« avorter », définition dans le dictionnaire Littré
Définition dans d'autres dictionnaires :
avorter
- 1Accoucher avant terme.
Les femmes ne se faisaient-elles pas avorter, pour que leurs enfants n'eussent des maîtres aussi cruels ?
Montesquieu, Esp. XXIII, 11.La cruelle habitude où sont les femmes de se faire avorter, afin que leur grossesse ne les rende pas désagréables à leurs maris
, Montesquieu, Lett. pers. 120.En parlant des animaux, mettre bas avant le terme. Les brebis avortent fréquemment.
Fig.
L'autre avorte avant temps des œuvres qu'il conçoit
, Régnier, Sat. X.En parlant des fruits, ne pas se nouer, ne pas venir à maturité. Cette année, presque tous les boutons des poiriers ont avorté.
- 2 Fig. Ne pas réussir.
Le projet venant à avorter
, La Bruyère, 12.Dieu, pour le réserver à ses puissantes mains, Fait avorter exprès tous les moyens humains
, Corneille, Héracl. III, 3.Lui qui sait qu'aussitôt ces tumultes avortent
, Corneille, Othon, IV, 7.Voyant d'un temps si court leur puissance bornée, Des plus heureux desseins [ils] font avorter le fruit
, Corneille, Cinna, II, 1.Par quel amour de mère Pressez-vous tellement ma douleur contre un frère ? Prenez-vous intérêt à la faire éclater ? - J'en prends à la connaître et la faire avorter
, Corneille, Rodog. IV, 6.Tout mon dessein avorte au milieu du succès
, Corneille, ib. II, 8.Une disgrâce fit avorter toute sa bonne fortune
, Corneille, Ex. de D. San.Il est impossible que ce projet n'avorte pas au milieu de cette confusion
, Chateaubriand, Natch. III, 76.Venge-toi du forfait que tu fais avorter
, Rotrou, Bélisaire, I, 2.
REMARQUE
1. Avorter se conjugue avec l'auxiliaire avoir quand on veut exprimer l'acte même : cette femme a avorté hier ; ces projets ont avorté par sa faute ; et avec l'auxiliaire être, quand on veut marquer l'état : cette femme est avortée ; ses desseins sont avortés.
2. On a dit s'avorter, qui n'est plus usité. Leurs desseins tôt conçus se sont tôt avortés
, La Fontaine, Ode v.
C'est, comme on verra par l'historique, un archaïsme.
HISTORIQUE
XIIIe s. Que honiz soit qui vos porta, Quant ele [votre mère] ne vos avorta
, Ren. 8144. Car foy sans bien ouvrer avorte ; Foy sans bonnes euvres est morte
, J. de Meung, Tr. 522. Bien, amour et honeur faut par femme et avorte ; Ja femme n'amera, qui fine amour lui porte
, Chastie-musart.
XIVe s. Elle avoit eu plusieurs de ses enfans morsnez et abourtez
, Du Cange, abortire. Ne bailleront aucune medecine qui puisse faire abortir
, Ord. des rois de France, t. II, p. 533.
XVIe s. Ceste semence de raison ne pouvant durer contre les vices survenus, estouffée s'avorte
, Montaigne, IV, 354. Elle rend les arbres par où on la passe steriles, et y fait avorter les fruicts
, Amyot, Aratus, 40. Autrement, ils ne font qu'avorter la terre, et meurtrir les arbres
, Palissy, 25. Par tels efforcements lesdictes meres abortent
, Paré, t. II, p. 624. Ce breuvage sert aussi de remettre en vigueur la jument qui s'est avortée
, De Serres, 306.
ÉTYMOLOGIE
Provenç. abhortir, abordir ; espagn. abortar ; ital. abortire ; de abortire, de aborior, qui a la même signification, et qui vient de ab, indiquant défaut, manque, et de orior, naître, surgir (voy. ORIENT) : mot à mot mal naître.
SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE
AVORTER. - HIST. XIIIe s. Ajoutez : Se la jument sent l'odour et la fumée de la chandeille esteinte, elle aorterat
, Latini, Trésor, p. 242.