« refroidir », définition dans le dictionnaire Littré

refroidir

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refroidir

(re-froi-dir) v. a.
  • 1Rendre froid. L'un [souffler froid] refroidit mon potage ; L'autre [souffler chaud] réchauffe ma main, La Fontaine, Fabl. V, 7. Il faut un an pour refroidir une lave de deux cents pieds d'épaisseur assez pour qu'on puisse la toucher sans se brûler à un pied de profondeur, Buffon, Addit. théor. terre Œuv. t. XIII, p. 149.
  • 2 Fig. Diminuer l'ardeur, l'activité. Mais si la pesanteur d'une charge si grande Résiste à mon audace, et me la refroidit, Malherbe, IV, 4. Ceci pourrait suffire à refroidir une âme, Régnier, Sat. XI. Le plus violent bouillon de mon zèle serait refroidi par la seule crainte de vous fâcher et de contester avec vous, Sévigné, à Guitaut, 9 févr. 1683. Quelquefois, le dirai-je ? un remords légitime Au fort de mon ardeur vient refroidir ma rime, Boileau, Au roi, Ép. VIII. Cet affront donna du courage à ses ennemis, et refroidit l'affection de ses alliés, Rollin, Hist. anc. Œuvr. t. IX, p. 198, dans POUGENS. Vous-même qui vous plaignez que les croix dont le Seigneur vous afflige, vous découragent et vous refroidissent sur le désir de travailler à votre salut…, Massillon, Avent, Afflict. Vous verrez des âmes que la miséricorde de Dieu a rappelées de l'égarement… en renversant une fortune établie, en refroidissant une faveur enviée, Massillon, ib. Britannicus est empoisonné ; mais que devient Junie ? c'est cet éclaircissement qui allonge et refroidit le cinquième acte de Britannicus, Marmontel, Œuv. t. V, p. 36. User de ses droits refroidit le cœur plus que les prétentions injustes, Staël, Corinne, XX, 4.

    Absolument. Quand l'amour n'émeut pas, il refroidit, Voltaire, Mérope, Lett.

  • 3 V. n. Devenir froid. Une d'elles [demoiselles] soufflera le fourneau, et l'autre ne fera autre chose que mettre du sirop sur des assiettes pour le faire refroidir et me l'apporter de temps en temps, Voiture, Lett. 9. Un engourdissement général saisit les membres d'Atala, et les extrémités de son corps commencèrent à refroidir, Chateaubriand, Atala, le drame.

    Fig. Les siècles qui ont vu refroidir le zèle des chrétiens sur tous les autres devoirs de la religion, n'ont pu, ce semble, le ralentir sur celui-ci [entendre la parole de Dieu], Massillon, Carême, Parole. Avez-vous fait l'estampe des Calas ? il ne faut pas laisser refroidir la chaleur du public ; il oublie vite, et il passe aisément du procès des Calas à l'Opéra-Comique, Voltaire, Lett. Damilaville, 7 juin 1765.

    Familièrement. Laisser refroidir une chose, ne pas la faire sur-le-champ. Je voudrais bien, ma fille, que vous n'eussiez pas laissé refroidir la réponse de la bonne princesse [de Tarente] ; vous m'eussiez fait un grand plaisir d'entrer un peu vite dans toute la reconnaissance que je lui dois, Sévigné, 15 mars 1676. M. de Marsillac, à présent M. de la Rochefoucauld [après la mort de son père]… ne trouvez-vous pas que le nom de la Rochefoucauld est quasi aussi chaud à prendre que celui de monsieur d'Aleth [un pieux évêque] ? M. de Marsillac voulait le laisser refroidir ; mais le public ne l'a pas voulu, Sévigné, 26 mars 1680.

    Refroidir, v. n. Se conjugue avec le verbe avoir pour signifier l'action : Le bouillon a refroidi pendant que vous veniez ; avec le verbe être pour marquer l'état : Le bouillon est refroidi depuis longtemps.

  • 4Se refroidir, v. réfl. Devenir froid. Le dîner se refroidit ; voilà M. Fréret qui arrive ; mettons-nous à table, Voltaire, Dial. XXVI, 2. On conte qu'une certaine comète, passant auprès de cet astre [le soleil], devint deux mille fois plus brûlante que le fer rouge, et ne put se refroidir qu'en cinquante mille années, Voltaire, Dial. XXIX, 10. L'or et le plomb, qui sont beaucoup plus denses que le fer et le cuivre, néanmoins s'échauffent et se refroidissent beaucoup plus vite, Buffon, Hist. min. Introd. Œuvr. t. VI, p. 242. Le corps noirci se refroidit constamment plus vite que le corps poli, Rumford, Instit. Mém. scienc. t. VI, p. 93.
  • 5Fig N'avoir plus la même ardeur. Le lendemain, le courage de ceux d'Othon s'étant refroidi, ils dépêchèrent vers les Vitelliens, Perrot D'Ablancourt, Tacite, Hist. II, 11. Je reçois votre lettre ; elle me ravit ; ne craignez pas, ma bonne, que ma joie se refroidisse ; elle a un fond si chaud qu'elle ne peut être tiède, Sévigné, 5 févr. 1674. Pendant que la charité se refroidissait partout ailleurs, Bossuet, Polit. VII, VI, 14. Ils se refroidissent bientôt pour les expressions et les termes qu'ils ont le plus aimés, La Bruyère, I. Si vous vous refroidissez, Dieu se refroidit à son tour, Massillon, Carême, Tiéd. II. Pourquoi notre siècle, en se refroidissant sur l'églogue, semble-t-il se refroidir aussi sur le genre le plus opposé au bucolique, sur le genre de l'ode ? D'Alembert, Réfl. sur la poés. Œuvr. t. IV, p. 106, dans POUGENS. Je sentais mon talent se refroidir, Staël, Corinne, XIV, 1. Notre amitié s'est depuis refroidie, Chénier M. J. Gracques, I, 5.

HISTORIQUE

XIe s. Et par ces prez les laissez [les chevaux] refreider, Ch. de Rol. CLXXVII.

XIIe s. Iluec curreit une ewe de mestier en mestier : Là se baignout les seirs [les soirs] pur sa char refreidier, Th. le mart. 94.

XIIIe s. Ne vous lessiés pas refroidir, Ne trop vos membres enroidir, la Rose, 19897. Enfans, qui les flors alés querre Et les freses naissans sus terre, Li mau serpent refroidissant, Qui se vet ici tapissant… Pensez, enfans, de l'eschever [esquiver], ib. 16799. Se la desevrance [séparation] dure trop longuement, elle fait refroidir et oblier l'amistié, Latini, Trésor, p. 312.

XIVe s. Li Gaules, pour cause de l'interposicion de la nuit, avoient jà aucunement refredi leurs courages de l'ardeur de la bataille, Bercheure, f° 112. Et après, quant vient as perilz et leur premier mouvement est passé et reffroidi ou destaint comme une legiere flamme…, Oresme, Eth. 82.

XVe s. Si se refroida grandement de cette croix emprise et preschée…, Froissart, I, I, 63. Marchandises par mer [le commerce par mer] en estoient refroidies et toutes perdues, Froissart, II, II, 239. Ils se vouloient entre-tuer ; mais les sergents les menerent refroidir en prison, Louis XI, Nouv. XCII.

XVIe s. Il luy refroidira l'envie de s'attacher au prince aultrement que par un debvoir publicque, Montaigne, I, 167. Ce cry refroidit un peu la chaleur de ceulx qui avoient bonne envie de combatre, Amyot, Alc. 61. Il appercevoit que les alliez et confederez qu'il avoit en Italie se refroidissoient, Amyot, Pyrrh. 48.

ÉTYMOLOGIE

Re…, et froid ; wallon, rifrendi ; Berry, rafrédir, raferdir, refrédir, refredzir ; provenç. refreidar, refreydir, refregir, refrezir ; espagn. resfriar et refreir ; ital. raffreddare et rifriggere L'ancienne langue avait deux conjugaisons de ce verbe, refroidier et refroidir.