« glace », définition dans le dictionnaire Littré
Définition dans d'autres dictionnaires :
glace
- 1Eau congelée, solidifiée par le froid.
Là certes le sommeil à la crainte fait place, Et je me suis trouvée aussi froide que glace
, Mairet, Sophon. v, 4.Il fait, dit-elle, un temps froid comme glace
, La Fontaine, Court.Rien ne peut arrêter sa vigilante audace : L'été n'a point de feux ; l'hiver n'a point de glace
, Boileau, Lutr. II.La glace et le feu sont les éléments de la mort ; la chaleur tempérée est le premier germe de la vie
, Buffon, Quadrup. t. IV, XXIX, dans POUGENS.Avant la publication de l'excellent écrit de l'illustre Mairan sur la formation de la glace, on était bien loin de soupçonner tout ce que ce phénomène si commun renferme de curieux
, Bonnet, Contempl. nat. Œuv. t. VIII, p. 212, note 13, dans POUGENS.Rustan descend : d'un pied il touche encor la glace, L'autre foule déjà les tapis verdoyants ; D'un pas le chevalier a franchi tout l'espace Qui sépare en ces lieux l'hiver et le printemps
, Masson, Helv. II.Enfin, vers minuit, le passage a commencé ; mais les premiers qui s'éloignent du bord avertissent que la glace plie sous eux, qu'elle s'enfonce, qu'ils marchent dans l'eau jusqu'aux genoux ; et bientôt on entend ce frêle appui se fendre avec des craquements effroyables qui se prolongent au loin comme dans une débâcle
, Ségur, Hist. de Nap. x, 9.Il y eut des endroits où il fallut franchir de larges crevasses et sauter d'une glace à l'autre, au risque de tomber entre deux et de disparaître pour jamais
, Ségur, ib.Leur chef voulut alors tenter le passage de quelques voitures chargées de ces malheureux [les blessés] ; mais, au milieu du fleuve, la glace s'affaissa et s'entr'ouvrit
, Ségur, ib.Et réellement, dès qu'épuisés ils s'arrêtaient un instant, l'hiver, appesantissant sur eux sa main de glace, se saisissait de cette proie
, Ségur, ib. XII, 2.On était parvenu à faire prendre les armes à une division napolitaine ; on la fit même sortir de la ville ; mais les fusils s'échappèrent des mains de ces hommes transplantés d'un sol brûlant dans une région de glace ; en moins d'une heure tous rentrèrent désarmés, et la plupart estropiés
, Ségur, ib. XII, 3.Les soldats du 4e régiment coururent en furieux contre l'ennemi, contre la montagne de neige et de glace dont il était le maître et contre l'ouragan du nord, car ils avaient tout contre eux
, Ségur, ib. IX, 13.Salut ! brillants sommets, champs de neige et de glace, Vous qui d'aucun mortel n'avez gardé la trace, Vous que le regard même aborde avec effroi
, Lamartine, Méd. II, 13.Glaces de fond, glaces qui se forment au fond des rivières et qui deviennent ensuite glaçons flottants.
Glaces flottantes, ou, simplement, glaces, pièces de glace qui se détachent des côtes des régions polaires, et qui, flottant dans la mer, vont échouer au loin.
Le lendemain on vit une autre glace évaluée à 56 mètres de hauteur visible
, Rev. de l'inst. publ. 19 déc. 1861, p. 606.Glace bleue, glace se produisant dans les glaciers avec la couleur bleue sous la forme de bandes alternant avec des bandes de glace blanche.
Ferrer un cheval à glace, le ferrer avec des fers cramponnés pour empêcher qu'il ne glisse.
Fig. Être ferré à glace sur une matière, y être fort et très capable de s'y défendre.
Rompre la glace, la casser ; et fig. hasarder une démarche hardie, entamer une explication délicate, être le premier à traiter un sujet.
Un médecin d'Angleterre [Harvey], auquel il faut donner la louange d'avoir rompu la glace en cet endroit [la circulation du sang], et d'être le premier qui a enseigné…
, Descartes, Méth. v, 7.Le baron de Beauvais était fin courtisan et gâté, mais ami à rompre des glaces auprès du roi avec succès
, Saint-Simon, 14, 159.Fais comme tu voudras [tutoie-moi, si tu veux], Bourguignon, voilà la glace rompue, puisque cela divertit ces messieurs
, Marivaux, Jeux de l'am. et du has. I, 6. - 2La glace que l'on emploie pour remédier à certains états maladifs. Mettre de la glace sur la tête d'un malade.
La glace qu'on emploie pour rafraîchir les boissons.
Par le chaud qu'il faisait nous n'avions point de glace ; Point de glace, bon Dieu ! dans le fort de l'été, Au mois de juin !…
, Boileau, Sat. III.Glace frite, glace préparée par les cuisiniers chinois qui ont un secret pour la faire frire, et qui utilisent pour cela un phénomène de physique où une incandescence extérieure n'empêche pas le froid de se conserver en dedans.
- 3Il se dit particulièrement du degré qui, dans les thermomètres, indique le point de congélation et est marqué d'un zéro, parce que c'est de ce degré que l'on commence à compter en dessus ou en dessous. Le thermomètre est à deux degrés au-dessus de glace ; à dix degrés au-dessous de glace.
- 4 Fig. Froid intérieur causé par des impressions morales, par l'âge.
A ces mots tombant sur la place Transi d'une mortelle glace
, Malherbe, V, 20.Quand l'âge dans mes nerfs a fait couler sa glace
, Corneille, Cid, I, 3.Et toi, de mes exploits glorieux instrument, Mais d'un corps tout de glace inutile ornement, Fer jadis tant à craindre…
, Corneille, Cid. I, 7.Je ne sais quel malheur aujourd'hui me menace Et coule dans ma joie une secrète glace
, Corneille, Rodog. I, 5.Il ne sent plus le poids ni les glaces de l'âge
, Boileau, Lutr. V.L'amour s'éteint sous les glaces de l'âge
, Rousseau, Hél. II, 20. - 5 Fig. Insensibilité, indifférence.
De ces beautés dont les appas Ne sont que rigueur et que glace
, Malherbe, IV, 5.C'est bien un courage de glace Où la pitié n'a point de place
, Malherbe, V, 10.Ses flammes d'aujourd'hui seront glaces demain
, Malherbe, VI, 25.Ne soyez plus de glace à qui brûle pour vous
, Corneille, Mél. I, 2.Cette indiscrète ardeur tourne bientôt en glace
, Corneille, Poly. III, 3.Sa prison a rendu le peuple tout de glace
, Corneille, Héracl. IV, 1.Et je verrai toujours votre cœur plein de glace
, Corneille, Sertor. III, 4.L'homme est de glace aux vérités ; Il est de feu pour le mensonge
, La Fontaine, Fabl. IX, 6.Toujours à vous louer il a paru de glace
, Molière, Fem. sav. IV, 2.Lorsque nos cœurs sont de glace pour les vains plaisirs, nos mains immobiles pour les rapines, nos yeux fermés pour les vanités
, Bossuet, Sermons, Jubilé, Pénit. 3.Il a plu à Dieu de se faire aimer ; et, comme il a vu la nature humaine toute de glace pour lui, toute de flamme pour d'autres objets…
, Bossuet, 2e sermon, Annonciat. préambule.Qui n'eut jamais pour Dieu que glace et que froideur
, Boileau, Épître XI.Quand je suis tout de feu, d'où vous vient cette glace ?
Racine, Phèdre, v, 1.Être à la glace, se dit des ouvrages d'esprit qui glacent le lecteur ou le spectateur, qui le laissent sans émotion.
Si Corneille avait suivi dans le Cid le plan de l'Académie, le Cid était à la glace
, Voltaire, Lett. d'Argental, 4 oct. 1760.Oui, en vérité, mon cher maître, notre théâtre est à la glace ; il n'y a dans la plupart de nos tragédies, ni vérité, ni chaleur, ni action, ni dialogue
, D'Alembert, Lett. à Voltaire, 31 octobre 1761. - 6Certaine froideur qui paraît dans les manières et les actions.
Vous ne me dites rien ! quel accueil ! quelle glace ! Est-ce ainsi que vos yeux consolent ma disgrâce ?
Racine, Brit. II, 6.Est-ce Euthycrate que vous abordez ? quelle glace pour vous !
La Bruyère, XI.Jamais ni M. ni Mme de Chevreuse ne purent fondre à leur égard les glaces de M. et Mme de Chaulnes
, Saint-Simon, 27, 58. - 7Sorte de sorbet à la glace. Glace à la vanille. Les glaces furent faites pour la première fois à Paris, en 1660, par l'Italien Procope. Prendre une glace.
En ce sens, glace n'est dans le Dictionnaire de l'Académie qu'à partir de 1762 et au pluriel. D'après Mme de Genlis, on disait bien prendre des glaces, mais non prendre une glace ; il fallait dire : j'ai pris une ou plusieurs tasses de glaces, Mém. t. V, p. 91, éd. 1825. Cette remarque, qui venait de ce que glace n'était dans le dictionnaire qu'au pluriel, n'a plus de raison d'être aujourd'hui.
Demi-glace, la moitié d'une glace.
- 8 Terme de cuisine. Jus de viande ou fond de cuisson réduit jusqu'à ce que la partie aqueuse en soit assez évaporée pour que le jus ait une consistance tremblante. Filet de bœuf sauté dans sa glace.
- 9 Terme de confiseur. Espèce de vernis fait de sucre et de blanc d'œuf, dont on recouvre certaines pâtisseries.
- 10Plaques de verre, de cristal dont on fait des miroirs. Couler une glace. Étamer une glace.
Il se dit particulièrement des miroirs de grande dimension. Appartement orné de glaces.
Une belle glace de nos manufactures orne nos maisons à bien moins de frais que les petites glaces qu'on tirait de Venise
, Voltaire, Louis XIV, 30.Vous vous regardez quelquefois au miroir, c'est à Venise que vous devez les glaces
, Voltaire, Disc. aux Velches.Dans le satin de ce boudoir Vous souriez à mille glaces
, Béranger, Rosette.Fig.
Les ans terniront cette glace, Où la nature te retrace Les merveilles du saint des saints
, Lamartine, Harm. I, 1. - 11Plaques de verre de grande dimension que l'on met dans des fenêtres, dans des portes.
On la fit entrer dans un salon au rez-de-chaussée, dont les portes de glaces donnaient sur un jardin
, Genlis, Mlle de Clermont, p. 93, dans POUGENS.Terme d'architecture. Panneau à glace, panneau plan dans un lambris, dans une porte de menuiserie.
- 12Châssis mobile et vitré d'une voiture. Lever la glace, les glaces d'une voiture.
Nous avons baissé les glaces
, Sévigné, 425.Il n'y a point [maintenant] de capitaine de cavalerie qui ne fasse le voyage en chaise de poste avec des glaces et des ressorts
, Voltaire, Louis XIV, 8. - 13Il se dit d'un beau verre de montre.
Elle brisait régulièrement tous les jours un éventail, et cassait le grand ressort et la glace de sa montre
, Genlis, Veillées du chât. t. I, p. 209. - 14 Terme de joaillier. Espèce de petit nuage qui empêche les pierreries de paraître nettes et transparentes.
Dans un diamant, tache qui en diminue beaucoup la valeur.
- 15Pomme de glace, espèce de pomme peu estimée.
REMARQUE
On dit : être froid comme glace, être uni comme glace ; et non être froid comme la glace, être uni comme la glace. Du moins l'usage supprime l'article ; mais il n'y aurait pas de faute à l'employer : Ses pieds sont froids comme la glace.
HISTORIQUE
XIIe s. Et vos [votre] douz front qui plus est clair que glace
, Couci, X.
XIVe s. Il se fait boin fier en elles vraiement, Autretant que sus glache qui sor une nuit prent
, Baud. de Seb. III, 402.
XVIe s. Les seigneurs d'Espagne le prierent un jour de vouloir un peu rompre la glace
, Mém. s. du G. ch. 14. Desir m'enflamme, et crainte me rend glace
, Du Bellay, J. II, 14, recto. Sus, chauds souspirs, allez à ce froid cœur, Rompez ce glas qui ma poitrine enflamme
, Du Bellay, J. II, 24, verso. Et fut le poison, à ce qu'ilz disent, une eaue froide comme glas qui distille d'une roche estant au territoire de la ville de Nonacris
, Amyot, Alex. 123. De là ne pouvant plus assieger, au temps que les glaces ne portoient pas
, D'Aubigné, Hist. II, 214. Qui peut nier que ceux qui ont escrit les premiers, n'aient beaucoup fait, seulement en montrant le chemin et rompant la glace aux autres ?
De Serres, Préf. …Et tousjours la glace eternelle Des fleuves ne bride le cours
, Ronsard, 500.
ÉTYMOLOGIE
Bourguign. glaice ; provenç. glas, glatz, s. m. ; glassa, glacha, s. f. ; catal. glas ; ital. ghiaccia, ghiaccio ; du latin glacies, se rattachant à gelu et au sanscrit jala, qui signifie froid et eau.
SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE
GLACE. - HIST.XIVe s. Ajoutez : Le glas du [de la] gellée
, Rev. critique 5° année, 2e semestre, p. 388.