchis, s'ils avaient la liberté du corps et de l'âme
, Voltaire, Lett. du roi de Pologne, 6 déc. 1767.Les possessions ordinaires des serfs, le fond de leur existence, consistaient moins en propriétés qu'en amodiations de terres concédées à charge de service et de cens
, Naudet, Instit. Mém. inscr. et bell. lett. t. VIII, p. 585. - 3 Terme d'alchimie. Le serf rouge, la magnésie.
- 4 Adj. Qui appartient au servage. Les hommes serfs. Condition serve.
Ces moines [de Saint-Claude] prétendent justifier cet abominable usage [le servage conservé chez eux] ; ils répandent partout que ces serfs sont les plus heureux de tous les hommes, et que les terres serves sont les plus peuplées
, Voltaire, Pol. et lég. Extrait d'un mémoire.Héritage serf, héritage pour lequel il était dû une somme au seigneur.
Fig. Qui est sans indépendance.
Des esprits serfs
, Voltaire, Dial. XXIV, 9.Serf arbitre, se dit, par opposition à libre arbitre, de la volonté déterminée par l'ordre de Dieu ou par l'ordre des choses. Luther a écrit un livre sur le serf arbitre.
HISTORIQUE
XIe s. Pur le franc home dix solz, et pur le serf vingt solz
, Lois de Guill. 8. À une estache l'unt ataché cil serf
, Ch. de Rol CCLXXII.
XIIe s. Vendre [elle] me puet [peut] ou doner ; Ses sers sui sans racheter
, Couci, p. 123. Encor ne vous a pas Charles à sers conquis
, Sax. XXVI. Ydunc s'en sunt parti li serf d'iniquité
, Th. le mart. 151.
XIIIe s. Alixandres evesques, siers des siers de Dieu, à nos chiers fieux Lambert et les freres malades de Douai
, Tailliar, Recueil, p. 500. Margiste vostre serve avec vous laisserai
, Berte, VII. Il sont appelé serf, porceque li empereur comanderent que li chaitif fussent vendu et ne fussent pas ocis ; et einsi estoient il gardé
, Digeste, f° 7. Briefment tant est chetis et nices, Qu'il est sers à trestous les vices
, la Rose, 19436. Vous volés que j'oneure et serve Ceste gent qui est fausse et serve
, ib. 7838. Tant sunt d'avarice lié… Qu'il sunt tuit serf à lor deniers
, ib. 5177. Se li sires qui le poursuit par ourine [origine] provoit que le [la] mere de se [sa] mere fust se [sa] serve
, Beaumanoir, XLV, 13. Lequel Humbert, en eschange de ce, baille audit chapitre tous les hommes et les femmes que lui et sa femme havoient à Egligny, sers et serves de chefs et de corps, avec la progeniée et la sigance de tous les hommes et de toutes les femmes
, Du Cange, servus.
XIVe s. Qui de son serf fait son seigneur, ses ennemis monteplie
, Machaut, p. 136. On dit communement que qui essauce son serf, il en fait son ennemy
, Ménagier, I, 5.
XVe s. Au commencement du monde n'avoient esté nuls serfs
, Froissart, II, II, 106. Nous sommes appelés serfs et battus, se nous ne faisons presentement leur service [des nobles]
, Froissart, II, II, 106. Si vous me voulez faire ce que vous promettez par vostre courtoisie, je demeurerai vostre serve à tous jours [la reine Isabelle remerciant Jean de Hainaut]
, Froissart, I, I, 14. Je voy seigneurie descendre Es sers par science affranchis ; Je voy les povres enrichis, Et les riches nobles tout perdre, Pour ce qu'ilz ne veulent aerdre Leurs cuers à apprendre science
, Deschamps, Miroir de mariage, p. 114. …Chevance et aveir ne sont que assessoires et serves à vertu et comme chamberieres
, Chartier, Quadrilogue invectif.
XVIe s. [Une dame] …pour le nom d'amant que merite ma paine, Du seul tiltre de serf ne me daigne honorer
, Desportes, Imitation de la complainte de Bradamande. [Dieu,] La flamme, l'air, la terre et l'onde Sont serfs de ton commandement
, Desportes, Œuv. chrest. XVIII, ode. Et faudra que nostre nation, qui s'est tant faite renommer par vray vaillance, se voye serve de celles qui lui ont autrefois obéi
, Lanoue, 203.
ÉTYMOLOGIE
Provenç. serf, ser ; espagn. siervo ; du lat. servus, esclave. Les jurisconsultes latins (Dig. de statu hominum, II, 5) ont rattaché servus à servare, comme étant l'homme pris à la guerre, conservé et non tué ; des étymologistes modernes se sont aussi rangés à cet avis ; mais il est évident que servire est le dénominatif de servus (voy. donc SERVIR).