« servitude », définition dans le dictionnaire Littré

servitude

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servitude

(sèr-vi-tu-d') s. f.
  • 1État de celui qui est esclave. Pourrai-je moi-même me rengager sous les lois et la servitude d'un tyran dont j'ai éprouvé la dureté et la perfidie ? Massillon, Paraph. ps. XXX, V. 6. Du droit de tuer dans la conquête, les politiques ont tiré le droit de réduire en servitude, Montesquieu, Esp. X, 3.

    Servitude barbare, état de l'esclavage tel qu'il se comporta sous les barbares après la chute de l'empire romain, et qui diffère peu de l'esclavage antique.

    La servitude des femmes, leur état de réclusion dans les pays musulmans. La servitude des femmes est très conforme au génie du gouvernement despotique, Montesquieu, Esp. XVI, 9.

  • 2Il est quelquefois synonyme de servage, de condition de serf. La servitude, solennellement abolie en France par Louis Hutin, subsistait encore sous Louis XV dans plusieurs provinces, Condorcet, Vie de Voltaire.
  • 3Perte de l'indépendance nationale. Prenez bien garde de ne pas oublier le Seigneur, qui vous a tirés du pays d'Égypte, de ce séjour de servitude, Sacy, Bible, Deutéron. VI, 13. Babylone menaçait toute la terre de la mettre en servitude, Bossuet, Hist. I, 7. Sous les Assyriens leur triste servitude [des Juifs] Devint le juste prix de leur ingratitude, Racine, Esth. III, 4. Les ennemis le vaincront [un roi pacifique], et réduiront son peuple en servitude, Fénelon, Tél. V.

    Corneille l'a dit au sens actif : la servitude des Romains, la servitude imposée par les Romains : Et ce qu'ils [les rois d'Espagne] ont osé contre leur servitude N'en a rendu le joug que plus fort et plus rude, Sertor. II, 1.

  • 4Perte de la liberté politique. Sylla, qu'on nommait l'heureux, le fut trop contre sa patrie, que sa dictature tyrannique mit en servitude, Bossuet, Hist. I, 9. Quand une fois on a trouvé le moyen de prendre la multitude par l'appât de la liberté, elle suit en aveugle, pourvu qu'elle en entende seulement le nom ; ceux-ci [les Anglais], occupés du premier objet qui les avait transportés, allaient toujours, sans regarder qu'ils allaient à la servitude [sous Cromwell], Bossuet, Reine d'Anglet. Si les rois se mêlent de la religion, au lieu le la protéger, ils la mettront en servitude, Fénelon, Tél. XXIII. Les hommes s'accoutument à tout, même à la servitude, pourvu que le maître ne soit pas plus dur que la servitude, Montesquieu, Esp. XV, 16. Les grandes vertus se cachent ou se perdent ordinairement dans la servitude, Montesquieu, Rom. XX. La servitude abaisse les hommes jusqu'à s'en faire aimer, Vauvenargues, Réflex. et maximes, 22. La guerre n'est pas si onéreuse que la servitude, Vauvenargues, ib. 58. La servitude, tombeau des nations, Condillac, Hist. anc. Lois, ch. II.
  • 5 Par extension, état de dépendance, d'infériorité. Il voit la servitude où le roi s'est soumis, Corneille, Nicom. III, 2. [Britannicus] D'une cour qui le fuit pleurant l'ingratitude, Las de votre grandeur et de sa servitude, Racine, Brit II, 2.

    Servilité. Le clergé, qui donne toujours l'exemple de la servitude, la prêchait aux autres sous le titre d'obéissance, Retz, Mém. II. Leur prompte servitude [des Romains] a fatigué Tibère, Racine, Brit. IV, 4.

  • 6Contrainte, assujétissement. Il est obligé de se rendre là tous les jours à la même heure ; c'est une grande servitude. Vous trouverez Mme de Coulanges bien au-dessus des servitudes où vous l'avez vue autrefois : elle n'aime plus qu'autant qu'on l'aime ; et cette mesure est bonne, surtout avec les dames de la cour, Sévigné, 282. Une troisième erreur de cet hérésiarque était de compter parmi les servitudes de la loi l'observance de certains jeûnes marqués, et de vouloir que le jeûne fût toujours libre, Bossuet, Hist. I, 11. Quels soins [d'un berger pour son troupeau] ! quelle vigilance ! quelle servitude ! La Bruyère, X. Libre de son joug le plus rude [de la cour], J'ignore ici la servitude De louer qui je dois haïr, Chaulieu, Louange vie champ. La raison règne, et sous ses lois Y rassemble ces esprits droits Échappés à la servitude Des préjugés et des emplois, Gresset, Épît. Égal.
  • 7Ce qui exerce sur l'âme un effet comparé à la servitude. Ce monde, si vain et si fragile, est trompeur, ingrat, plein de trahisons ; ô combien dure est sa servitude ! Bossuet, Sermons, Oblig. de l'état relig. 1. L'âme, honteuse de sa servitude, vient à considérer pourquoi elle est née, Bossuet, la Vallière. Les hommes [Marseille faisant une ovation à Mirabeau] sont plus près de la servitude de la reconnaissance que des excès de la licence, Mirabeau, Collection, t. I, p. 41.

    La servitude du démon, la servitude du péché, la servitude des passions, état d'un homme qui est dominé par le démon, par le péché, par les passions.

  • 8 Terme de droit. Assujétissement imposé à un champ, à une maison, etc. par lequel le propriétaire est obligé d'y souffrir certaines charges, comme l'écoulement des eaux, un passage, une vue, etc. Nulle servitude sans titre, c'est la jurisprudence du parlement de Paris, Voltaire, Lett. à Mme de Choiseul, 8 oct. 1770. Une servitude est une charge imposée sur un héritage pour l'usage et l'utilité d'un héritage appartenant à un autre propriétaire, Code Nap. art. 637. Les servitudes établies par la loi ont pour objet l'utilité publique ou communale, ou l'utilité des particuliers, ib. art. 649. Les servitudes sont établies ou pour l'usage des bâtiments, ou pour celui des fonds de terre, ib. art. 687.

    Servitude réelle, celle qui est constituée sur un immeuble pour l'utilité d'un autre immeuble, par opposition à la servitude personnelle, qui est constituée temporairement sur un héritage au profit d'une personne déterminée, comme le droit d'usufruit.

  • 9 Terme de marine. Bateaux ou navires de servitude, sortes de petits navires destinés à faire le service des ports et des rades.
  • 10Il s'est dit, mais ne se dit plus, comme formule de politesse, au sens d'être serviteur. Tous nos amis me parlent de vous quand je les rencontre, et me prient de vous assurer de leur servitude, Sévigné, à Mme de Grignan, 15 juin 1675.

HISTORIQUE

XIIe s. Par force au païs il sejorne En servitune et en essil, la Charrette, 642.

XIIIe s. Por ce, compains, li ancien, Sans servitute et sans lien, Pesiblement, sans vilenie S'entreportoient compaignie, la Rose, 9532. Li lais [le legs] ne doit pas estre fes d'eritage qui doie servitute au segneur, Beaumanoir, XII, 21. Li sires qui le veut ataindre [un homme] de servitute, le doit sivir par devant le segneur soz qui il est couquans [couchant] et levans, Beaumanoir, XLV, 5. Servitutes de cors si sunt venues en mout de manieres, Beaumanoir, XLV, 19. Nos [nous] Othes, cuens palatins de Bourgoigne… comme nostre amés cousins Tiebaud… nous ait amené les gens à pied et à cheval tos de sa terre, en nostre service, lequel service nous tenons à grace, non pas à servitute, Castan, Siége de Besançon, p. 62.

XIVe s. Mais j'aim trop miex franchise et po d'avoir, Que grant richesse et servitute avoir, Machaut, p. 90.

XVe s. Ces meschans gens [les serfs anglais] se commencerent à elever, pour ce qu'ils disoient que on les tenoit en trop grant servitude, Froissart, II, II, 106.

XVIe s. Et que mieulx vault la mort que servitude, Marot, J. V, 42. Aiant à commencer une maison en raze campaigne, sans sujection ne servitude aucune…, De Serres, 19. Servitutes aucunes sont ruraux, autres de ville et de cité, Coust. gén. t. II, p. 100. Societé n'est pas servitude, Mém. de Bellièvre et de Sillery, p. 225, dans LACURNE.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. servitut ; anc. espagn. servitud ; ital. servitù ; du lat. servitutem, de servus, serf. L'ancien servitune vient du lat. servitudinem.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

SERVITUDE.
10Ajoutez à l'exemple de Mme de Sévigné celui-ci de Malherbe : Quand vous partîtes, je n'eus point l'honneur de vous baiser les mains et vous confirmer le vœu de ma servitude, Lexique, éd. L. Lalanne.
11En amour, état d'un homme serviteur d'une dame. De tout mon pouvoir j'essayai de lui plaire, Tant que ma servitude espéra du salaire, ID. ib.