« relâcher », définition dans le dictionnaire Littré
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relâcher
- 1Faire qu'une chose soit moins tendue, moins serrée. Au moyen d'une vis on tend, on relâche cette membrane.
Ses ais demi-pourris [d'un lutrin], que l'âge a relâchés, Sont à coups de maillet unis et rapprochés
, Boileau, Lutr. III.Fig.
Je m'en vais écrire à Vivonne pour un capitaine bohême, afin qu'il lui relâche un peu ses fers
, Sévigné, 62.S'il [un bon citoyen dans un État despotique] aimait l'État, il serait tenté de relâcher les ressorts du gouvernement
, Montesquieu, Esp. IV, 3.Elle va former de nouvelles chaînes qui relâcheront les doux liens de l'amitié
, Rousseau, Hél. II, 15.Fig. Relâcher l'esprit, donner du délassement à l'esprit.
Il est nécessaire de relâcher un peu l'esprit
, Pascal, Pens. div. 27, édit. FAUGÈRE.Se relâcher l'esprit, relâcher à soi l'esprit, se reposer, interrompre le travail.
Dans les divertissements qu'il [le czar] prenait avec sa cour, tels que quelques révélations nous les ont exposés, on peut trouver des restes de l'ancienne Moscovie ; mais il lui suffisait de se relâcher l'esprit, et il n'avait pas le temps de mettre beaucoup de soin à raffiner sur les plaisirs
, Fontenelle, Pierre Ier. - 2Rendre plus doux, en parlant de la température. Le vent tourna au sud et relâcha le temps.
- 3Rendre plus lâche, plus mou, moins sévère, laisser perdre de sa force.
Mais je crains qu'après tout son âme irrésolue Ne relâche un peu trop sa puissance absolue
, Corneille, Tite et Bérén. IV, 2.Ne pas exiger de ses amants tout le mérite d'Artamène, et leur relâcher quelque chose, surtout ce respect outré qu'il avait pour sa maîtresse
, Fontenelle, Lett. gal. II, 7.De deux grands empereurs, Adrien et Sévère, l'un établit la discipline militaire, l'autre la relâcha
, Montesquieu, Rom. 16.Relâcher à, faire qu'on se laisse aller à, par une sorte de relâchement.
Et quand le souvenir d'avoir le mieux vécu Relâche la ferveur à quelque vaine gloire, Qui s'assure de vaincre est aisément vaincu
, Corneille, Imit. I, 25.Que dis-tu de me voir tomber si promptement De toute la chaleur de mon ressentiment, Et, malgré tant d'éclat, relâcher mon courage Au pardon trop honteux d'un si cruel outrage ?
Molière, D. Garcie, III, 1. - 4Diminuer, ôter.
Lorsque je relâche quelque chose de mon attention
, Descartes, Médit. III, 20.Rodrigue suit ici son devoir sans rien relâcher de sa passion
, Corneille, Cid, Exam. - 5Renoncer en partie à…, remettre quelque chose de ses droits, de ses prétentions. Je lui ai relâché la moitié de ce qu'il me devait.
On ne se figure plus être si fort au-dessus de l'agresseur, on n'est plus si persuadé qu'il doive nous relâcher tout et condescendre à toutes nos volontés
, Bourdaloue, Car. I, Pensées de la mort, 21.Rebuté des affaires et des procès dont son esprit était incapable, il relâcha ce qu'on voulut, et crut que c'était un gain que de savoir perdre
, Fléchier, duc de Montaus.Je répondais que je saurais bien tenir les peuples dans leur devoir, en me faisant aimer d'eux ; en ne relâchant rien de mon autorité, quoique je les soulageasse
, Fénelon, Tél. XII. - 6Laisser aller, remettre en liberté.
Antigone, ayant appris la détention de son père, fut pénétré de la plus vive douleur, et écrivit à tous les rois et à Séleucus lui-même, pour le prier de relâcher Démétrius, s'offrant en otage pour lui
, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. VII, p. 294, dans POUGENS.Philippe le Long, à peine roi de France, avait assemblé les cardinaux dans cette ville libre [Lyon] ; et, après leur avoir juré qu'il ne leur ferait aucune violence, il les avait enfermés tous et ne les avait relâchés qu'après la nomination de Jean XXII
, Voltaire, Mœurs, 68.Fig.
Et la mort, en grondant, a relâché sa proie
, Delille, Parad. perdu, XI.Terme de marine. Relâcher un navire, c'est, après l'avoir arrêté, lui laisser la faculté de reprendre sa route.
- 7 V. n. Rabattre de sa première exactitude, ardeur, sévérité, etc.
J'ai honte que mon cœur, auprès d'elle attaché, De son ardeur pour vous ait souvent relâché
, Corneille, Clit. V, 1.Il [Mazarin] relâcha même beaucoup de la morgue des cardinaux les plus ordinaires
, Retz, Mém. t. I, liv. II, p. 97, dans POUGENS.Si nos pères n'eussent un peu relâché de la sévérité de la religion pour s'accommoder à la faiblesse des hommes
, Pascal, Prov. VII.Ayez affaire à de pauvres gens chargés d'une grande famille, souvent vous les trouverez droits, modérés, capables de relâcher pour la paix et d'une facile composition
, Bossuet, Sermons, Oblig. ét. relig. 2.La nature, en cette occasion [en temps de peste], relâche beaucoup de ses droits et de ses obligations ordinaires
, Fléchier, Duch. de Mont.Et vous avez pu voir Combien je relâchais pour vous de mon devoir
, Racine, Andr. III, 2.Il faudra disputer, contester, conjurer, s'insinuer, relâcher même des règles, pour vous faire agréer les remèdes
, Massillon, Carême, Passion. - 8 Terme de marine. Discontinuer le cours de sa navigation, pour mouiller dans quelque lieu sûr, lorsqu'on y est forcé par le mauvais temps ou engagé par d'autres raisons.
Pendant notre navigation les vents nous ont contraints de relâcher dans l'île de Cypre
, Fénelon, Tél. IV.On relâcha en Corse et à Monaco à cause d'une tempête et surtout de la flotte anglaise
, Voltaire, Louis XV, 21.Houtman reconnut les côtes d'Afrique et du Brésil, s'arrêta à Madagascar, relâcha aux Maldives, et se rendit aux îles de la Sonde
, Raynal, Hist. phil. II, 3.C'est sûrement un grand bien pour les équipages de faire le tour du monde sans relâcher à O-Taïti
, La Pérouse, Voy. t. IV, p. 224.Fig. et absolument.
Mais quoi ! ma barque vagabonde Est dans les Syrtes bien avant ; …Je ferai mieux de relâcher, Et borner le soin de te plaire Par la crainte de te fâcher
, Malherbe, IV, 5. - 9Terme employé par les pêcheurs pour dire que les anguilles descendent les rivières ou s'abandonnent au cours de l'eau.
- 10Se relâcher, v. réfl. Être détendu. Des cordes qui se relâchent.
Le temps se relâche, il s'adoucit.
- 11Il se dit des choses qui perdent de leur force, de leur activité.
Il paraît que la fièvre de ce pauvre chevalier s'est relâchée, et lui a donné un jour de repos
, Sévigné, 588.La prospérité a attiré les pertes, la grandeur est venue, et la discipline s'est relâchée
, Bossuet, Sermons, Église, 3.Mais sa haine, sur vous autrefois attachée, Ou s'est évanouie, ou s'est bien relâchée
, Racine, Phèd. I, 1.Insensiblement, cette désolation à laquelle je m'étais abandonnée se relâcha
, Marivaux, Marianne, part. 6.Avec ellipse du pronom réfléchi.
Distrait par un autre attachement, je sentis relâcher le mien pour elle
, Rousseau, Conf. VIII. - 12Rabattre de la première ardeur, exactitude, sévérité, etc.
Je n'entends plus un lâche Qui dès le premier pas chancelle et se relâche
, Rotrou, St Gen. III, 4.Il y a des hommes qui s'exposent volontiers au commencement d'une action, et qui se relâchent et se rebutent par sa durée
, La Rochefoucauld, Réfl. mor. n° 215.Quelque violence que lui pût faire sa passion, il est certain qu'elle [Chimène] ne devait point se relâcher dans la vengeance de la mort de son père
, Acad. Sentim. Cid.Il [un Juif annonçant la ruine de Jérusalem] continua durant sept ans à crier de cette sorte sans se relâcher, et sans que sa voix s'affaiblît
, Bossuet, Hist. II, 8.M. de Lamoignon jamais ne se démentit, jamais ne se relâcha
, Fléchier, Lamoignon.Ses travaux [de Pierre le Grand], dont il ne se relâcha jamais, augmentèrent son mal et hâtèrent sa fin
, Voltaire, Russie, II, 17.Ces anciens philosophes étaient outrés dans leurs préceptes, parce qu'ils savaient par expérience qu'on se relâche toujours assez dans la pratique
, Diderot, Opin. des anc. phil. (cynique, secte).Se relâcher à, se laisser aller à.
Il y a des gens de bien qui, examinant la vie de saint Thomas de Cantorbéry, sont portés à croire qu'il aurait pu, sans violer les lois de l'Église, se relâcher à beaucoup de choses que le roi Henri II désirait de lui
, Nicole, Contin. des Essais, 8e tr. chap. 5.Avec ellipse du pronom réfléchi.
Et ce qu'il leur prescrit d'user de prudence, sachez et entendez, ô pécheurs, que ce n'est pas pour les faire relâcher à cette condescendance molle et languissante que votre cœur insensible et impénitent exige d'eux
, Bossuet, Sermon pour le mardi de la Passion, 2. - 13Céder de ses droits, de ses prétentions.
Relâchez-vous un peu des droits de la naissance
, Molière, Tart. IV, 3.Ne vous relâchez pas ; et faites bien en sorte D'empêcher que sur vous ma mère ne l'emporte
, Molière, Femm. sav. V, 2.Pour la paix du pape, l'abbé Bigorre nous assure qu'elle n'est point du tout prête, que le saint père ne se relâche sur rien
, Sévigné, 510.Le pape, traîné d'exil en exil, et toujours durement traité par l'empereur, meurt enfin parmi les souffrances, sans se plaindre ni se relâcher de ce qu'il doit à son ministère
, Bossuet, Hist. I, 11.Saint Louis, se relâchant volontiers sur les injures qui n'attaquaient que sa personne royale
, Bourdaloue, Serm. Dim. t. II, p. 37, Soin des domestiques.Représentez-vous cette île fameuse où deux hommes chargés des intérêts et du destin des deux nations [Espagne et France]… tantôt se soutenant avec grandeur, tantôt se relâchant avec prudence…
, Fléchier, Mar.-Thér.Elle [la véritable grandeur] s'abandonne quelquefois, se néglige, se relâche de ses avantages, toujours en pouvoir de les reprendre et de les faire valoir
, La Bruyère, II.Ils me demandèrent toujours trente tomans, et ne se relâchèrent jamais d'un seul
, Montesquieu, Lett. pers. 67.L'empereur… étouffe pour quelque temps les troubles naissants, en accordant… tout ce que les protestants demandent… on ne pouvait se relâcher davantage ; c'était aux Turcs que les luthériens devaient cette indulgence
, Voltaire, Ann. Emp Charles-Quint, 1532.Avec ellipse du pronom réfléchi.
Que sa bonté l'ait fait relâcher de ses droits aux dépens de sa justice
, Bourdaloue, Car. III, Conv. de Magd. 120.Se relâcher de, être moins sévère.
La loi de Moïse était bien rude [au sujet des esclaves]… quel peuple que celui où il fallait que la loi civile se relâchât de la loi naturelle !
Montesquieu, Esp. XV, 17. - 14Se livrer à un délassement.
L'esprit se relâchait, pendant que les mains industrieusement occupées s'exerçaient dans des ouvrages dont la piété avait donné le dessin
, Bossuet, Anne de Gonz.
HISTORIQUE
XIIIe s. Esgarde, Dieus, m'umilitei, Et relaixe iniquitei
, Psaumes en vers, dans Liber psalm. p. 277. Il pechierent encore après ce que Dieux les relacha de tormenter
, Psautier, f° 94.
XVIe s. Au baptesme toutes les peines temporelles des pechez nous sont relaschées [remises]
, Calvin, Instit. 508. Tout cela destrempe et relasche cette soudure fraternelle
, Montaigne, I, 208. Ils ayment mieulx la mort que de relascher un seul poinct d'une grandeur de courage invincible
, Montaigne, I, 241. Touts les navires qui relaschoient du port de Pyrée y abordoient
, Montaigne, II, 220. Soliman… ayant sceu que Mercurin et les habitans de Castro estoient detenus prisonniers… manda qu'on les relaschast
, Montaigne, III, 53. Pericles, relaschant encore plus alors la bride au peuple, faisoit toutes choses pour luy aggreer et complaire
, Amyot, Péric. 22. Il relascha à tous les habitans de l'Asie le tiers des tributs qu'ilz payoient
, Amyot, Cés. 62. Appliquer lenitifs, à fin de relascher et rarefier les parties
, Paré, V, 8. Quelquesfois aussi les accidens se relaschent
, Paré, XXIV, 18.
ÉTYMOLOGIE
Re…, et lâcher ; provenç. relaxar, relachar ; espagn. relaxar ; ital. rilassare.