« glacer », définition dans le dictionnaire Littré

glacer

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

glacer

(gla-sé. Le c prend une cédille devant a et o : je glaçais, nous glaçons) v. a.
  • 1Changer en glace les liquides. Le grand froid glace le vin même. Le fleuve était pris, il portait : le cours des glaçons que jusque-là il charriait, s'était suspendu ; l'hiver avait achevé de le glacer ; et c'était sur ce point seulement ; au-dessus et au-dessous, sa surface était mobile encore, Ségur, Hist. de Nap. x, 8.
  • 2 Par extension, causer une vive sensation de froid. Ce vent glace le visage. La vie est-elle toute aux ennuis condamnée ? L'hiver ne glace point tous les mois de l'année, Chénier, Élég. XXVII.
  • 3 Fig. Il se dit de la mort qui éteint la chaleur naturelle, de l'âge qui la diminue. Tandis que dans son sein votre bras enfoncé Cherche un reste de sang que l'âge avait glacé, Racine, Andr. IV, 5. L'approche de la mort Glaça sa faible main…, Voltaire, Sémir. IV, 2.

    Un cœur que les ans ont glacé, un cœur à qui l'âge a fait perdre de sa sensibilité. Ce cœur triste et flétri que les ans ont glacé, Voltaire, Fanat. I, 1.

  • 4Causer de la répulsion par le froid des manières. Son abord glace les gens.

    Causer le froid de l'ennui. J'aime mieux Bergerac et sa burlesque audace Que ces vers où Motin se morfond et nous glace, Boileau, Art p. IV.

    Absolument. Cet orateur a un débit qui glace, c'est-à-dire dont la monotonie fatigue et ennuie.

  • 5Causer une profonde impression morale qui glace, qui pétrifie. Voici ce qui glacera le cœur, ce qui achèvera d'éteindre la voix, ce qui répandra la frayeur dans toutes les veines : je m'en vais voir comment Dieu me traitera, Bossuet, Anne de Gonz. L'approche d'un combat qui le glaçait d'effroi, Racine, Théb. III, 3. Les amis de mon père Sont autant d'inconnus que glace ma misère, Racine, Brit. I, 4. Pourquoi frémir ? et quel trouble soudain Me glace à cet objet, et fait trembler ma main ? Racine, Bajaz. IV, 5. Les Romains, qui partout l'appuyaient par des cris, Ont, par ce bruit fatal, glacé tous les esprits, Racine, Mithr. v, 4. Ses froids embrassements ont glacé ma tendresse, Racine, Phèdre, IV, 1. Le remords au dedans le glace, Racine, Esth. II, 9. Quoi ! la peur a glacé mes indignes soldats ! Racine, Athal. V, 5. Par ces doutes affreux vous me glacez d'horreur, Lamotte, Inès, III, 6. Vous me glacez de crainte en me parlant d'amour, Voltaire, Zaïre, IV, 6. Toujours un froid mortel glace mon courage, Rousseau, Hél. I, 2. Cent présages affreux la glacent d'épouvante, Delille, Énéide, IV. L'effroi dans tous les cœurs a glacé la vertu, Delavigne, Vêpr. sicil. III, 7.

    Fig. Glacer le sang, causer une émotion pénible et si forte que le mouvement du sang en semble arrêté. Dont la seule présence glaçait le sang dans les veines des suppliants, Massillon, Pet. car. Hum.

    Glacer l'esprit, lui ôter la faculté de produire ses œuvres. Ai-je par un écrit Pétrifié sa veine et glacé son esprit ? Boileau, Sat. IX. Cette inquisition enchaîne et glace tous les esprits, D'Alembert, Lett. au roi de Pr. 3 nov. 1780.

    On dit de même : glacer l'imagination.

  • 6 Terme de peinture. Étendre une couleur légère et transparente sur une autre, pour lui donner de l'éclat.
  • 7Donner un apprêt, un lustre à certaines étoffes, au papier, etc.
  • 8Couvrir d'une couche de sucre. Glacer des oranges, des biscuits, des confitures.

    Couvrir certains mets d'une gelée de viande lisse et transparente. Glacer des viandes, des fricandeaux.

  • 9 Terme de tailleur. Glacer une doublure de taffetas sur une étoffe, coudre de telle sorte la doublure et l'étoffe que l'une et l'autre tiennent proprement et uniment ensemble.
  • 10Glacer un soulier, le cirer avec un cirage clair et luisant.
  • 11 V. n. Devenir glacé. Les sources d'eau vive ne glacent jamais.
  • 12Se glacer, V. réfl. Être congelé. La hauteur à laquelle les vapeurs se glacent est d'environ 2400 toises sous la zone torride, et, en France, de 1500 toises, Buffon, Addit. théor. terr. Œuv. t. XII, p. 436, dans POUGENS. Leur sang, se glaçant dans leurs veines, comme les eaux dans le cours des ruisseaux, alanguissait leur cœur, puis il refluait vers leur tête ; alors ces moribonds chancelaient comme dans un état d'ivresse, Ségur, Hist. de Nap. XII, 2.

    Fig. Tout mon sang de frayeur dans mes veines se glace, Mairet, Mort d'Asdr. IV, 5. Que si la frayeur nous saisit de sorte que le sang se glace si fort que le corps tombe en défaillance, Bossuet, Conn. III, 11. Je sentis dans mon corps tout mon sang se glacer, Racine, Iphig. I, 1. Mais sa langue en sa bouche à l'instant s'est glacée, Racine, Athal. II, 2.

    Fig. Se glacer, perdre de son feu, de son ardeur, de sa vigueur. Faudra-t-il sur sa gloire [de Louis XIV] attendre à m'exercer Que ma tremblante voix commence à se glacer ? Boileau, Épît. I.

HISTORIQUE

XIIe s. La rien [chose] qui plus el quor [cœur] me glace, Benoit de Sainte-Maure, II, 13886.

XIIIe s. Nostres sires Diex fait glacier l'eve à semblance de cristal, Psautier, f° 177.

ÉTYMOLOGIE

Glace ; provenç. glassar, glachar ; ital. ghiacciare. Glacer, glacier avait aussi, dans l'ancienne langue, le sens de glisser.