« arrêter », définition dans le dictionnaire Littré
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arrêter
- 1Empêcher d'avancer, de marcher, retenir. Arrêter un vaisseau. La flotte était arrêtée par le mauvais temps. La foule l'arrêta quelque temps à son entrée. Le retranchement arrêta l'ennemi. Il faut arrêter la pendule, pour la remettre à l'heure.
Dans la première enceinte il arrête ses pas
, Voltaire, Zaïre, I, 3.Ne partais-je pas, Si Titus, malgré moi, n'eût arrêté mes pas ?
Racine, Bérén. III, 4.Depuis trois ans dans Rome elle arrête vos pas
, Racine, ib. I, 3.Je me suis échappée Tandis qu'à l'arrêter sa mère est occupée
, Racine, Brit. III, 7.Il sait qu'en peu de jours Ces flots que rien n'arrête…
, Béranger, Exilé.L'hiver ne l'avait pas effrayée quand elle partit d'Angleterre ; l'hiver ne l'arrête pas, onze mois après, quand il faut retourner auprès du roi
, Bossuet, Reine d'Anglet.Quand ce grand Dieu a choisi quelqu'un pour être l'instrument de ses desseins, rien n'en arrête le cours
, Bossuet, ib.Lieux que j'aimai toujours, ne pourrai-je jamais, Loin du monde et du bruit, goûter l'ombre et le frais ? Oh ! qui m'arrêtera sous vos sombres asiles !
La Fontaine, Fab. XI, 14.Vous voilà donc parti pour la belle Italie ; je suppose que la galerie de Florence vous arrêtera longtemps
, Montesquieu, Corresp. 47. - 2Empêcher, en parlant des personnes et des choses. Chaque jour quelque chose m'arrête. On fut arrêté par la lettre du préfet. Que cela ne vous arrête pas. Aucune considération ne peut l'arrêter (l'empêcher d'agir comme il l'a résolu). Le chirurgien arrêta le sang qui coulait. Arrêter le feu ou l'incendie.
La difficulté qui arrêtait le roi
, Fénelon, Télém. XI.Ton insolent amour, qui croit m'épouvanter, Vient de hâter le coup que tu veux arrêter
, Racine, Iphig. IV, 7.L'audace d'une femme, arrêtant ce concours, En des jours ténébreux a changé ces beaux jours
, Racine, Athal. I, 1.Celui qui met un frein à la fureur des flots Sait aussi des méchants arrêter les complots
, Racine, ib.Ma fuite arrêtera vos discordes fatales
, Racine, Brit. III, 8.J'arrêtai de sa mort la nouvelle trop prompte
, Racine, ib. IV, 2.Deux mots de ta bouche arrêtent sa colère
, Corneille, Cid, II, 3.Ma bonté ne peut plus arrêter mon devoir
, Corneille, Héracl. I, 2.Vos lâches conseils, qui seuls ont arrêté Le bonheur renaissant de notre liberté
, Corneille, Cinna, III, 2.Il faut que Dieu, par sa puissance, assujettisse et lie, pour ainsi dire, cette convoitise indocile, pour arrêter ses contrariétés et ses répugnances
, Fléchier, Panég. II, p. 501.Il ne faut rien exposer aux yeux de notre bienfaiteur qui puisse arrêter ses grâces
, Massillon, Car. Prière, 2.Je ne sais qui m'arrête et retient mon courroux
, Racine, Iphig. IV, 1.Car enfin qui m'arrête ? et quelle autre assurance Demanderais-je encor de votre indifférence ?
Racine, Baj. II, 1.Arrêter avec un infinitif.
Je n'ai pas laissé d'en être un peu honteux, et cela m'a arrêté de vous écrire
, Voiture, Lettr. 196. - 3Maintenir, attacher, fixer. Les objets légers sont arrêtés par des poids. Arrêter ses regards sur quelque chose. Arrêtez ce volet que le vent fait battre. Arrêter un point en cousant, faire un nœud au bout d'une couture, pour que le fil n'échappe pas. Rien ne peut arrêter cet esprit frivole.
Arrêter les âmes les plus résolues et les moins nées à la servitude, faire naître en elles un amour qui…
, Voiture, Lettr. 4.Pensez-vous qu'oubliant ma fortune passée, Sur ma seule grandeur j'arrête ma pensée ?
Racine, Bérén. III, 1.Non, c'est trop sur Zaïre arrêter un soupçon
, Voltaire, Zaïre, III, 1.Je cherche à l'arrêter [le marier], parce qu'il m'est unique [fils unique]
, Corneille, Menteur, II, 1.Vous ne prétendiez point m'arrêter dans vos fers
, Racine, Andr. IV, 5.Ah ! si mon cœur osait encor se renflammer ! Ne sentirai-je plus de charme qui m'arrête ? Ai-je passé l'âge d'aimer ?
La Fontaine, Fab. IX, 2. - 4Régler, déterminer, décider, résoudre. Arrêter le prix du blé. On arrêta le lieu du rendez-vous. Il a été arrêté qu'on se réunirait chez vous.
Le ciel et Mahomet ainsi l'ont arrêté
, Voltaire, Fanat. IV, 3.Arrêter un compte, le régler d'une manière définitive. Arrêter un marché, le conclure.
- 5 En termes de peinture ou de composition littéraire, fixer les contours, les masses, les parties principales. Arrêter une esquisse.
- 6Saisir quelqu'un, le faire prisonnier. Il fit arrêter le chef. La police arrêta les perturbateurs.
Quelle cause les fit arrêter [le prince de Condé et son frère] ? Si ce fut ou des soupçons ou des vérités ou de vaines terreurs, qui le pourra dire à la postérité ?
Bossuet, Le Tellier. - 7S'assurer par précaution de quelqu'un ou de quelque chose. Arrêter un cuisinier. J'avais arrêté un logement.
Avez-vous arrêté un logis ?
Molière, Pourc. I, 5.Si tu veux me servir, je t'arrête avec moi
, Molière, l'Étour. II, 9. - 8Interrompre quelqu'un. Il m'arrêta là-dessus. En cet endroit il arrêta l'orateur.
Léandre, arrêtez là ce discours importun
, Molière, l'Étour. III, 3. - 9 Terme de chasse. Le chien a arrêté une compagnie de perdrix : il en a indiqué la présence en s'arrêtant, et il les tient immobiles devant lui.
Absolument. Ce chien arrête mal.
Qu'importe qu'il ait des chiens qui arrêtent bien ?
La Bruyère, 10. - 10Arrêter, exercer le vol sur les routes. Des voleurs ont arrêté la diligence. Ce voyageur a été arrêté.
Absolument. On arrête sur cette route.
- 11 En termes d'agriculture, couper la sommité d'une tige ou d'une branche, pour y suspendre la végétation.
- 12En termes judiciaires, saisir-arrêter, faire une saisie-arrêt ou opposition.
ARRÊTER, v. n.
- 13Cesser de marcher, faire halte. Nous arrêtâmes plusieurs jours à Bordeaux.
Car pour moi j'ai certaine affaire Qui ne me permet pas d'arrêter en chemin
, La Fontaine, Fab. III, 5.En parlant d'une voiture qu'on arrête.
En arrivant je fis arrêter à la grille
, Rousseau, Hél. IV, 6. - 14Demeurer dans un lieu.
Je ne puis arrêter Qu'un temps fort court, un mois, peut-être une semaine
, La Fontaine, Fab. VII, 6.Autant qu'il vous plaira, vous pouvez arrêter [rester], Madame, et là-dessus rien ne vous doit hâter
, Molière, Mis. III, 5. - 15Insister sur.
Mais moi, mon jugement, sans qu'aux marques j'arrête, Fut qu'il n'était que cerf à sa seconde tête
, Molière, Fâch. II, 7. - 16Cesser de parler, d'agir. Il n'arrête pas, il marche sans cesse, il travaille sans cesse.
Ces paroles Firent arrêter l'autre ; il recula d'un pas
, La Fontaine, Fab. X, 2.Qu'on arrête, dit-il ; le premier coup m'est dû
, Corneille, Héracl. V, 7.Qu'il meure, le perfide, - Arrêtez, ou ce bras en punit l'homicide
, Rotrou, Bélis. I, 2.Arrêtez, J'ignore quel projet, Burrhus, vous méditez
, Racine, Brit. III, 9.Cher Théramène, arrête, et respecte Thésée
, Racine, Phèd. I, 1.Arrêtez [attendez] un peu là
, Molière, l'Étour. II, 12. - 17 En termes de manége, arrêter et rendre, faire des demi-temps d'arrêt.
- 18 En termes d'escrime, prendre un coup d'arrêt.
S'ARRÊTER, v. réfl.
- 19Suspendre sa marche.
L'un et l'autre rival, s'arrêtant au passage, Se mesurent des yeux
, Boileau, Lutrin, V.Cesser d'aller. Ma montre s'est arrêtée.
Demeurer, se fixer.
Chez ces gens pour toujours il se fût arrêté
, La Fontaine, Fab. VII, 6.Fig. Ses regards ne s'arrêtaient en aucun endroit. Les suffrages ne s'arrêtèrent pas sur le plus digne.
Ma cruauté se lasse et ne peut s'arrêter
, Corneille, Cinna, IV, 3.Que l'effet de vos yeux s'arrêterait à votre imagination, sans passer jusqu'à votre jugement
, Voiture, Lettr. 187.Familièrement. S'arrêter en beau chemin, renoncer à une entreprise dont le succès paraît assuré.
Perdre le temps, s'amuser. Il s'arrête à tous les coins de rue.
Interrompre un voyage. Nous nous sommes arrêtés quinze jours à Genève.
- 20Cesser d'agir.
Arrêtez-vous, seigneur, et d'une âme apaisée Souffrez que je vous livre une vengeance aisée
, Corneille, Poly. V, 6.Cesser de parler. Il s'est brusquement arrêté au milieu de son récit.
- 21Se fixer, se déterminer. Après avoir écouté diverses propositions, il s'arrêta à la première.
Je veux l'ouïr ; mon choix s'arrête à ce témoin
, Racine, Mithr. III, 4.° Avoir égard, faire attention. Il s'arrêta à des apparences.
Quoi ! vous vous arrêtez aux songes d'une femme
, Corneille, Poly. I, 1.Je ne m'arrêtai point à ce bruit téméraire
, Racine, Mithr. II, 3.Ne vous arrêtez point à ses froideurs passées
, Racine, Baj. V, 6.Je ne m'arrêtai point à cette ardeur nouvelle
, Racine, Andr. IV, 6.Il ne se faut point arrêter Aux deux faits ambigus que je viens de conter
, La Fontaine, Fab. VIII, 16.Pourquoi venez-vous vous arrêter à nos faibles talents ?
Massillon, Parole. - 22S'appesantir, insister. Il s'arrêta longtemps sur les services qu'il vous a rendus.
Circonstances que je ne m'arrête pas à rapporter
, Pascal, Prov. 17.
SYNONYME
ARRÊTER, RETENIR. Arrêter est plus définitif que retenir ; ce qui est arrêté n'avance plus ; ce qui est retenu peut avancer encore, bien que moins ou plus difficilement. Quand on retient, il reste toujours incertain si la main sera assez forte pour arrêter. Des idées arrêtées sont des opinions fixes desquelles on est décidé à ne pas s'écarter. Une imagination retenue est celle que l'on contient et que l'on empêche de s'égarer.
HISTORIQUE
XIe s. Au cheval est l'espée aresteüe
, Ch. de Rol. CII. Car chevauchez ; pourqu'[pourquoi] alez arestant ?
ib. CXXXII. Que [Dieu] pour lui face le soleil arester
, ib. CLXXV.
XIIe s. Tresqu'à Turpin [il] ne se voust [voulut] arester
, Ronc. p. 51. Fer ne acier ne le put arester
, ib. p. 75. Faites ma gent en ce val arester
, ib. 178. Partir m'esteut de vous, sans demeurer [retard] ; Tant en ai fait, ne puis plus arester
, Couci, XXIV. Dreit devant l'arcevesque sunt andui [tous deux] aresté
, Th. le mart. 44. Pruveires e diacnes plusurs en i ot pris, Larruns, murdreiseürs en la rei prisun mis ; C'aresté mult suvent erent par le païs
, ib. 26.
XIIIe s. Et Tybers et la vieille n'ont cure d'arester [de s'arrêter]
, Berte, XVII. [Elle] Regardoit mout souvent, et puis si s'arrestoit
, ib. XXVIII. Quant elle pot parler, si dist [qu'elle] n'arestera, Ne mais en une ville qu'une nuit ne gisra
, ib. CXXII. L'espée [il] trait, sor lui s'areste Que il li volt couper la teste
, Grégoire le grand, p. 63. Et Chantecler [le coq] saut en travers, Renart choisi [apperçut], bien le conut ; Desor un fumier s'arestut
, Ren. 15448. Et se le aresté por dette fait servise à celui en cui poeir il est…
, Ass. de Jér. I, 189. Li tens, qui s'en va nuit et jor, Sans repos prendre et sans sejor, Et qui de nous se part et emble Si celéement qu'il nous semble Qu'il s'arreste adès en ung point, Et il ne s'i arreste point
, la Rose, 363.
XIVe s. Et est asavoir que aucuns sont demourans et trop arrestés en leur opinion
, Oresme, Eth. 214. Tu qui vues avoir mon cheval, Je te di qu'amont et aval, Sans faillir, au tiers pas s'arreste
, Machaut, p. 80.
XVe s. La dame s'arresta sur cet avis…
, Froissart, I, I, 12. Quand messire Guillaume de Montagu vit du chastel qu'ils estoient tous passés et qu'ils n'arrestoient point au chastel…
, Froissart, I, I, 162. Et en celle pensée s'arresta totalement
, Jehan de Saintré, ch. III. Je ne m'arreste point à tout ce que j'oys
, Chastelain, Chr. des D. de Bourg. II, ch. 13. Vint de par le roy le cardinal Balue, qui peu y aresta, et fit aucunes ouvertures
, Commines, II, 5.
XVIe s. Œil attrayant, œil arresté, De qui la celeste clarté Peut les plus clairs yeux esblouir
, Saint-Gelais, 29. Arrestant obstinéement sa veue contre un milan
, Montaigne, I, 102. Je donne ces fantasies, non comme arrestées et reglées par l'ordonnance divine
, Montaigne, I, 401. P. Bunel, ayant arresté quelques jours à Montaigne
, Montaigne, II, 136. Le remora areste toute sorte de vaisseaux ausquels il s'attache
, Montaigne, II, 180. Je m'arreste aux comparaisons qui me sont plus favorables
, Montaigne, II, 213. Nos loix non plus que nos vestements ne peuvent prendre aulcune forme arrestée
, Montaigne, III, 64. On dit, quand il est question de marier un jeune homme : il le faut arrester ; car, de fait, je crois que nous volerions au ciel si cet arrest ne nous retenoit
, Yver, p. 572. Platon veut qu'elle ait esté appelée histoire, pour ce qu'elle arreste le flux de nostre memoire
, Amyot, Préf. II, 27. Il le feist arester prisonnier avec Theseus
, Amyot, Thésée, 39. Les Pelasgiens, après avoir couru la plus grande partie de la terre habitable, s'arresterent au lieu où Rome est à present fondée
, Amyot, Rom. 1. Cela arresté [décidé], les conjurez…
, Amyot, Publ. 7. Les femmes arresterent entre elles qu'elles porteroient un an entier le deuil de sa mort
, Amyot, ib. 40. Lors Timoleon n'arresta gueres [ne tarda pas] à choquer, voyant le peu d'exploit que faisoient ses gens de cheval
, Amyot, Timol. 37. Il estoit froit, reposé, constant et arresté
, Amyot, Arist. 4. Lier une veine ou artere pour arrester un flux de sang
, Paré, Introd. 2. Puis tu arresteras le nœud seurement
, Paré, X, 24. Ne vous arrestés pas à ce que vous voirés de luy, mais à son sçavoir et esperience que j'ai esprouvé bonnes
, Marguerite de Navarre, Lett. 122. Les meridionaux sont melancholiques, et, par ainsi, arrestés, constans, contemplatifs, ingenieux
, Charron, Sagesse, I, 49.
ÉTYMOLOGIE
Bourguig. érétai ; Berry, airter, airreter ; picard, arter ; provenç. arrestar, arestar ; ital. arrestare ; de ad, à, et restare, rester, c'est-à-dire faire rester, et non, comme le veulent quelques étymologistes, de l'allemand Rest ou Rast, repos. Une petite particularité vient en confirmation de ce qui est établi d'ailleurs : on trouve dans l'ancien français ce verbe conjugué parfois irrégulièrement, arresteü au participe, arestut, au parfait défini ; c'est qu'en effet restare se conjuguait en latin comme stare, et que, dans le vieux français, stare avait donné esteü, estut, etc.
SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE
ARRÊTER. Ajoutez :Au mois de juin 1617, le fait étant discuté en pleine assemblée du Conseil, il fut dit que, nonobstant usage contraire,… les corps morts ne peuvent être arrêtés pour dettes ; suivant ce, le corps du comte d'Egmont, qui était détenu à Bruges par son hôte pour les dépens de bouche du défunt, fut élargi avec ordonnance de le laisser suivre aux parents du défunt, nonobstant l'usage contraire de Bruges, Arrêts du grand conseil de Sa Majesté, résidant en la ville de Malines, recueillis par M. Humaÿn, Lille, 1773, p. 192. (Note communiquée par M. Du Bois, avocat à Gand)
HISTORIQUE
XVIe s. Ajoutez : Au devant de monseigneur le Daulphin qui ne artoit point en ladite ville
, Mantellier, Glossaire Paris, 1869, p. 7.