« conversation », définition dans le dictionnaire Littré

conversation

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

conversation

(kon-vèr-sa-sion ; en poésie, de cinq syllabes) s. f.
  • 1Échange de propos sur tout ce que fournit la circonstance. Bien écouter et bien répondre est une des plus grandes perfections qu'on puisse avoir dans la conversation, La Rochefoucauld, Max. 139. Il est dangereux de vouloir être toujours le maître de la conversation et de pousser trop loin une bonne raison quand on l'a trouvée, La Rochefoucauld, Réflexions diverses, p. 129, dans POUGENS. Il faut que la conversation soit un peu flatteuse avec les femmes et qu'il y ait je ne sais quoi de retenu, Chevalier de Méré, dans RICHELET. Ces conversations ne font que m'ennuyer ; Et c'est trop que vouloir me les faire essuyer, Molière, Mis. II, 4. Il ne voulait point entrer en conversation, Hamilton, Gramm. 4. Elle entrerait aisément en conversation, Sévigné, 419. J'ai eu une heure de conversation avec M. de Pomponne, Sévigné, 116. Il a eu une conversation d'une heure avec le roi, Sévigné, 134. Elle n'engage pas la conversation, Bossuet, Dév. 2. Un esprit de raillerie inconsidérée qui naît parmi l'enjouement des conversations, Bossuet, la Vallière. Il se hâtait de tourner la conversation sur quelque autre matière, Fénelon, Tél. XXIII. L'esprit de conversation consiste bien moins à en montrer beaucoup qu'à en faire trouver aux autres, La Bruyère, V. Il a de la fécondité dans la conversation, simple, naturel, mettant les gens à leur aise, Voltaire, Lett. Mme d'Argental, 18 avril 1766. Vous trouverez des devins si habiles qu'ils vous diront toute votre vie, pourvu qu'ils aient seulement eu un quart d'heure de conversation avec vos domestiques, Montesquieu, Lettres pers. 58. L'esprit régulier du géomètre toisait tout ce qui se disait dans la conversation, Montesquieu, ib. 128. L'auteur a un mérite infaillible pour être lu, le mérite rare de faire conversation avec son lecteur, D'Alembert, Éloges, Abbé de Choisi. La conversation avait au suprême degré, chez Mme de Lambert, le vrai mérite qui lui est propre, celui de n'avoir ni ton ni caractère exclusif, D'Alembert, Éloges, St-Aulaire. Il est assez ordinaire aux personnes à qui le ciel a donné de l'esprit et de la vivacité, d'abuser des grâces qu'elles ont reçues ; elles se piquent de briller dans les conversations, de réduire tout à leur sens, et d'exercer un empire tyrannique sur les opinions, Fléchier, Mme de Montausier.

    Changer la conversation, faire quitter à la conversation un sujet qui, pour un motif ou un autre, déplaît et ne doit pas être continué.

    Être à la conversation, y prendre part, y être attentif.

    Conversation politique, échange, dans le parlement anglais et par suite dans les autres assemblées parlementaires, de paroles entre quelque membre et le ministère, à l'effet d'obtenir un renseignement.

    Dans les lieux où l'on prend les eaux, maison de conversation, local où les étrangers se réunissent.

  • 2Manière de converser. Il me parut homme de conversation, Sévigné, 39. L'hôtesse me parut une personne de fort bonne conversation ; je lui demandai fort comme vous étiez la dernière fois, Sévigné, 348. De beaux seigneurs qui n'ont point de conversation, Voltaire, Taureau, 2.

    Conversation criminelle, intimité adultère. Dans cette locution qui nous vient d'Angleterre, conversation est pris au sens qu'il avait dans l'ancien français, fréquentation.

SYNONYME

CONVERSATION, ENTRETIEN, DIALOGUE, COLLOQUE. La conversation se dit de quelque discours mutuel que ce puisse être, au lieu que entretien se dit d'un discours mutuel sur un objet déterminé ou sur un objet important. Dialogue est propre aux conversations dramatiques ou aux conversations qu'on y assimile. Colloque s'applique spécialement aux conversations polémiques et publiques où l'on traite de matières de doctrine.

HISTORIQUE

XIIe s. Humle est sa conversations [manière de vivre] ; Nus [nul] ne done plus larges dons, Benoit de Sainte-Maure, II, 6191.

XIIIe s. Preudon et loiaus, de bonne conversation et de bonne vie, Liv. des mét. 264. Mesiel [lépreux] ne doivent pas estre oï en tesmoignage ; car coustume s'acorde qu'il soient debouté de la conversation d'autres gens, Beaumanoir, XXXIX, 33.

XIVe s. Considerans la bonne vie, renommée et honneste conversacion, qui nous a esté tesmoignée de sa personne, Lett. de rémission, Bibl. des Chartes, Ve série, t. I, p. 82. Ceulx qui superhabundent en ire sont de dure et forte conversacion et ne pevent pas si bien convivre avecques les autres, Oresme, Eth. 129. Et en bonnes fortunes la presence de ses amis luy fait avoir conversacion delettable, Oresme, ib. 290. À tele amisté convient lonc temps et longue acoustumance ou conversacion, Oresme, ib. 235.

XVe s. En ce temps que je dis, avoit en la ville de Gand deux vaillans hommes sages et prudhommes de bonne vie et de bonne conversation, Froissart, II, II, 239. Les requestes et fins des seigneurs estoient d'entrer dedans Paris pour avoir conversation et amytié avec eulx [les habitants de Paris] sur le fait de la reformation du royaulme, Commines, I, 8. Il se gouvernoit outre la regle et bonne et honneste conversation de prestres, Louis XI, Nouv. XCIV.

XVIe s. La seconde fin est, que les bons ne soyent corrompus par la conversation [fréquentation] des mauvais, comme il advient souventesfois, Calvin, Instit. 988. Puis après, la longue conversation par laps de temps y ayant imprimé la passion d'amour, il la cherit et l'aime plus tendrement qu'il n'avoit proposé du commencement, Amyot, De la vertu morale, 19. Conversation en jeunesse, fraternité en vieillesse, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 277.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. conversatio ; espagn. conversacion ; ital. conversazione ; du latin conversationem, de conversari, converser.