« crédit », définition dans le dictionnaire Littré

crédit

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

crédit

(kré-di ; le t ne se lie pas dans le parler ordinaire ; au pluriel, l's se lie : les cré-di-z ouverts) s. m.
  • 1Confiance en la solvabilité. Le crédit est l'âme du commerce. Notre trio [de marchands] poussa maint regret inutile, Ou plutôt il n'en poussa point ; Le plus petit marchand est savant sur ce point : Pour sauver son crédit, il faut cacher sa perte, La Fontaine, Fabl. XII, 7. Les Allemands que le fidèle Sancy avait levés sur son propre crédit, Anquetil, Ligue, III, 84. L'on sait qu'une personne qui a du crédit emprunte à meilleur marché qu'une personne qui n'en a pas, J. B. Say, Traité, 1841, p. 388.

    Faculté d'obtenir des prêts ; disposition des détenteurs de capitaux à en faire l'avance à ceux qui les demandent. Le crédit règne dans un pays lorsque les prêts y sont abondants et faciles. Un particulier a du crédit lorsqu'il emprunte facilement les fonds dont il a besoin.

    Crédit personnel, celui qui dépend du caractère personnel et des facultés de l'emprunteur. Crédit réel, celui qui repose sur des sûretés spéciales. Crédit hypothécaire.

    Crédit agricole, industriel, commercial, celui qui procure des avances à l'agriculture, à l'industrie, au commerce. Crédit foncier, territorial, celui qui prête à la propriété foncière.

    Société générale du crédit mobilier, société destinée à faire des prêts sur dépôts de valeurs mobilières, actions, coupons de rentes, etc.

    Crédit public, confiance dont jouit un gouvernement pour le payement des intérêts de sa dette, pour les emprunts à faire, etc. La France et l'Espagne ont leurs trésors ; l'Angleterre, un grand crédit national, Raynal, Hist. phil. XVIII, 50. L'usage du crédit public, quoique ruineux pour tous les États, ne l'est pas pour tous au même point, Raynal, ib. XIX, 11. Le crédit public, comme le crédit personnel, consiste dans la persuasion où est le public, que le débiteur, qui est l'État, s'acquittera fidèlement des engagements qu'il a contractés envers ses créanciers, J. B. Say, Cours, t. II, p. 443, 1840.

    Prêter son crédit à quelqu'un, engager sa signature, s'obliger pour faire emprunter à quelqu'un une somme.

    Crédit est mort, on ne prête plus, c'est-à-dire on ne vend que contre argent.

    Fig. Notre siècle vit sur le crédit du siècle de Louis XIV, Voltaire, Lett. à Mme Dubocage, 3 sept. 1758.

  • 2Terme que le créancier accorde à son débiteur. Accorder un long crédit. Acheter, vendre des marchandises à crédit, c'est-à-dire sans payement immédiat. Mais nous avons là vingt bouteilles, Et le traiteur nous fait crédit, Béranger, Fortune. On achète des étoffes à crédit, Pascal, Prov. 8. Je lui ferai crédit de trois mois, Sévigné, 74. Votre plaisir serait-il qu'à crédit J'en puisse avoir, non pas pour grosse somme ? La Fontaine, Comment l'espr. Les sauvages, pendant l'été, mettent leurs chiens en pension, à crédit, chez des gardiens, Chateaubriand, Amér. 275. Mon hôte à crédit me traite ; J'ai bonne chère et vin vieux, Béranger, Homme rangé.

    Familièrement. Faire crédit de la main à la bourse, ou depuis la main jusqu'à la bourse, ne livrer sa marchandise que contre payement.

    Fig. Faire crédit d'une chose, en dispenser. Je fais crédit à mon fils de cette reconnaissance, Sévigné, dans le Dict. de BESCHERELLE.

    Fig. À crédit, inutilement, sans fondement. C'est jouer en amour un mauvais personnage Et se rendre après tout misérable à crédit, Molière, le Dép. I, 2. Mais les gens de mon air, marquis, ne sont pas faits Pour aimer à crédit et faire tous les frais, Molière, Mis. III, 1. Qui peut trouver moyen d'être fait de la sorte Ne soupire guère à crédit, Molière, Psyché, III, 1. Cela se dit à crédit et sans démonstration, Patin, Lettres, 727.

    Elle a pris à crédit un pain sur la fournée, se dit d'une fille devenue grosse avant le mariage.

  • 3Somme mise à la disposition de quelqu'un dans une banque, chez un commerçant.

    Ouvrir un crédit à quelqu'un, et aussi faire un crédit à quelqu'un, l'autoriser à toucher à une caisse, jusqu'à concurrence d'une somme déterminée, et aussi s'obliger à prêter sur demande à la personne désignée une somme à des conditions déterminées. Avoir un crédit chez un banquier, être autorisé à toucher chez lui une certaine somme.

    Lettre de crédit, lettre dont le porteur peut toucher de l'argent chez ceux à qui elle est adressée.

    Terme d'administration. Somme allouée, pour tel usage déterminé, par voie de budget. Crédit ordinaire, supplémentaire, extraordinaire, etc.

  • 4La page droite d'un livre de compte qui s'intitule avoir, et où l'on écrit ce qui est dû à quelqu'un, ce qu'on a reçu de quelqu'un par opposition à débit, partie d'un compte où l'on porte ce qui a été fourni à quelqu'un ou payé à quelqu'un. Tout compte courant est tenu par crédit et par débit. Portez cet article à mon crédit.

    Avoir crédit en banque, être inscrit comme créancier sur les livres de la banque.

    Crédit se dit aussi pour signifier la note de ce qu'un marchand doit faire entrer à son profit dans le tableau d'un compte, et encore la note de tous les articles qui doivent être portés en recette sur un compte.

  • 5 Terme de commerce et de banque. Confiance dont jouissent certains effets sur la place. Les billets de cette compagnie prennent crédit.
  • 6Considération, influence dont jouit une personne. Elle aura du crédit en l'empire d'amour, Régnier, Sat. VII. La fameuse Macette, à la cour si connue, Qui s'est aux lieux d'honneur en crédit maintenue, Régnier, Sat. XII. Quelque peu de crédit que chez vous il obtienne, Corneille, Poly. I, 3. Et vous pensez par là leur ôter tout crédit, Corneille, Nicom. III, 5. Mais pour peu qu'il m'aimât, du moins il m'aurait dit Que je garde en son âme encor quelque crédit, Corneille, Tite et Bérén. II, 7. Certes, vous m'allez mettre en crédit par la ville, Corneille, le Ment. III, 5. [Il] Passe pour homme illustre et se met en crédit, Corneille, ib. I, 6. Si mon crédit peut obtenir sa grâce, Rotrou, Bélis. I, 2. Ah ! ma sœur ! si sur vous je puis avoir crédit, Molière, le Dép. II, 3. Rome où Diana [un casuiste] est en si grand crédit, Pascal, Prov. 6. Par le crédit qu'ils ont dans le monde, Pascal, ib. 15. Si j'avais du crédit en France, Pascal, ib. 2. Sauver la vérité sans perdre notre crédit, Pascal, ib. Les jésuites ont assez bonne opinion d'eux-mêmes, pour croire qu'il est utile et comme nécessaire au bien de la religion, que leur crédit s'étende partout et qu'ils gouvernent toutes les consciences, Pascal, ib. 5. Ils s'acquirent un grand crédit par la pureté de leur doctrine, Bossuet, Hist. II, 5. M. Colbert commença à prendre auprès du roi le crédit qui le rendit depuis le premier homme de l'État, La Fayette, Henriette d'Anglet. Œuvres, t. III, p. 112, dans POUGENS. Pour se mettre en crédit auprès du roi, Hamilton, Gramm. 8. Par l'entremise de quelque personne d'autorité et de crédit sur son esprit, Fléchier, Serm. I, 295. Je vois mes honneurs croître et tomber mon crédit, Racine, Brit. I, 1. Princesse, en leur faveur employez mon crédit, Racine, Esth. III, 5. Son adroite vertu ménage son crédit, Racine, Brit. IV, 4. … à peine elle vous vit Que votre exil d'abord signala son crédit, Racine, Phèd. I, 1. Ils ne souhaitent point de voir les méchants en crédit, Fénelon, Tél. VIII. Un amant mort pour nous nous mettrait en crédit, Regnard, Joueur, II, 11. Le crédit impérieux qui voudrait envahir avec orgueil et violence des honneurs destinés à la réunion du mérite et des vertus, D'Alembert, Éloges, Lang. de Gergy. Alvarez aurait-il assez peu de crédit ? Voltaire, Alz. IV, 3. Ce crédit si vanté doit-il durer toujours ? Voltaire, Tancr. I, 4.
  • 7Autorité dont jouit une chose. Mettre une nouvelle, une opinion en crédit, la répandre, lui donner de l'autorité ; lui donner du crédit, la confirmer. Quand cette femme aurait dit vrai Dans une chambre tapissée, On s'en serait moqué ; la vogue était passée Au galetas ; il avait le crédit, La Fontaine, Fabl. VII, 15. Et voir si ce n'est point une vaine chimère Qui sur ses sens troublés ait su prendre crédit, Molière, Amph. III, 1. La fable en son nom la demande ; Vous savez quel crédit ce mensonge a sur nous, La Fontaine, Fabl. VII, dédic. Tant d'autres histoires qui ont eu crédit au monde, Pascal, Juifs, 5. C'est de la prose rimée qu'Horace a mise en crédit, Sévigné, 293. Votre rang ne donnait-il pas du crédit à vos passions et à vos exemples ? Massillon, Myst. Misér.
  • 8Créance, confiance. Je crois sur sa parole et lui dois tout crédit, Corneille, Sert. II, 4. Donnez-vous à l'erreur encor quelque crédit ? Corneille, Héracl. IV, 4. N'écoute pas tout ce qu'on dit, Et souviens-toi qu'une âme forte Donne malaisément crédit à ces bruits indiscrets où la foule s'emporte, Corneille, Imit. I, 4. Quand son instruction est salutaire et bonne, Donne-lui prompt crédit, Et, sans examiner quel maître te la donne, Songe à ce qu'il te dit, Corneille, ib. I, 5. Des gens à qui l'on peut donner quelque crédit, Molière, Éc. des maris, II, 3.

SYNONYME

CRÉDIT, FAVEUR. Le crédit est, proprement et étymologiquement, la confiance qu'inspire notre solvabilité, et qui fait qu'on nous prêtera de l'argent et, figurément, qu'on aura pour nos avis ou nos demandes une déférence méritée par notre caractère, par notre position, par notre talent, etc. Au contraire la faveur est toute gratuite ; c'est un sentiment favorable qu'on a pour nous. On dit la faveur du prince, le crédit d'un ministre. Le crédit de Sully triompha souvent de la faveur des maîtresses.

HISTORIQUE

XVe s. Deux chevaliers qui avoient grant credit avecques ledit conte de Charolois, Commines, I, 2. Ceux qui gouvernoient ledit roy appellerent en cour, en authorité et à credit, ledit duc de Lorraine, pour en avoir part et aide, Commines, VII, 1.

XVIe s. Qui pour acquerir le nom de sçavans, traduisent à credit les langues, dont jamais ils n'ont entendu les premiers elements, Du Bellay, J. I, 9, recto. Qu'on aille donc maintenant baiser les reliques au credit de si lourds menteurs, Calvin, Instit. 151. Les oracles avoient commencé à perdre leur crédit, Montaigne, I, 42. Qu'il ne loge rien en sa teste par simple auctorité et à credit, Montaigne, I, 162. Et craignoient tous, à credit, un que personne n'avoit veu, La Boétie, 56. Et si on considere combien la pluspart des hommes sont aujourd'hui mal montez et mal dextres à la lance, on aura honte de les mettre en un corps simple, qui est autant que se faire battre à credit, Lanoue, 293. Quand ces paradoxes auront esté bien examinez, aucuns leur donneront paravanture autant de credit qu'à l'opinion vulgaire, Lanoue, 307. En ce pays-là le charroy n'a point de credit, et n'y en peult-on mener, Carloix, X, 24. Nous croyons, jugeons, agissons, vivons, et mourons à credit, selon que l'usage public nous apprend, Charron, Sagesse, I, 17. Homme et femme conjoincts par mariage sont uns et communs en biens, meubles, debtes et credits faits tant devant leur mariage que durant, Coust. génér. t. I, p. 919. Toutes leurs debtes et credites, ib. t. II, p. 260. Je m'adresseray à ceux qui n'en parlent point à credit, ains semblent avoir de quoy payer, H. Estienne, Apol. d'Hérod. Préface. Servir Dieu à credit et par procureur, Cotgrave Assez a qui bon credit a, Cotgrave

ÉTYMOLOGIE

Ital. credito, du latin credere, croire (voy. CROIRE).