« injure », définition dans le dictionnaire Littré

injure

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

injure

(in-ju-r') s. f.
  • 1Ce qui est contre le droit, la justice (d'après le sens étymologique), tort, dommage. S'il y a plusieurs personnes qui n'aient pas plus de droit d'être expédiées l'une que l'autre, le juge qui prendra quelque chose de l'une à condition de l'expédier la première, péchera-t-il ? non certainement, selon Layman ; car il ne fait aucune injure aux autres selon le droit naturel, Pascal, Prov. VIII. Je ménage l'une et l'autre [ma santé et ma vie] comme un bien qui est à vous, et que je ne puis altérer sans vous faire une injure, Sévigné, 27 déc. 1684.
  • 2 Fig. Effets nuisibles produits par les saisons, l'âge, le temps, etc. C'est moi qui ai commencé la mode de vous aimer et de vous trouver aimable ; une amitié si bien conditionnée ne craint pas les injures du temps, Sévigné, à Coulanges, 26 avr. 1696. Injures de toutes les saisons, chaleurs de l'été, froids de l'hiver…, Bourdaloue, Pensées, I, p. 346. J'ai souffert les injures de l'air, Fénelon, Tél. X. Aristonoüs était encore exempt des injures d'une vieillesse caduque, Fénelon, t. XIX, p. 105. Il commençait à sentir les injures de la froide vieillesse, Fénelon, Tél. X. Le reste de son arbre généalogique avait été perdu par l'injure du temps, Voltaire, Cand. 1. À sauver, s'il se peut, par mes travaux constants, Et leurs noms et les miens des injures du temps, Piron, Métrom. III, 9. Le tombeau de Jésus-Christ est maintenant exposé aux injures de l'air, Chateaubriand, Itin. part. V. Le froid devient plus ardent ; Moi j'en puis braver l'injure, Béranger, Hiver.

    Les injures du sort, les revers, les malheurs extraordinaires et non mérités.

    Poétiquement. Ce qui a subi l'injure. Baucis en égala les appuis chancelants [de la table] Du débris d'un vieux vase, autre injure des ans, La Fontaine, Ph. et Bauc.

  • 3Outrage, ou de fait, ou de parole, ou par écrit. … le jure Que par ce faux soupçon vous lui faites injure, Corneille, Rodog. I, 5. On n'est pas où l'on pense en me faisant injure, Molière, Tart. IV, 7. Lorsque l'injure a une fois éclaté, notre honneur ne va point jusqu'à vouloir cacher notre honte, mais à faire éclater notre vengeance, Molière, D. Juan, III, 4. C'était lui faire injure de l'implorer, Pascal, Prov. IV. C'est faire injure au maître d'une maison d'y entrer par la fenêtre, Pascal, ib. VI. Elle aimait à prévenir les injures par sa bonté, vive à les sentir, facile à les pardonner, Bossuet, Duch. d'Orl. Il vous est impossible, dites-vous, d'aimer sincèrement votre ennemi, et de lui pardonner de bonne foi l'injure que vous en avez reçue, Bourdaloue, 5e dim. après Pâq. Dominic. t. II, p. 186. Vous verrez tous les jours le chanoine insolent Au seul mot de hibou vous sourire en parlant ; Votre âme, à ce penser, de colère murmure ; Allez donc de ce pas en prévenir l'injure, Boileau, Lutr. III. Ses caresses n'ont point effacé cette injure, Racine, Bajaz. I, 1. … Vous en attendez quelqu'injure nouvelle, Racine, Andr. II, 1. De son temple détruit vengez sur eux l'injure, Racine, Esth. III, 4. On t'aime et tu murmures ! Souffrirai-je à la fois ta gloire et tes injures ? Racine, Iph. II, 8. Vous savez… Que je ne cherche pas à venger mes injures, Racine, Athal. II, 5. Il est difficile d'étouffer dans les commencements le sentiment des injures, La Bruyère, IV. Si l'injure faite aux vivants est plus nuisible, celle qu'on fait aux morts est plus lâche, Diderot, Claude et Nér. I, 108.

    Fig. Faire injure à, avec un nom de chose pour régime, déshonorer, flétrir cette chose. Elle s'indignerait de voir sa créature à l'éclat de son nom faire une telle injure, Corneille, Nicom. I, 2.

    Faire injure signifie aussi soupçonner injustement. À ma fidélité ne faites point d'injure, Corneille, Cid, III, 6.

  • 4Particulièrement, parole offensante, outrageuse. Vomir des injures. Charger quelqu'un d'injures. Celui qui jette une pierre contre des oiseaux les fera envoler ; ainsi qui dit des injures à son ami rompra l'amitié, Sacy, Bible, Ecclésiast. XXII, 25. Un homme sage est au-dessus de toutes les injures qu'on peut lui dire, Molière, Bourg. gent. II, 4. Les injures que vous me dites, Pascal, Prov. II. Je vous avertis, ma très chère, que vous n'aimez point à lire… je vous dis cette injure pour me venger de celle que vous m'avez faite, Sévigné, 608. Vous les verrez bientôt, féconds en impostures, Amasser contre vous des volumes d'injures, Boileau, Sat. IX. Je crains votre silence, et non pas vos injures, Racine, Andr. IV, 5. Et ton nom paraîtra, dans la race future, Aux plus cruels tyrans une cruelle injure, Racine, Brit. V, 6. Sa fureur contre vous se répand en injures, Racine, Phèd. IV, 4. Si ce n'est que cela, remettez-vous, mesdames, Je ne m'offense point des injures des femmes, Destouches, Phil. mar. II, 5. Si l'on doit laisser tomber les injures, il faut relever les faits, Voltaire, Lett. d'Argental, 5 févr. 1739. Les injures atroces n'ont jamais fait de tort qu'à ceux qui les ont dites, Voltaire, Conseil à L. Racine.

    Populairement. Se chanter mille injures, se dire toutes sortes d'injures.

  • 5À l'injure de, loc. adv. En insultant, Jovinien et ses sectateurs, qui, à l'injure du fils de Dieu, niaient la virginité de sa mère, Bossuet, Projet, Lett. de Boss. et de Leibnitz, 33.

HISTORIQUE

XIIIe s. Par les grans injures et par les grans rapines qui estoient faites en la prevosté, le menu peuple n'osoit demeurer en la terre le roy, Joinville, 296.

XIVe s. Que cette injure faicte à vous [Philippe le Bel] et à vostre pueple soit bien et souffisamment amendée, Requeste, dans Hist. litt. de la Fr. t. XXIV, p. 233. Quant à faire venjances ou punicions selon justice, il a moult grant difference se les injures sunt voluntaires ou involuntaires, Oresme, Eth. 150. Vous savez que de grant injure vient moult de foiz grant grace, Bercheure, f° 10.

XVIe s. Retablir une injure [injustice], Montaigne, I, 31. Les injures de la fortune, Montaigne, I, 83. Souffrir une injure [outrage], Montaigne, I, 119. Il fut tout un jour à l'outrager de paroles diffamatoires en plaine place, et à luy dire toutes les injures dont il se pouvoit adviser, Amyot, Péric. 8. Il y a ne sçay quoy de florissante nouveaulté qui empesche que l'injure du temps n'en empire la veue, Amyot, ib. 27. De crainte de venir aux injures et après aux mains, Lanoue, 557. Pour garantir l'armée de l'injure de l'hiver, Lanoue, 629. St Paul a repoussé les mensonges et fausses injures de ses accusateurs, Calvin, Inst. 1206. Action d'injure verbale ou par libelle diffamatoire se devra intenter en dedans l'an ; autrement, le dit an expiré, icelle action sera prescripte ; et l'injure reelle, que l'on dit blessure et navrure, danscinq ans, Nouv. coust. génér. t. II, p. 129.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. injuria, enjuria ; espagn. injuria ; ital. ingiuria ; du latin injuria, de in… 1, et jus, juris, droit.