« couver », définition dans le dictionnaire Littré

couver

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

couver

(kou-vé) v. a.
  • 1Se tenir sur les œufs pour les faire éclore, en parlant des femelles des oiseaux. La poule a couvé tant d'œufs. J'avais d'abord regardé comme une fable ce que Diodore rapporte de l'industrie des Égyptiens, qui savaient, par une fécondité artificielle, faire éclore des poulets, sans faire couver les œufs par des poules ; mais tous les voyageurs modernes attestent la vérité de ce fait, Rollin, Hist. anc. Œuvres, t. I, p. 98, dans POUGENS.

    Absolument. Cette poule veut couver. Elle bâtit un nid, pond, couve et fait éclore, à la hâte ; le tout alla du mieux qu'il put, La Fontaine, Fabl. IV, 22. Il [Diphile] retrouve ses oiseaux dans son sommeil : lui-même il est oiseau, il est huppé, il gazouille, il perche, il rêve la nuit qu'il mue ou qu'il couve, La Bruyère, XIII.

  • 2 Fig. Entretenir avec soin et mystère. Ennuyés de couver leur cruelle manie, Malherbe, II, 1. Ce fier serpent qui couve un venin sous des fleurs, Régnier, Sat. VI. Je vous avoue, ma très aimable chère, que je couve une grande joie, mais elle n'éclatera point que je ne sache votre résolution, Sévigné, 183. N'est-ce pas sous un beau semblant d'obéissance et de modestie couver la rébellion et la violence dans le sein ? Bossuet, Var. Avert. V, § 14. Vous avez couvé le feu profane dans votre cœur, Massillon, Car. Tiédeur, 2. L'ouvrage d'un scélérat qui couvait de mauvais desseins, Rousseau, 1er dial. Je vois sur votre visage cette méditation profonde qui couve les germes du génie et les dispose à la fécondité, Marmontel, Contes mor. Connaiss. Quel que soit le destin que couve l'avenir, Terre [Italie], enveloppe-toi de ton grand souvenir, Lamartine, Harm. II, 3.

    Couver des yeux, regarder avec plaisir, avec convoitise. Lorsqu'il est jaloux de son trésor et qu'il le couve des yeux, Descartes, Pass. 169. Telle prenait Goût à le voir et des yeux le couvait [un jouvenceau], Lui souriait, faisait la complaisante, La Fontaine, Psaut. Messire Jean Chouart couvait des yeux son mort, Comme si l'on eût dû lui ravir ce trésor, La Fontaine, Fabl. VII, 1. Gaillard corbeau disait en le couvant des yeux [un mouton] : Je ne sais qui fut ta nourrice, La Fontaine, ib. II, 16.

    Préparer, renfermer dans son sein. Ces grands mouvements Couvent, en leurs fureurs, de piteux changements, Régnier, Sat. IV. L'air calme couve une pluie, Descartes, Météor. 2.

    Familièrement. Couver une maladie, porter en soi les germes d'une maladie qu'on craint de voir apparaître.

  • 3 V. n. Être entretenu sourdement, préparé en silence, sans paraître. Le feu couve sous la cendre. Tant qu'aucun souffle ne l'éveille, L'humble foyer couve et sommeille, Lamartine, Médit. II, 6.

    Fig. C'est un feu qui couve sous la cendre, se dit d'une passion, d'une haine prête à se réveiller. C'est le feu de l'Etna qui couvait sous la cendre, Voltaire, Catil. V, 3. Le feu terrible qui paraissait presque éteint couvait sous la cendre, pour éclater bientôt avec plus de fureur que jamais, Rousseau, Ém. V.

    Il faut laisser couver cela, il ne faut le faire qu'après de mûres réflexions.

  • 4Se couver, v. réfl. Être en sourde préparation. Ne mettez point d'obstacle aux choses qui se couvent, Bossuet, Devoirs, 2. Tous les gens un peu pénétrants virent bien qu'il se couvait, au sujet de mon livre et de moi, quelque complot qui ne tarderait pas d'éclater, Rousseau, Conf. X.

HISTORIQUE

XIIIe s. Ce sunt cil qui en leur cuer covent leur malice, Psautier, f° 37. Chose que li ton cuer covoit, Ren. 5720. Une geline oï cover, Qui desoz li avoit douze oes [œufs], ib. 23388. Tel mal ai dedenz moi cové, Par quoi me covendra finer ; Bien voi ne puis longues durer, ib. 8058. Quatre loviax gisent enmi, Et ma dame Hersent la love, Qui ses loviax norrist et cove, ib. 361. Car bien est ores esprouvée La traïson qu'avez couvée, la Rose, 2954. Com plus couve li feus, plus art, Rutebeuf, 38.

XIVe s. La très grant traïson qu'il ont longtemps covée Fu en l'ost dessus dit très clairement provée, Complainte sur la bataille de Poitiers, Bibl. des Chartes, 3e série, t. II, p. 261. Et ainsi [le feu d'amour] se queuve et engendre, Com li charbons desouz la cendre, Machaut, p. 85. Et en droite aventure, je vous acertefie, Met-on les oefs couver, on l'a dit mainte fie, Guesclin. 4460.

XVIe s. Je me couve continuellement de mes pensées, et les couche en moy, Montaigne, I, 78. Les tortues et les autruches couvent leurs œufs de la seuie vue, Montaigne, I, 101. Les accoustrements nous eschauffent de nostre chaleur, laquelle ils sont propres à couver et nourrir, Montaigne, I, 319. Un vieillard se faict tort et aux siens de couver inutilement un grand tas de richesses, Montaigne, II, 76. Il couvoit de longtemps en son cœur le paganisme, Montaigne, III, 83. Que je couve quelque maladie causée d'excès, Yver, p. 582. Cela descouvrit la maladie cachée et secrette, qui de long temps se couvoit en la ville de Rome, Amyot, Marius, 62. Les plus temeraires se prirent à crier que Crispinus ne couvoit rien de bon en son cueur, Amyot, Othon, 4. La poule couvante ne les poussins esclos ne peuvent souffrir l'incommodité d'un mauvais logis, De Serres, 358. Qui te retient, disoy je, ainsi tard endormie ? Tu ne dois si longtemps en paresse couver ; La femme d'un vieillard matin se doit lever, Desportes, Œuvres, p. 327, dans LACURNE. Elle y peut bien pondre, mais elle n'y couvera pas, Cotgrave

ÉTYMOLOGIE

Berry et normand, couer ; saintong. coûer ; wallon, cover ; génev. gonver ; Franche-Comté, gouver ; provenç. coar ; catal. covar ; ital. covare ; du latin cubare, être couché.