« guérir », définition dans le dictionnaire Littré
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guérir
Et toutes, pour garir, se reforçaient de boire, Régnier, Sat. X.) v. a.
- 1Délivrer de maladie, faire revenir en santé.
Pour tout l'or du monde, il ne voudrait pas avoir guéri une personne avec d'autres remèdes que ceux que la faculté permet
, Molière, Pourc. I, 7.Je ne vois rien de plus ridicule qu'un homme qui se veut mêler d'en guérir un autre
, Molière, Mal. im. III, 3.Ami, depuis trois jours tu n'es d'aucune fête, Dit-elle, que fais-tu ? pourquoi veux-tu mourir ? Tu souffres ; l'on me dit que je peux te guérir ; Vis et formons ensemble une seule famille : Que mon père ait un fils, et ta mère une fille
, Chénier, Idylles, le Malade.Par extension. Guérir un rhume. Le quinquina guérit la fièvre d'accès.
Absolument.
Tu frappes et guéris, tu perds et ressuscites
, Racine, Athalie, III, 7.[Sydenham] guérissait parce qu'il avait de l'expérience et qu'il savait attendre
, Voltaire, Dict. phil. Fièvre.L'art de guérir, la médecine.
S'ils [les magistrats] avaient la véritable justice, si les médecins avaient le vrai art de guérir, ils n'auraient que faire de bonnets carrés : la majesté de ces sciences serait assez vénérable d'elle-même
, Pascal, Pensées, art. V, 9, édit. LAHURE, 1860.Fig. et familièrement. Cela ne guérit de rien, cela ne sert à rien.
On dit de même :
De quoi guérira, de quoi me guérira cela ? De quoi est-ce que tout cela guérit ?
Molière, Bourg. gent. III, 3. - 2 Fig. Guérir quelqu'un, faire disparaître en lui ce qui est comparé à une maladie.
La mail qui me blessait a daigné me guérir
, Corneille, Rodog. IV, 3.Je vais vous l'expliquer et veux bien vous guérir D'une erreur dangereuse où vous semblez courir
, Corneille, Nicom. IV, 5.Si l'aveuglement des peuples n'eût pas éte incurable, elle [la reine] aurait guéri les esprits, et le parti le plus juste aurait été le plus fort
, Bossuet, Reine d'Anglet.J'attends avec ardeur Cette eau sainte, cette eau qui peut guérir mon cœur
, Voltaire, Zaïre, III, 4.Guérir quelqu'un de quelque chose, lui ôter quelque inclination, quelque habitude qui n'est pas bonne.
Le plaisir que je prenais à le relire sans cesse me guérit un peu des romans
, Rousseau, Confess. I.Guérir de, se dit avec un infinitif.
Un soupir, une larme à regret épandue M'aurait déjà guéri de vous avoir perdue
, Corneille, Poly. II, 2.Il se dit aussi des choses qu'on guérit.
J'ai peur que je ne vous épouvante trop, et que le remède dont je veux guérir votre ennui [chagrin] ne soit plus violent que le mal
, Voiture, Lett. 14.Le temps, qui guérit tout, guérira tes douleurs
, Godeau, Poésies, 2e part. 2e églogue.Aussitôt qu'un État devient un peu trop grand, Sa chute doit guérir l'ombrage qu'elle [Rome] en prend
, Corneille, Nicom. V, 1.Du prince la raison a guéri le caprice
, Rotrou, Vencesl. III, 6.Le trépas vient tout guérir ; Mais ne bougeons d'où nous sommes ; Plutôt souffrir que mourir, C'est la devise des hommes
, La Fontaine, Fabl. I, 16.Les hommes, n'ayant pu guérir la mort, la misère, l'ignorance, se sont avisés, pour se rendre heureux, de ne point y penser
, Pascal, Pensées, IV, 2, édit. LAHURE, 1860.Par le travail, on charmait l'ennui, on guérissait la langueur de la paresse et les premières rêveries de l'oisiveté
, Bossuet, Anne de Gonz.Le monde endort les chagrins, mais il ne les guérit pas
, Massillon, Avent, Afflict.J'ai révélé mon cœur au Dieu de l'innocence ; Il a vu mes pleurs pénitents ; Il guérit mes remords, il m'arme de constance ; Les malheureux sont ses enfants
, Gilbert, Ode imitée de plusieurs psaumes. - 3 V. n. Recouvrer la santé.
Il [le médecin] m'ordonne des remèdes, je ne les fais pas et je guéris
, Molière, Mot cité en note au troisième placet au roi sur le Tartuffe, Œuv. compl. édit. variorum de 1862.C'était demander à un mourant s'il voulait guérir
, Voltaire, Louis XIV, 22.Fig.
L'auditeur peut avoir de la commisération pour Antiochus, pour Nicomède, pour Héraclius ; mais, s'il en demeure là, et qu'il ne puisse craindre de tomber dans un pareil malheur, il ne guérira d'aucune passion
, Corneille, 2e disc.Je guéris, et mon cœur, en secret mutiné, S'imposa cet exil dans un séjour champêtre
, Corneille, Œdipe, IV, 4.Le sage guérit de l'ambition par l'ambition même
, La Bruyère, II.Les femmes guérissent de leur paresse par la vanité ou par l'amour
, La Bruyère, III.Athènes tomba, parce que ses erreurs lui parurent si douces qu'elle ne voulut pas en guérir
, Montesquieu, Rom. 8.Il est des blessures Dont un cœur généreux peut rarement guérir
, Voltaire, Tancr. V, 3.Familièrement. On ne guérit point de la peur, de l'ivrognerie, de la passion du jeu, etc. c'est-à-dire être peureux, ivrogne, joueur, sont des défauts qui ne se corrigent pas. Et activement : On ne guérit point la peur, l'ivrognerie, etc.
- 4Il se dit des maladies qui s'en vont. Cette blessure est légère et guérira bientôt.
- 5Se guérir, v. réfl. Être guéri. Il est des maladies dont on ne peut se guérir.
Nous guérissons infailliblement tous ceux qui se guérissent d'eux-mêmes
, Voltaire, Dict. phil. Maladie.Fig.
Par le commerce ils se seraient éclairés à la Chine, humanisés dans l'Inde, guéris de tous leurs préjugés avec les Européens
, Raynal, Hist. phil. II, 7. - 6Recevoir guérison, en parlant de la maladie, de la lésion. Son mal se guérit. Ces fièvres se guérissent par le quinquina.
- 7Se procurer la guérison à soi-même. Il s'est guéri par sa persévérance à suivre le régime qui lui avait été recommandé.
Fig.
Sitôt que sur un vice ils pensent me confondre, C'est en me guérissant que je sais leur répondre
, Boileau, Épît. VII.
PROVERBES
C'est un saint qui ne guérit de rien, se dit d'un homme qui a peu de crédit.
Médecin, guéris-toi toi-même, c'est-à-dire gardez pour vous-même les avis que vous donnez aux autres.
Quand on est mort, c'est pour longtemps ; On est guéri du mal de dents, De la potence et du carcan, Anc. chanson.
HISTORIQUE
XIe s. Charles respond : Encor porrat garir [se sauver, se garantir]
, Ch. de Rol. X. [Toi] Qui Daniel des lions guaresis
, ib. CLXXIII. Assoudrai vous pur vos ames guarir
, ib. LXXXVII. Deus le guarit qu'al cors [l'épieu] ne l'a toché
, ib. CI. Nel puet guarir ses escuz ne sa broine [cuirasse]
, ib. CXV.
XIIe s. Garisez s'ame de peine et de torment
, Ronc. p. 103. Car nus [nul] n'ert [ne sera] jà de ces douz maus garis, Se il n'est touz de fine amor espris
, Couci, p. 125. Mult malades [il] guari de sun relief demaine [par son secours souverain] ; La fille à un riche humme en devint tute saine, Qui out esté fievrose mainte lunge semaine
, Th. le mart. 95. Abisaï le fiz Sarvie guarid [garantit] le rei e ferid cel vassal. si l'ocist, Rois, p, 203. Ysaias cumandad que l'um figes li portast, si en fist un emplastre, e fist la mettre sur un clou que li reis out ù il se doleit, si en guarrid
, ib. 417.
XIIIe s. Ne te gariroit pas tout li ors de Baviere, Que cest bois ne te soit à tousjours mais litiere
, Berte, X. De prester à usure mout bien nous guerirons [nous nous soutiendrons bien en prêtant]
, ib. LXXVII. D'une pierre fu li mordens [agrafe] Qui garissoit du mal des dens
, la Rose, 1084.
XIVe s. À Nicaise de Boussut, qui fut navré de mons. Willaume de Masteng, pour li faire warir…
, Caffiaux, Abattis de maisons, p. 9.
XVIe s. La chaussure patricienne ne guarit pas de la goutte aux pieds
, Amyot, Morales, t. I, p. 106, dans RAYNOUARD, Lexique. Je le pansay, Dieu le guarit, Mot d'Ambroise Paré.
ÉTYMOLOGIE
Picard, garir ; Berry, garir, guarir ; provenç. garir, guarir, guerir ; ital. guarire ; du germanique : goth. warjan ; anc. h. allem. werjan ; allem. mod. wehren, défendre, protéger, ce qui est aussi le sens propre et primitif de guérir.