« pincer », définition dans le dictionnaire Littré
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pincer
- 1Serrer la peau entre les doigts ou autrement.
[Elle] Le pinçait, lui venait sourire, Sur les yeux lui mettait la main, Sur le pied lui marchait enfin
, La Fontaine, Nicaise.Absolument.
Votre fille a mal aux dents et pince comme vous ; cela est plaisant
, Sévigné, 96.Il faut pincer bien fort, même jusqu'au sang, mais ne jamais écorcher
, D'Alembert, Lett. à Volt. 4 août 1767.Fig.
Pour Pauline, cette dévoreuse de livres… les romans, les comédies, les Voiture, les Sarasin, tout cela est bientôt épuisé… après il faut l'histoire ; si on a besoin de lui pincer le nez pour lui faire avaler, je la plains
, Sévigné, 614.Je vous pince sans rire, sorte de jeu qui se joue ainsi : on fait asseoir sur un siége un homme de la compagnie ; un autre se noircit les doigts d'encre ou de charbon, et pince l'autre en divers endroits du visage, en disant : je vous pince sans rire. L'impression des doigts fait un masque risible, et, si quelqu'un se met à rire, il est obligé de se mettre à la place du barbouillé.
Fig. Pincer sans rire, offenser, faire du mal sans en avoir l'air ; dire quelque chose de piquant sans paraître en avoir l'intention.
Or, comte, pour finir, lis donc cette satire, Et vois ceux de ce temps que je pince sans rire
, Régnier, Sat. II.Substantivement. Un pince-sans-rire, un homme qui raille sans en avoir l'air, un homme malin et sournois.
Ses articles de critique… sont semés de malices fuyantes et d'ironies couvertes qui rappellent les pince-sans-rire de la bonne compagnie
, Asselineau, Mélang. tirés d'une petite biblioth. romantique, Paris 1866, p. 79. - 2Saisir, couper, arracher.
Vous pouvez bien juger que des gens qui se faisaient pincer le poil des bras et des cuisses, qui se frisaient, qui se parfumaient…
, Voiture, Lett. 125.Quand ils [les petits des paons] auront six mois, ils mangeront du froment, de l'orge… et même ils pinceront l'herbe tendre
, Buffon, Ois. t. IV, p. 32.Fig. Pincer la matière, l'effleurer à dessein, ne pas l'approfondir.
Tel fut notre début en Italie, dont toute la faute fut imputée à Catinat, en quoi Vaudemont, en pinçant seulement la matière, et Tessé à pleine écritoire, ne s'épargnèrent pas
, Saint-Simon, 96, 21.Populairement, en pincer, y prendre part, en goûter. Je suis sûr qu'il en a pincé.
- 3 Terme de jardinage. Couper avec les ongles l'extrémité des jeunes rameaux pour les arrêter en faveur des autres branches ou des fruits.
Pincer quelques branches qui sont trop vigoureuses
, La Quintinye, Jardins, I, 2.Outre la taille, on vient encore quelquefois à une autre opération qu'on appelle pincer… l'effet de ce pincer est d'empêcher que les branches ne deviennent trop grosses et par conséquent inutiles à fruit
, ID. Jardins, I, III, 9. - 4 Terme de musique. Faire vibrer les cordes d'un instrument, en les tirant vivement avec le bout d'un doigt. Il a pincé ce passage sur son violon, au lieu de le jouer avec l'archet.
Tel était encore l'epigonium, inventé par Epigonus d'Ambracie, le premier qui pinça les cordes, au lieu de les agiter avec l'archet
, Barthélemy, Anach. ch. 27.Pincer se dit des instruments à cordes que l'on touche de l'extrémité des doigts, tels que la guitare, le luth, la harpe ; en cet emploi, il est ordinairement neutre (on dit toucher des instruments qui ont des touches). Pincer de la harpe, du luth, de la guitare, du téorbe.
- 5Serrer fortement avec une pince, avec des tenailles ou autres instruments semblables. Pincer une bûche, une barre de fer rouge.
Absolument. Vos tenailles sont faussées, elles ne pincent plus.
- 6Pincer les lèvres, les rapprocher l'une contre l'autre ; ce qui est un signe de mécontentement, de pruderie.
Quolibets de noces, plates plaisanteries, contes lubriques, qui font rougir la mariée et pincer les lèvres aux bégueules
, Voltaire, Lett. en vers et en prose, 54.On dit de même : pincer le bec.
Je sais que vos ladys… à certains de nos mots pourraient pincer le bec
, Al. Duval, Orat. angl. I, 9.Rendre plus mince en serrant. Pincer les livres.
Cette robe lui pince bien la taille, elle lui dessine bien la taille, la lui fait paraître fine.
Terme de marine. Pincer un bâtiment, lui donner des formes ou des façons aiguës ou fines.
- 7 Terme de manége. Approcher l'éperon du flanc du cheval, sans donner coup ni appuyer.
- 8 Familièrement. Arrêter, saisir. On pinça le voleur.
Une felouque envoyée par mes parents avec ordre de me faire pincer
, Lesage, Guzm. d'Alf. v, 6.Si je venais à être pincé, je serais obligé de rendre gorge, et de perdre avec cela mes deux oreilles
, Lesage, ib. II, 4.Ces égrillards iraient d'humeur bouffonne Pincer au lit le diable et ses suppôts
, Béranger, Préf. - 9Par extension de l'action de pincer à la sensation que cette action produit, causer une sensation vive et désagréable. Le coup de fouet a pincé ce cheval. Le vent me pinçait le visage.
Tout ce qui me pince les entrailles m'est contraire
, Mme du Deffant, Lett. à H. Walpole, t. IV, p. 417, dans POUGENS. - 10 Fig. et familièrement. Saisir, surprendre en faute. Cet enfant va voler du fruit dans le jardin du voisin ; on le pincera. Si je te pince, tu ne m'échapperas pas.
- 11Se faire pincer, être pincé, être puni de quelque imprudence, de quelque faute. Il s'est fait pincer à des spéculations de bourse.
- 12 Fig. Critiquer, railler.
Son style [du jésuite Maimbourg] n'est point agréable ; il veut toujours pincer quelqu'un, et comparer Arius… à M. Arnauld
, Sévigné, 23 nov. 1689.Ce charmant, cet aimable prince, Dont la muse finement pince Jusques aux serviteurs de Dieu
, Chaulieu, à Mme de Lassay.Je vous dis très sincèrement… que je vous pardonne cordialement de m'avoir pincé, que je suis fâché de vous avoir donné quelques coups d'épingles…
, Voltaire, Lett. Abbé Trublet, 27 avril 1761.Virgile a-t-il bien fait de pincer Mévius ?
Voltaire, Ép. 104.Pincer en riant, faire la critique de quelqu'un, sans amertume et d'une manière agréable.
- 13Chez les planeurs, former l'angle qui règne autour d'une pièce de vaisselle au-dessus du bouge.
Terme de reliure.
L'ouvrier doit bien faire attention à ce que son marteau tombe bien aplomb sur la battée, sans cela il risquerait de pincer et couperait la battée,
Manuel du relieur, p. 55, Roret, 1827. - 14 Terme de monnaie. Marquer plus fortement les monnaies ou les médailles dans les endroits où l'empreinte n'est pas assez forte.
- 15 Terme de marine. Pincer le vent, s'approcher du lit du vent, se tenir le plus près du vent, aussi près que possible.
Il se dit aussi dans les autres cas où l'on a besoin du vent.
Mon sage est le conducteur de mon moulin, lequel pince bien le vent, ramasse mon sac de blé, le verse dans la trémie…
, Voltaire, Dict. phil. Xénophane. - 16Se pincer, v. réfl. Se faire un pinçon. En fermant cette porte je me suis pincé.
HISTORIQUE
XIIIe s. …je voi maint prince Qui retalle au poure home et pince Sa terre pour croistre la sieue [sienne]
, Baudouin de Condé, t. I, p. 471. Meffais qui l'autrui tolt et pince
, la Rose, 8484.
XVe s. Très chier et très amé cousin, Tant avez pincé le raisin Et la purée de Bourgoingne, Que mal a alé vo besoingne ; Souffert en avez maladie
, Deschamps, Poésies mss. f° 420. Et n'y avoit loup ne lieppar Qui souvent ne fust de renart Pincez par nuit en traïson
, ib. f° 483.
XVIe s. Envoya sommer de combatre ; ce que ne voulurent, mais sortirent à l'escarmouche, et là se commencerent à pincer bien estroit
, Jean D'Auton, Annales de Louis XII, ms. f. 2, dans LACURNE. La couronne est engagée plus de trente millions ; et le tout par l'astuce et intelligence de ceux qui ont les charges plus honorables, lesquels se sont servis de l'occasion pour jouer à pincer sans rire
, Caquets de l'accouchée, p. 123, dans LACURNE. …Si c'est estudier, que effleurer et pincer, par la teste ou par les pieds, tantost un aucteur…
, Montaigne, III, 77. D'estre subject à la cholique et subject à m'abstenir du plaisir de manger des huistres, ce sont deux maulx pour un : le mal nous pince d'un costé ; la regle de l'aultre
, Montaigne, IV, 263. …Lequel [pauvre peuple] estant encore pincé par la subtile main des financiers, c'est merveille de quoy il subsiste
, Lanoue, 13. …En se tastant souvent et à toute heure, pressant et pinssant jusques au vif
, Charron, Sagesse, I, 1.
ÉTYMOLOGIE
Wallon, pissî ; espagn. pizcar et pinchar ; ital. pizzicare ; Venise, pizzare ; angl. to pinch ; du germanique d'après Diez : bavarois, pfitzen ; holland. pitsen. Il faut rejeter pinceau ; le verbe tiré de ce substantif serait pinceler, et non pincer.
SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE
PINCER. - HIST. Ajoutez : XIIe s. Tant m'a amors pincié et mors !
Benoit de Sainte-Maure, Roman de Troie, V. 18062.