« marquer », définition dans le dictionnaire Littré
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marquer
- 1Distinguer, faire connaître par une marque. Marquer de la vaisselle, des serviettes. Marquer des moutons, des chevaux.
On ne marque pas ses enfants sur leur corps ; on n'y marque que les esclaves, comme une espèce d'animaux nés pour servir
, Bossuet, Elévat. sur myst. VIII, 9.Absolument.
La petite fille était délicate et vaine ; elle n'entendait point que son linge servît à ses sœurs, on le marquait, on ne voulut plus le marquer ; il fallut apprendre à marquer elle-même
, Rousseau, Ém. V.Fig.
Dieu, déployant sur lui sa vengeance sévère, Marqua ce roi mourant du sceau de sa colère
, Voltaire, Henr. III.Fig. et familièrement. Marquer quelqu'un à l'encre rouge, conserver un mauvais souvenir de quelqu'un et des projets de vengeance contre lui.
- 2Marquer des arbres, y imprimer l'empreinte du martelage.
On est dans l'usage de marquer avec un gros marteau, portant empreinte des armes du roi ou des seigneurs particuliers, tous les arbres que l'on veut réserver
, Buffon, Hist. nat. Introd. part. expér. Œuvres, t. VIII, p. 429.Terme de menuiserie. Tirer des lignes sur une planche pour que l'ouvrier la coupe suivant le trait.
Terme de marine. Marquer une ligne de sonde ou de loch, y fixer à des distances convenables des bouts de toron portant des nœuds.
Terme militaire. Marquer le camp, le logement, les portes, indiquer la place où il faut asseoir le camp, les logements qu'on doit occuper, les portes utiles à garder.
- 3Faire subir la peine de la marque. On ne marque plus aucun condamné.
- 4Faire une impression sur quelque partie du corps, par contusion, blessure, brûlure, etc. Il a reçu un coup de pierre qui lui a marqué le front.
- 5Laisser des traces, des vestiges. Le torrent a marqué son passage par un grand dégât.
Fig. Le commencement de son règne fut marqué par des proscriptions.
J'ai senti douloureusement le 24 de ce mois [anniversaire du jour de la séparation de la mère et de la fille] ; je l'ai marqué, ma très chère, par un souvenir trop tendre
, Sévigné, 28 mai 1676.Que ces deux principaux moments de la grâce ont été bien marqués par les merveilles que Dieu a faites pour le salut éternel de Henriette d'Angleterre !
Bossuet, Duch d'Orl.Silanus, qu'il [Claude] aimait, s'en vit abandonné, Et marqua de son sang ce jour infortuné
, Racine, Brit. IV, 2.Ta fureur [à toi Néron]… D'un sang toujours nouveau marquera tous tes jours
, Racine, ib. V, 6.Vous qui depuis cinq ans insultez à mes larmes, Qui marquez sans pitié mes jours par mes alarmes
, Voltaire, Mariane, IV, 4.Au sein de cette prospérité passagère se préparait de loin la catastrophe qui devait en marquer la fin
, Rousseau, Confess. X.Mille morts marqueront cette affreuse journée
, Lemercier, Agamemn. IV, 6. - 6Mettre une marque pour se souvenir. Marquer dans un livre l'endroit où l'on a cessé de lire.
Voyez les lignes que j'ai marquées avec du crayon
, Pascal, Prov. IV. - 7Marquer son jeu, marquer les points qu'on gagne.
Absolument. Je marque, j'ai gagné.
Marquer quelqu'un au piquet à écrire, au trictrac, gagner un des coups partiels dont l'ensemble forme la partie.
- 8Marquer la taille, se dit du vêtement qui dessine la taille et la fait voir.
Leurs femmes ignoraient l'usage de ces corps de baleine par lesquels les nôtres contrefont leur taille plutôt qu'elles ne la marquent
, Rousseau, Ém. V.Terme de manége. Marquer le coin, approcher le cheval du coin du manége, et le forcer à garder le mur.
- 9Remarquer.
Nous y avons tellement accoutumé nos spectateurs [à la liaison des scènes], qu'ils ne sauraient plus voir une scène détachée sans la marquer pour un défaut
, Corneille, 3e disc.Il tourne à l'entour du troupeau, Marque entre cent moutons le plus gras, le plus beau
, La Fontaine, Fabl. II, 16.Mais des heureux regards de mon astre étonnant Marquez bien cet effet…
, Boileau, Ép. X. - 10Noter, inscrire. J'ai marqué cela dans mon agenda. On recommanda au médecin de marquer ce malade parmi ceux qu'il devait visiter.
Tout ceci fut écrit dans les histoires et marqué dans les annales par ordre du roi
, Sacy, Bible, Esther, XXIII, 23.Son antiquité [d'une famille], qui est telle que nos chroniques n'en marquent point l'origine
, Bossuet, Gornay. - 11Faire connaître par quelque chose comparé à une marque.
Le magistrat des lois emprunta le secours [à Athènes], Et, rendant par édit les poëtes plus sages, Défendit de marquer les noms et les visages [dans la comédie]
, Boileau, Art p. III.…Toujours évanouie, Madame, elle ne marque aucun signe de vie
, Racine, Baj. IV, 5.Il se dit aussi des choses qui font connaître comme par une marque.
J'écrirai ici mes pensées sans ordre, et non pas peut-être dans une confusion sans dessein ; c'est le véritable ordre et qui marquera toujours mon objet par le désordre même
, Pascal, Pensées, V, 1, éd. LAHURE, 1860.Cette prédiction de la ruine du temple réprouvé me marque qu'il ne doit être laissé aucune passion du vieil homme
, Pascal, Lett. à Mlle Roannez, 9.La nature ne m'offre rien qui ne soit matière de doute et d'inquiétude ; si je n'y voyais rien qui marquât une divinité…
, Pascal, Pensées, XIV, 2, éd. HAVET.Non-seulement ils [les ennemis] ont promptement levé le siége, mais on leur a pris beaucoup de poudre, de canon ; et tout ce qui marque une fuite
, Sévigné, 2 sept. 1676.Les pères de Saint-Vannes l'ont convaincu [Dupin] d'avoir supprimé, dans un passage d'Optat, ce qui y marquait l'autorité de la chaire de saint Pierre
, Bossuet, Hist. conciles, I, 4.La nature féconde en bizarres portraits Dans chaque âme est marquée à de différents traits
, Boileau, Art p. III.…Ne vous piquez point d'une folle vitesse ; Un style si rapide et qui court en rimant, Marque moins trop d'esprit que peu de jugement
, Boileau, ib. I.Quels présages affreux nous marquent son courroux [du ciel] ?
Racine, Iphig. I, 2.Les jalousies qui marquent un esprit borné
, Fénelon, Tél. XXII.Dans presque tous les genres, des ouvrages du meilleur ton et du meilleur esprit, voilà ce qui marquera notre siècle ; et je n'en ai pas dit assez
, Marmontel, Ess. sur le goût, Œuv. t. IV, p. 429, dans POUGENS. - 12Indiquer.
Au vestibule obscur il marque une autre place
, Boileau, Art p. IV.Je lui marque le cœur où sa main doit frapper !
Racine, Mithr. IV, 1.Il vous marque la place où vous serez vainqueurs
, Voltaire, Poëme de Fontenoy.Noter. L'horloge marque midi, deux heures. Le thermomètre marque 25 degrés.
Marquer la mesure, le pas, indiquer par des mouvements de la main, du pied, la cadence de la musique, de la marche.
- 13Fixer, déterminer, assigner, prédestiner.
Cet hymen différé ne rompt point une loi Qui, sans marquer de temps, lui destine ta foi
, Corneille, Cid, V, 8.C'est peut-être la décision de la destinée de Mlle de Grignan que ce voyage ; c'est par suite de cet arrangement que la Providence l'a marqué
, Sévigné, 12 mai 1680.Je n'entreprends pas, chrétiens, de vous dire la destinée des hérésies de ces derniers siècles, ni de marquer le terme fatal dans lequel Dieu a résolu de borner leur cours
, Bossuet, Reine d'Anglet.Peut-être assez d'honneurs environnaient ma vie, Pour ne pas souhaiter qu'elle me fût ravie, Ni qu'en me l'arrachant, un sévère destin Si près de ma naissance en eût marqué la fin
, Racine, Iph. IV, 4. - 14Mander, informer, faire connaître, soit de bouche, soit par écrit.
Viendra-t-il ? - Oui, monsieur, où vous lui marquerez
, Th. Corneille, Baron d'Albikrac, I, 10.Je voulais lui en marquer mon inquiétude
, Sévigné, 40.Je vais par la Bourgogne… je vous écrirai d'où je pourrai ; je ne puis marquer aucun jour
, Sévigné, 11 juill. 1672.Lorsqu'il [le roi] y fit lire [à la cour] la dernière lettre que lui écrivit ce grand homme, et qu'on y vit, dans les trois temps que marquait le prince…
, Bossuet, Louis de Bourbon.Lorsqu'on vint à l'endroit du remerciement où le prince marquait qu'il mourait content…
, Bossuet, ib.Sur ce que tu me marques, je n'aurai point un moment de repos que je ne sois auprès de toi
, Rousseau, Hél. I, 7.Je lui marquai que je ne voudrais pas…
, Rousseau, Conf. II.Marquez-moi votre adresse, et je vous répondrai
, Collin D'Harleville, Optimiste, IV, 14.Je t'ai marqué, dans une lettre que Guérin te remettra, comme on m'a reçu
, Courier, Lett. I, 125.On dit aussi en ce sens : marquer un mot, pour mander un mot.
Je n'ai que le temps de vous marquer ce mot pour vous rassurer sur mon compte
, Rousseau, Lett. à du Peyrou, 5 nov. 1765. - 15Témoigner, donner des marques. Marquer à quelqu'un son estime, son affection, sa reconnaissance. Je lui ai marqué mon mécontentement.
Il [le roi] marquait pour la santé de ce prince [Condé] une inquiétude qu'il n'avait pas pour la sienne
, Bossuet, Louis de Bourbon.Elle lui marque une fidélité héroïque
, Bourdaloue, Car. III, 144. - 16Décrire.
Vos réflexions sont tristes et justes sur la déroute de la maison de Créquy ; Canaples reste seul des trois frères, après toutes ses tribulations et tous ses maux, que vous marquez si bien
, Sévigné, 25 avril 1687. - 17Signaler.
Mme la comtesse de Soissons est partie cette nuit pour Liége… la Voisin [empoisonneuse] l'a extrêmement marquée
, Sévigné, 24 janv. 1680. - 18Ne faire qu'indiquer quelque chose, sans l'effectuer complément.
Dites à Montgobert qu'on ne tape point les cheveux [dans une coiffure], et qu'on ne tourne point les boucles à la rigueur… on marque quelques boucles
, Sévigné, 15 avr. 1671.Les bals de Saint-Germain sont d'une tristesse mortelle… le roi n'a cette complaisance que pour marquer le carnaval, sans aucun plaisir
, Sévigné, 29 janv. 1674.À l'escrime, marquer un coup, l'indiquer par feinte et sans le porter effectivement.
- 19 V. n. Être empreint d'une marque qui fait reconnaître.
Ce cheval marque encore, les creux de ses dents paraissent encore et indiquent qu'il n'a pas plus de huit ans.
Terme de chasse. Se dit du mâle de la perdrix grise, lorsqu'il a la crête couleur de feu et le dessous de l'estomac d'un gris roux. Les perdrix rouges marquent lorsqu'elles ont aux jambes un tubercule qu'on nomme ergot.
Cette nouvelle allée commence à marquer, les arbres commencent à y grandir.
Ce cadran solaire marque encore, ne marque plus, le soleil y donne encore, n'y donne plus.
On dit vulgairement qu'une femme enceinte marque, lorsqu'il s'échappe quelques mucosités sanguinolentes, ce que l'on regarde comme l'annonce d'un accouchement prochain.
On dit aussi qu'un accès de fièvre, d'épilepsie, ne fait que marquer, quand il s'annonce par quelques sensations morbides qui n'ont pas d'autre suite.
M. le duc du Maine avait eu trois accès de fièvre tierce qui m'avaient donné beaucoup d'inquiétude ; il a eu cette nuit le quatrième, qui n'a marqué qu'un moment
, Maintenon, Lett. à l'abbé Gobelin, 12 mai 1675.Terme de marine. On dit que la brise marque ou commence à marquer, lorsque, pendant un temps calme, on aperçoit de loin que la surface de la mer commence à se rider.
La mer est dite marquer lorsque, après le flot, elle laisse en descendant une trace d'humidité ou de petits dépôts.
- 20Laisser trace, impression.
S'ils [les vieillards] repassent sur tout le cours de leurs années… ils confondent leurs différents âges, ils n'y voient rien qui marque assez pour mesurer le temps qu'ils ont vécu
, La Bruyère, XI.La substance est durcie, et les nouvelles empreintes ne marquent plus
, Rousseau, Ém. IV.Terme d'escrime. Se dit d'un coup donné en plein dans le corps. Voilà un coup qui marque. Cette botte est bien marquée.
Fig. Être marquant, distingué par quelque chose de notable.
Va, mon fils, garde ta candeur ; Et que ton étoile ne marque Par l'éclat ni par la grandeur
, Béranger, Étoiles qui filent.Familièrement. Cela marquerait trop, cela serait trop remarqué, et, dans un autre sens, cela décèlerait trop l'intention qu'il faut cacher.
Cet homme ne marque point, c'est-à-dire il ne se fait pas remarquer.
Il n'y a dans ce livre rien qui marque, c'est-à-dire ce livre ne renferme rien qui soit saillant, qui attire l'attention.
- 21Se marquer, v. réfl. Être marqué.
En sorte que du petit corps [la glande pinéale] où elle [l'âme] est enfermée, elle tient à tout et voit tout l'univers se venir, pour ainsi dire, marquer sur ce corps, comme le cours du soleil se marque sur un cadran
, Bossuet, Conn. III, 8.[Molière] Qui sais à quel coin se marquent les bons vers
, Boileau, Sat. II.Donner signe, marque de soi-même.
Comme nous changeons deux fois d'état… il a plu à la divine bonté de se marquer elle-même au commencement de ces deux états [de la grâce] par une impression illustre et particulière
, Bossuet, Duch. d'Orl.
SYNONYME
MARQUER, INDIQUER. Marquer, c'est faire une marque ; indiquer, c'est donner un indice. Marquer est donc plus expressif, plus fort que indiquer. Cette action marque un bon naturel ; elle prouve, en qualité de marque, que le naturel est bon. Cette action indique un bon naturel, elle fait penser, en qualité d'indice, que le naturel est bon.
HISTORIQUE
XIIe s. Puis l'en laissout aller, mais primes le merkeit ; Tierce feiz i fu pris, pas ne s'en castiheit [châtiait, corrigeait]
, Th. le mart. 31.
XIVe s. Lesquelz habitans n'ayant voulu tenir et payer le dit accord, le prestre s'en retourna aux Anglois, et fit par iceulx Anglois marquer, piller et prendre prisonniers les bonnes gens et habitans de la dite parroisse
, Du Cange, marcha.
XVIe s. Quand il seroit ainsi merché, Il sera aisé à cognoistre
, Marot, II, 47. Il se contente de rabattre les coups, sans le marquer [toucher]
, Bèze, Vie de Calvin, p. 81. Nous appellons marcher ou marquer, toutes et quantes fois que par un signal, affiche, reconnaissance ou autrement, nous assignons certains buts, limites et separations entre les personnes
, Pasquier, Recherches, liv. VIII, p. 736, dans LACURNE.
ÉTYMOLOGIE
Marque ; provenç. marcar, marquar ; espagn. et portug. marcar ; ital. marcare.