« ravir », définition dans le dictionnaire Littré
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ravir
- 1Enlever de force, par violence. Ravir le bien d'autrui.
Notre Seigneur a dit que… le royaume de Dieu souffre violence, et que les violents le ravissent
, Pascal, Lett. à Mlle de Roannez, 4.À quoi bon ravir l'or au sein du nouveau monde ?
Boileau, Épître V.Pâris le Troyen, retournant chez lui avec Hélène qu'il avait ravie
, Rollin, Hist. anc. Œuv. t, I, p. 138, dans POUGENS.Ce sont des gens qui ravissent le ciel plutôt qu'ils ne l'obtiennent
, Montesquieu, Lett. pers. 57.Fig.
Et ces ailes de feu qui ravissent une âme Au céleste séjour
, Rousseau J.-B. Odes, III, 1. - 2 Fig. Ôter, priver de.
Il n'a pas tenu à toi que tu ne m'aies ravi cette gloire
, Vaugelas, Q. C VIII S.Et dans un si beau temps jamais l'air en fureur A-t-il si tôt ravi l'espoir du laboureur ?
Rotrou, Bélis. II, 5.Défendez-vous par la grandeur ; Alléguez la beauté, la vertu, la jeunesse ; La mort ravit tout sans pudeur
, La Fontaine, Fabl. VIII, 1.Ni les affaires ni les compagnies n'étaient capables de lui ravir le temps qu'elle destinait aux choses divines
, Bossuet, Yol. de Monterby.La mort a plus de prise sur une princesse qui a tant à perdre ; que d'années elle va ravir à cette jeunesse !
Bossuet, Duch. d'Orl.Heureux si j'avais pu ravir à la mémoire Cette indigne moitié d'une si belle histoire !
Racine, Phèdre, I, 1.Jérusalem, objet de ma douleur, Quelle main en un jour t'a ravi tous tes charmes !
Racine, Athal. III, 7.César nous a ravi jusques à nos vertus
, Voltaire, Mort de César, II, 2.Se ravir, ravir à soi-même.
Ô mon fils, cher espoir que je me suis ravi !
Racine, Phèdre, V, 6. - 3Il se dit de la destinée, de la volonté divine qui prive de la vie.
Princesse, le digne lien des deux plus grands rois du monde, pourquoi leur avez-vous été sitôt ravie ?
Bossuet, Duch. d'Orl.Ô Seigneur, nous ravissez-vous Henriette par un effet du même jugement qui abrégea les jours de la reine Marie ?
Bossuet, ib.La Parque, ravissant ou son fils ou sa fille, A-, t-elle moissonné l'espoir de sa famille ?
Boileau, Sat. X.Ô dieux ! pourquoi me le ravir avant que j'aie pu le forcer de m'aimer ?
Fénelon, Tél. XVII.Il [Baratier, un enfant célèbre] n'avait que dix-neuf ans lorsqu'il fut ravi au monde
, Voltaire, Louis XIV, Écriv. Baratier. - 4 Fig. Charmer, faire éprouver un transport d'admiration, de joie.
Toutes vos actions me ravissent
, Voiture, Lett. 78.Vous me ravissez d'aimer les Essais de morale [de Nicole]
, Sévigné, 12 janv. 1676.Cette face autrefois si majestueuse [de Jésus], qui ravissait en admiration le ciel et la terre
, Bossuet, 1er sermon, Passion, 2.Ils [les grands hommes] pourront bien forcer les respects et ravir l'admiration, comme font les objets extraordinaires
, Bossuet, Louis de Bourbon.Je me souviens qu'il nous ravissait en racontant comme en Catalogne…
, Bossuet, ib.Que tu sais bien, Racine, à l'aide d'un acteur Émouvoir, étonner, ravir un spectateur !
Boileau, Ép. VII.La jeunesse d'Iole, sur le visage de laquelle les grâces étaient peintes, ravit son cœur [d'Hercule]
, Fénelon, Tél. X.Ravir à, entraîner à.
Et se laissant ravir à l'amour maternelle
, Corneille, Hor. I, 1.Absolument.
Tantôt elle [l'imagination] amuse par des propos riants, d'autres fois elle ravit par la hardiesse de ses saillies
, Condillac, Conn. hum. II, 10. - 5À ravir, loc. adv. Admirablement bien.
Sans doute mon portrait Envers mon Isabelle aura fait son effet, J'y suis peint à ravir
, Scarron, Jodelet ou le maître valet, I, 1.Vous êtes à ravir, et votre figure est à peindre
, Molière, l'Av. II, 6.Mlle Clairon, qui déclame des vers à ravir
, Voltaire, Dict. phil. Torture.Prenez vos ciseaux ; coupent-ils bien ? - à ravir
, Diderot, Mém. Rêve d'Alembert.
HISTORIQUE
XIIe s. Penre disons nos à la fois [parfois] por tolir, dont cil oiseal [ces oiseaux] ki les altres ravissent ont non, solunc lo latin, prendeor
, Job, p. 507. Sez-tu que nostre sires ravirat tun seignur à cest jur de vie ?
Rois, p. 347. Cume urs à ki sunt raviz si ursetel [oursons]
, ib. 181.
XIIIe s. Seignor, oï avez maint conte, Que maint conteres vos aconte, Coment Paris ravi Helayne
, Ren. 3. Soustrere c'est tolir. …ausit com se aucuns ravisoit aucun par force, et le destorbast qu'il ne venist à jor, Liv. de just. 86. Et en tel maniere [les autours] les entrelaissent [leurs petits] à norrir, porce qu'il apraignent à ravir
, Latini, Trésor, p. 197. Dieux ravi la moie ame d'emmi les chaiaus [les petits] des lions
, Psautier, f° 67. Il laissent les chevax ravir [courir impetueusement], Si se vont fort entreferir
, Partonop. ms. de St-Germ. f° 170, dans LACURNE. Tant ai dedans mon cuer de joie, Qu'il est touz en deduit ravis
, Jubinal, t. II, p. 191. Sa parole est prophecie, S'ele rit, c'est compaignie ; S'ele pleure, devocion ; S'ele dort, ele est ravie ; S'ele songe, c'est vision
, Rutebeuf, 187.
XIVe s. Les tirans qui par violence desolent et gastent les cités, et qui ravissent et pillent les choses saintes ordenées pour le divin honneur
, Oresme, Eth. 111. Vous maintenez que les esbas Et les deduis et les soulas, Qui par l'ueil au cuer sont ravis [portés], Sont plus plaisans, à vostre advis, Que ceulx qu'on reçoit par l'oÿe
, Modus, f° CIX.
XVe s. D'eulx regarder [je] fu de joye ravis
, Deschamps, Poésies mss. f° 219. Avoit son amour en icelle si profondement mis, que bien souvent il apparoissoit comme ravy
, Perceforest, t. VI, f° 33.
XVIe s. Nul n'a voulu estre ainsi nommé, nul ne s'est ravi ce nom temeraire
, Calvin, Instit. 899. Un prebstre qui ravissoit son ame en telle extase. que…
, Montaigne, I, 93. Sa facilité et ses inventions [d'Ovide] m'ont ravi aultrefois
, Montaigne, II, 101. Si fut le peuple espandu tout à l'environ ravy d'esbahissement
, Amyot, Pomp. 32.
ÉTYMOLOGIE
Wallon, rây, raûy ; poitevin, ripir ; ital. rapire ; du lat. rapere, par changement de conjugaison. Rapere, est pour harpere ; comparez ἁρπάζω, sanscr. har, porter, prendre. Ravir s'est dit pour gravir (XVe s. : Ravir aux murs par crocs de fer, Hist. de Loys 3 de Bourbon, p. 106, dans LACURNE) ; mais en ce sens c'est une autre forme de gravir.