« misère », définition dans le dictionnaire Littré
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misère
- 1État malheureux.
Le regret du passé, du présent la misère
, Régnier, Sat. X.Que je te plains, ma fille ! hélas ! pour ta misère Les destins ennemis ont fait naître ce frère
, Corneille, Veuve, III, 8.Ciel qui vois ma misère et qui fais les heureux, Prends pitié d'un devoir qui m'est si rigoureux
, Corneille, ib. IV, 10.Nos crimes sont pareils ainsi que nos misères
, Corneille, Hor. IV, 7.Le soir, le matin et à midi, je raconterai mes misères, et j'annoncerai ses miséricordes : et il exaucera ma voix
, Sacy, Bible, Psaume LIV, 18.L'effroi que j'aurais de les voir [certaines personnes] en cet état éternel de misère
, Pascal, Lett. à Mlle de Roannez, 3.Misère de l'homme sans Dieu
, Pascal, Pens. XXII, 1, éd. HAVET.Les hommes, n'ayant pu guérir la mort, la misère, l'ignorance, se sont avisés, pour se rendre heureux, de ne point y penser
, Pascal, ib. IV, 5.Malgré les misères qui sont extrêmes, on ne laisse pas de se marier : M. le prince de Rohan et Mme de Turenne…
, Sévigné, 12 février 1694.M. de la Rochefoucauld a la goutte ; si, malgré le lait, la goutte prend cette liberté tous les ans, ce sera une grande misère
, Sévigné, 6 nov. 1675.Contrainte de paraître au monde, et d'étaler, pour ainsi dire, à la France même et au Louvre où elle était née avec tant de gloire, toute l'étendue de sa misère
, Bossuet, Reine d'Anglet.Être promptement délivré des misères de cette vie
, Bossuet, Yol. de Monterby.Toutes les extrémités des choses humaines la félicité sans bornes, aussi bien que les misères
, Bossuet, Reine d'Anglet.Cette capitale du royaume qui renferme tant de grandeurs et tant de misères tout ensemble
, Fléchier, Aiguillon.Dans Florence jadis vivait un médecin, Savant hâbleur, dit-on, et célèbre assassin ; Lui seul y fit longtemps la publique misère
, Boileau, Art p. IV.Hécube près d'Ulysse acheva sa misère
, Racine, Andr. I, 2.D'un ennemi respecter la misère, Sauver des malheureux… Seigneur, voilà des soins dignes du fils d'Achille
, Racine, ib. I, 4.…Les amis de mon père Sont autant d'inconnus que glace ma misère
, Racine, Brit. I, 4.Peut-être je devrais, plus humble en ma misère…
, Racine, Mithrid. I, 2.J'ai tantôt, sans respect, affligé sa misère
, Racine, Iphig. III, 4.Il y a une espèce de honte d'être heureux à la vue de certaines misères
, La Bruyère, XI.Les misères publiques, en augmentant les murmures, semblent augmenter les profusions
, Massillon, Carême, Mauv. riche.Il n'est pas inutile de dire aux étrangers que misère est en poésie un terme noble, qui signifie calamité et non indigence
, Voltaire, Sur Horace.C'est bien par cet exemple aussi cruel que mémorable, qu'il faut déplorer les misères de la grandeur
, Rousseau, Confess. XI.Tenez, dit-il, en me montrant des paysans qui traversaient le parc et se rendaient à l'ouvrage en chantant, que ne donnerais-je pas pour partager leurs travaux et leurs misères !
Scribe, le Prix de la vie dans les Historiettes et proverbes.La misère du temps, des temps, le mauvais état des affaires.
- 2Faiblesse et néant de l'homme.
Ce sont [les misères de l'homme] misères de grand seigneur, misères d'un roi dépossédé
, Pascal, Pens. I, 3, éd. HAVET.Orgueil, contrepesant toutes les misères ; ou il cache ses misères, ou, s'il les découvre, il se glorifie de les connaître
, Pascal, ib. II, 2.Malgré la vue de toutes nos misères, qui nous touchent, qui nous tiennent à la gorge
, Pascal, ib. II, 4.La misère persuade le désespoir, l'orgueil persuade la présomption
, Pascal, ib. XII, 14.Tout le corps des justes qui prie, et qui est toujours exaucé, rend le Seigneur bien plus attentif aux besoins de l'Église, et aux misères de nos âmes
, Massillon, Carême, Mot. de conv. - 3Souffrances physiques, incommodités.
Vous ne sauriez croire combien je suis devenu vieux ; toutes mes misères ont augmenté, et un apothicaire est beaucoup plus nécessaire à mon être qu'un général d'armée
, Voltaire, Lett. Richelieu, 18 juin 1757. - 4Lit de misère, lit sur lequel est une femme en travail d'accouchement.
- 5Indigence, privation de ressources, des choses nécessaires.
Sa misère est sans doute une honnête misère
, Molière, Tart. II, 2.Je serai au désespoir, s'il faut que je reprenne encore les pensées de la guerre… il est triste de s'avancer dans le pays de la misère ; c'est ce qui est indubitable dans votre métier [militaire]
, Sévigné, à Bussy, 12 octobre 1678.À force de vouloir soutenir mon vieux château, il me fera tomber dans la misère de n'avoir pas de quoi souper cet hiver
, Sévigné, 15 novembre 1677.Mme Bernard : Mais vous prêchez toujours misère. - M. Bernard : C'est que vous m'y plongez, dans la misère
, Dancourt, Mais. de camp. sc. 14.Ceux qui n'ont des yeux que pour les misères d'éclat
, Massillon, Or. fun. Villars.L'homme aux quarante écus : Quoi ! le moyen de vivre commodément est d'associer ma misère à celle d'un autre ? - Le géomètre : Cinq ou six misères ensemble font un établissement très tolérable
, Voltaire, l'H. aux quarante écus, Entret. avec un géom.On touche au temps de vérifier ce qui a été dit, qu'il y avait une puissance qui donnerait la paix, et que cette puissance c'était la misère
, Voltaire, Lett. d'Argent. nov. 1759.Ah ! la misère entraîne aux plus affreux malheurs ! Elle ôte le courage et dégrade le cœur
, Chénier M. J. Gracques, III, 10.Mal de misère, la pellagre.
La misère, les gens qui sont dans la misère.
Ces tristes demeures où se retirent la misère et la pauvreté
, Fléchier, Aiguillon.Le bonhomme Misère, personnage principal d'un conte populaire. Comment le bonhomme Misère vainquit la mort.
- 6Peine, difficulté. C'est une grande misère que les procès. C'est une misère que d'avoir affaire à lui.
Fig. et familièrement. Collier de misère, travail pénible, qu'on ne peut interrompre que pour le reprendre bientôt, par allusion soit au collier du cheval qui tire, soit à l'ancien collier de l'esclave.
Familièrement. Faire des misères, causer de la peine, des contrariétés, du tourment.
Paroles de médisance. Il a dit toutes sortes de misères de vous.
On joue, on bâille, on s'ennuie, on ramasse quelque misère les uns des autres, on se hait, on s'envie, on se caresse et on se déchire
, Maintenon, Lett. à Mme de Caylus, 17 juillet 1701. - 7Action, chose moralement petite.
Elle ne fait point de ces petites misères-là
, Sévigné, 370.Quel besoin n'aurais-je pas… d'un courage et d'une vertu comme la vôtre ?… c'est ce qui ne m'est pas donné ; je suis livrée à la misère d'une grande faiblesse
, Mme de Grignan, dans SÉV. t. X, p. 406, éd. RÉGNIER.Quelle misère de s'offenser de tout ce que la Providence divine fait pour les autres !
Fléchier, Serm. II, 2.M. le Duc ne demanda pas mieux que de faire les avances du raccommodement ; le comte de Fiesque eut la misère de les recevoir
, Saint-Simon, 99, 54.Chamillart fit la sottise de le mettre [son frère] de l'Académie française en sa place, qui avait eu la misère de l'élire
, Saint-Simon, 355, 183.Il avait les misères des femmes qui l'avaient fait subsister ; il ne craignait rien tant qu'une salière renversée
, Saint-Simon, 447, 241.Le bel intérieur de conscience à montrer ! que de misères mises au jour ! et quelles misères encore !
Marivaux, Paysan parv. 5e part.Écrivez, vous dis-je, à Mme du Châtelet ; point de politique, point de ces lâches misères
, Voltaire, Lett. Thieriot, 18 janv. 1739. - 8Bagatelle, chose de peu d'importance et de valeur.
Vous ne voudriez pas que j'entretinsse le roi de ces misères
, Maintenon, Lett. à M. d'Aubigné, t. I, p. 168, dans POUGENS.Il n'est pas permis à une femme auteur de donner des misères
, Mme de Puisieux, Ridic. à la mode, p. 250, dans POUGENS.Vous ne vous êtes donc pas présenté à la caisse ? - Ah ! monsieur, c'est une misère
, Picard, Duhautcours, I, 5. - 9Terme du jeu de boston. Coup que l'on gagne, quand on parvient à se débarrasser de toutes ses cartes, sans relever une seule main. Demander une misère en pique.
Petite misère, celle dans laquelle on écarte préalablement une carte à son choix.
Misère sur table, celle qui se fait en montrant son jeu (voy. BOSTON).
- 10Misère, rouge-gorge ; on dit aussi bonhomme-misère.
HISTORIQUE
XIIe s. Si fust tun plaisir que veisses ma miserie
, Rois, p. 3.
XIIIe s. Par le peché Adam no pere Sommes nous mis en grant misere
, Gui de Cambrai, Barl. et Jos. p. 42. Je crien que ceste pitiez et ceste douçor ne nos tort [tourne] à misere et à amertume
, Latini, Trésor, p. 514. Come ladite Amile eust esté en si grant misere [souffrance, maladie] par trois mois
, Miracles St Loys, p. 177.
XIVe s. Et après en sa vieillesse il chiet [tombe] en très grant misere
, Oresme, Eth. 22. Disant que moult courtoisement il les avoit traitié en temps de leur misere
, Bercheure, f° 35, verso.
XVe s. Les premiers agousteurs [ceux qui goûtèrent les premiers] de ceste humaine misere
, Chastelain, Chron. du duc Philippe, Proesme.
XVIe s. Aimer mieulx mourir, que vivre en cette misere, d'avoir à se garder mesme de ses amis
, Montaigne, I, 133. Il suffit au jour de sa misere
, Cotgrave †
ÉTYMOLOGIE
Prov. esp. et ital. miseria ; du lat. miseriam, dérivé de miser, dont on pense que les relations étymologiques sont avec le lat. mœstus, triste, μῖσος, haine.
SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE
MISÈRE. Ajoutez :Misère et compagnie, comme on dit ; eh bien, avec une apparence d'établissement, le public s'y laisse prendre tout de même, Gaz. des Trib. 3-4 mars 1873, p. 215, 3e col.