« champ », définition dans le dictionnaire Littré

champ

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

champ [1]

(chan ; prononciation qui est celle qu'au XVIe siècle Palsgrave indique, p. 24 ; le p ne se lie jamais : un champ aride, dites : un chan aride ; au pluriel l's se lie : des chan-z arides) s. m.
  • 1Espace ouvert et plat. Du haut du Pic du Midi un champ immense s'étend devant les yeux.

    Champ de foire, l'emplacement où se tient une foire.

    Champ de course, espace où se font des courses de chevaux.

    Champ du repos, cimetière.

    Champ de Mars, lieu, à Rome, consacré à des exercices militaires et à des réunions populaires. Le peuple au champ de Mars nomme les magistrats, Racine, Brit. I, 2.

    Aujourd'hui, champ de Mars, lieu destiné à faire manœuvrer des troupes.

    Champ de mars, de mai, assemblées que tenaient en mars ou en mai les rois francs pour régler les affaires de l'État.

    Champs Élysées, Élysiens ou Élyséens, séjour des âmes heureuses, selon les païens.

  • 2Pièce de terre labourable. Petit champ. Champs cultivés. Champ fertile, stérile, labouré, fumé, ensemencé, moissonné. Remuez votre champ dès qu'on aura fait l'oût : Creusez, fouillez, bêchez, La Fontaine, Fabl. V, 9. Si le possesseur de ces champs Vient… Le possesseur du champ vient avecque son fils : Ces blés sont mûrs, dit-il, La Fontaine, ib. IV, 22. Le lièvre et la perdrix, concitoyens d'un champ, Vivaient dans un état, ce semble, assez tranquille, La Fontaine, ib. V, 17. Tel qu'un ruisseau docile Va rendre tout un champ fertile, Racine, Esth. II, 9.

    Fig. Nous devons l'apologue à l'ancienne Grèce : Mais ce champ ne se peut tellement moissonner, Que les derniers venus n'y trouvent à glaner, La Fontaine, Fabl. III, 1. Le champ de la nature ne peut s'épuiser, et l'on y trouve toujours des moissons nouvelles, Chateaubriand, Génie, I, V, 4.

  • 3 Au plur. La campagne en général. Maison des champs. Travaux des champs. Vie des champs. Un homme des champs. Mener les bêtes aux champs. Aller aux champs, en parlant des troupeaux. Chemin qui va à travers champs. Quand on les envoie à leurs maisons des champs, Pascal, Div. 2. Votre maître de musique est allé aux champs, et voilà une personne qu'il envoie à sa place, Molière, Mal. im. II, 4. L'innocence des champs est-elle votre fait ? La Fontaine, Fabl. VII, 2. Autrefois le rat de ville Invita le rat des champs, La Fontaine, ib. I, 9. Tigres dans les forêts, alouettes aux champs, La Fontaine, ib. IV, 22. Mangez ce grain, et croyez-moi. Les oiseaux se moquèrent d'elle : Ils trouvaient aux champs trop de quoi, La Fontaine, Fabl. I, 8.

    D'après de Caillières, en 1690 : Je m'en vais aux champs ; Il est à sa maison des champs, étaient des façons de parler bourgeoises. Mais les meilleurs auteurs s'en servaient de son temps, et l'usage les a conservées.

    Être aux champs et à la ville, être logé de façon à jouir des agréments de la campagne.

    Fig. Avoir, donner, prendre la clef des champs, avoir la liberté de s'en aller, la donner, la prendre.

    Avoir un œil aux champs et l'autre à la ville, veiller à tout.

    Poétiquement, les champs, un pays, un canton. Un autre vous dirait que dans les champs troyens Nos deux pères sans nous formèrent ces liens, Racine, Andr. IV, 5. Ô rives du Jourdain, ô champs aimés des cieux, Racine, Esth. I, 2. Ô fortuné séjour, ô champs aimés des cieux ! Que pour jamais foulant vos prés délicieux, Ne puis-je ici fixer ma course vagabonde, Et, connu de vous seuls, ignorer tout le monde ! Boileau, Ép. VI.

    En plein champ, au milieu de la campagne, loin de toute habitation.

    À travers champs ou à travers les champs, en s'écartant de la route battue ou du chemin frayé pour aller plus directement à son but, en traversant les champs. Aller à travers champs, La Bruyère, VI.

    Fig. À travers champs, sans ménagement, en désordre, ou par des voies détournées du droit chemin. D'un certain magister le rat tenait ces choses, Et les disait à travers champs, La Fontaine, Fabl. VIII, 9.

    Se sauver à travers champs, essayer d'échapper par des subterfuges à une question pressante.

    Familièrement. Courir les champs, errer dans la campagne.

    Fig. Quitter son logis, errer de lieux en lieux. Mme de Mazarin court les champs de son côté, Sévigné, 240. Et dans un autre sens figuré, être compromis. Son honneur ? ah ! il y a longtemps qu'il court les champs.

    Fou à courir les champs, réellement fou.

    Fig. et familièrement. Être aux champs, être en colère ou en grande perplexité. Un rien le met aux champs. Il se met aux champs pour rien. Voilà M. le duc aux champs et le roi en colère qui voulut savoir qui était du souper, Saint-Simon, 42, 248.

  • 4 Terme militaire. Battre aux champs, battre la marche, ou pour rendre les honneurs. Quand le duc d'Anjou [roi d'Espagne] sortait ou rentrait, la garde battait aux champs, Saint-Simon, 83, 83.

    Fig. Battre aux champs, prendre la campagne. L'armée est assez forte Pour faire corps et battre aux champs, La Fontaine, Coupe.

  • 5Le lieu où se livre une bataille. Champ de bataille. Quitter le champ de bataille. Mourir ou rester sur le champ de bataille. Laissant le champ libre à l'ennemi. Le prince au champ de Mars, Chaque jour, chaque instant, s'offre à mille hasards, Corneille, Héracl. I, 1. Dans ton champ de bataille, aux yeux de ton armée, Corneille, Rod. IV, 4. Toi qui connais ce peuple et sais qu'aux champs de Mars Lâchement d'une femme il suit les étendards, Corneille, ib. II, 2. Quel champ couvert de morts me condamne au silence ? Racine, Iphigén. IV, 4. Qu'il me tarde déjà d'être au champ de la gloire, D'aller aux ennemis arracher la victoire ! Regnard, Folies amour. III, 10. Un guerrier expirant au champ d'honneur, dans la force de l'âge, peut être superbe [en statue], Chateaubriand, Génie, III, I, 5.

    Fig. et familièrement. Il prend, il choisit bien son champ de bataille, il prend ses avantages Il reste toujours maître du champ de bataille, il a toujours le dessus dans un débat. Dans le même sens, le champ de bataille lui est demeuré.

  • 6Champ ou champ clos, lice, lieu fermé de barrières, soit pour les duels judiciaires, soit pour les tournois. Ouvrir le champ, y admettre les combattants. Faites ouvrir le champ, vous voyez l'assaillant, Corneille, Cid, IV, 5. Les deux généraux et les deux armées semblaient avoir voulu se renfermer dans des bois et dans des marais pour décider leur querelle comme deux braves en champ clos, Bossuet, Louis de Bourbon. Ceux qui perdaient le champ étaient les vaincus, Voltaire, Mœurs, 107.

    Prendre du champ, prendre de l'espace, de l'élan. Ils prirent du champ et coururent l'un sur l'autre avec furie, Chateaubriand, Dern. des Abenc. 185.

    Fig. et familièrement. Avoir encore du champ devant soi, avoir des ressources, le temps, les moyens de se tirer d'affaire, n'être pas encore au moment critique.

    Être à bout de champ, n'avoir plus de ressources.

  • 7Tout théâtre où il se débat quelque chose. Sans entrer dans le champ j'attends que l'on m'assaille, Régnier, Ép. II. Viens combattre en champ clos aux joutes du barreau, Boileau, Lutr. VI. Je laisse aux plus hardis l'honneur de la carrière, Et regarde le champ assis sur la barrière, Boileau, Ép. I. Ouvrir sur cette table un champ au lansquenet, Boileau, Sat. X. Je vous fermais le champ où vous voulez courir, Racine, Iph. IV, 6.
  • 8Espace libre, carrière, sujet. Le champ de la gloire. Un champ où l'éloquence puisse se déployer. Un vaste champ s'ouvre à votre activité. Le champ est ouvert aux soupçons. Laisser le champ libre à l'injure. Ils me laissent le champ libre pour faire ce qui me plaît, Sévigné, 68. … Par quel caprice Laissez-vous un champ libre à votre accusatrice ? Racine, Phèd. V, 1. Sylla… N'a fait qu'ouvrir le champ à César et Pompée, Corneille, Cinna, II, 1. Vous avez le champ libre, Molière, Mis. III, 5. Et laissent un champ libre à leur persévérance, Molière, Fâch. II, 4. Et l'aigreur de la dame à ces sortes d'outrages Dont la plaint doucement le complaisant témoin, Est un champ à pousser les choses assez loin, Molière, Éc. des maris, I, 6. Voilà un beau champ ouvert aux catholiques, Bossuet, Var. 15. Voilà un champ bien ample pour exercer un cœur, Sévigné, 236. Et si l'effet enfin suivant mon espérance Eût ouvert un champ libre à ma reconnaissance, Racine, Baj. V, 4. Puisse le ciel… Ouvrir un champ plus noble à ce cœur excité, Racine, Iph. I, 2. Le champ vous est ouvert, Racine, Plaid. II, 9. Il a bien moins de champ que nous pour comparer et pour combiner, Diderot, Lettr. sur les aveugl. La Trinité ouvre un champ immense d'études philosophiques, Chateaubriand, Génie, I, 3. En morale et en histoire, on tourne dans le champ étroit de la vérité, Chateaubriand, Génie, III, III, 3.
  • 9L'étendue qu'embrasse une lunette d'approche, etc. Tâchez de mettre ces deux objets dans le champ de la lunette. Tout ce qui regarde l'augmentation des objets, les ouvertures qu'il faut laisser aux lunettes, le champ qu'on peut leur donner, Fontenelle, Hartsoeker.
  • 10 Terme de peinture et de gravure. Le fond d'une toile et d'un cuivre d'attente, où l'art n'a encore rien tracé.

    Terme de blason. Le fond de l'écu, qui est chargé des diverses pièces dont se composent les armoiries. Ses armes sont un lion d'or en champ d'azur.

    Terme d'architecture. L'espace qui reste autour d'un cadre ; le fond d'un ornement, d'un compartiment.

  • 11 Terme d'art militaire. Champ de feu, espace que parcourt un projectile lancé par une arme à feu.

    Champ de lumière, excavation oblongue pratiquée sur une bouche à feu autour du point où aboutit la lumière.

  • 12Le milieu d'un peigne qui a deux rangées de dents.
  • 13Sur-le-champ, locut. adverb. Aussitôt, sans délai. Parler sur-le-champ, sans préparation. Être forcé de prendre sa résolution sur-le-champ. Exécuter les ordres sur-le-champ. Et s'il m'eût voulu perdre, il l'eût fait sur-le-champ, Mairet, Sophon. I, 4. Je voulais sur-le-champ congédier l'armée, Racine, Iph. I, 4.

    Sur-le-champ que, aussitôt que. L'aveuglement sur Vaudemont fut tel qu'il eut, sur-le-champ qu'il le demanda, le régiment d'Espinchal, Saint-Simon, 120, 66. Locution hors d'usage et qui ne se trouve peut-être que dans St-Simon.

  • 14À tout bout de champ, à chaque bout de champ, locut. adverb. et familière. À chaque instant, à tout propos. Or il ne me chaudrait, insensés ou prudents, Qu'ils fissent à leurs frais messieurs les intendants à chaque bout de champ…, Régnier, Sat. X. À chaque bout de champ vous mentez comme un diable, Corneille, le Ment. III, 6. Ils lui faisaient à tout bout de champ des contes, Hamilton, Gramm. 11. Je m'arrête vraiment à tout bout de champ ; ici, j'y suis depuis huit jours, et ne sais encore quand j'en partirai, Courier, II, 63.

    PROVERBE

    Il y a assez de champ pour faire glane, c'est-à-dire il y a assez de besogne pour tout le monde, ou bien il y a de quoi contenter tout le monde.

HISTORIQUE

XIe s. Tant riches reis morz et vaincuz en champ, Ch. de Rol. X. Li quens Rolans au champ est repairé, ib. CXXXIX. Averons-nous la victoire du champ ? ib. CCLVI.

XIIe s. Servez le bien, l'onor dou camp aurez, Roncisv. 41. Encore en sont li champ ensanglantez, ib. 94. Tant que Dex voille, du champ aions l'honor, ib. 108. L'erbe du camp qui ert verte et delgée [menue], ib. 137. Vous jurerez premiers de ce camp [champ clos] arrami, ib. 192. Tuit en [de chevaliers] seront couvert li champ et li larri, Saxons, XXIV. Tuz suls entra en champ cumme bons champiuns, Th. le mart. 38. E tut cil qui laburent el champ nostre seigneur, ib. 73.

XIIIe s. Li jours estoit biaus et li cans si plains [uni] que il n'i avoit fosse ne mont ne val, H. de Valenciennes, V. Car fors à estre as chans mout durement [elle] convoite, Berte, XXIX. Li tans est tix que perilleuse coze est d'aler as cans, Beaumanoir, IX, 8. Quant tuites ces cozes dessus dictes seront fetes, cil qui se combatent doivent estre mis el camp de la bataille, Beaumanoir, LXIV, 11.

XIVe s. Aucun peut vouloir que en un champ de bataille celui ait vittoire, qui faint estre champion, Oresme, Eth. 64.

XVe s. Et se partirent un samedi [les soudoyers] et aussi ceux du castel et de la malemaison, et se trouverent tous sur les champs, Froissart, I, I, 100. Si monta au plutost qu'il put sur fleur de coursier et prit les champs, Froissart, I, I, 103. … Qu'ils fussent forts et puissans de resister contre les François qui y tenoient les champs, Froissart, I, I, 215. Je vous en appelle de champ et veez ci mon gage, Froissart, II, II, 46. Et incontinent mist ses gens d'armes aux champs, Commines, I, 2.

XVIe s. Loin de penser à lui donner la clef des champs, Mém. sur du Guesclin. 7. Sur le champ, Montaigne, I, 11. Avoir la clef des champs, Montaigne, I, 125. Le vray champ et subject de l'imposture sont les choses incogneues, Montaigne, I, 247. Il faut qu'il y en ait un [penchant] à qui le champ demeure, Montaigne, I, 269. Tel en camp clos, qu'en une battaille, Montaigne, II, 7. En ce qui concerne les combats, les conseils se prenent ordinairement sur le champ [sur les lieux], Lanoue, 436. L'armée de terre se mettroit aux champs, Lanoue, 440. La fortune luy favorisa en ce combat, de maniere qu'il desfict le Gaulois, et le despouilla sur le champ [sur place], Amyot, Num. 22. Fabius s'en prit à rire, et luy respondit sur le champ, Amyot, Fab. 47. Il avoit combattu vingt et trois fois en camp clos, Amyot, P. Aem. 53. Je bus, dit-il, mes armoiries. - Et bien, Monsieur, quel en est le camp ? D'Aubigné, Faen. IV, 7. Ce fut aux ministres à desploier leur eloquence, et se servir d'une nouvelle qui arriva sur ce champ, assavoir que…, D'Aubigné, Hist. II, 277. Nombre superficiel quarré qui peut estre appelé champ ; quarré de quarré, que nous appellons champ de champ, Et. de la Roche, Arismetique, f° 42. Mieux vaut un bon temps qu'un bon champ, Leroux de Lincy, Prov. t. J. p. 61. Bois ont oreilles, et champs œillets [yeux], Cotgrave

ÉTYMOLOGIE

Picard, camp ; nivernais, samp ; provenç. camp, cambo ; espagn. et ital. campo ; du latin campus, de même radical que le grec ϰῆπος, jardin.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1. CHAMP. Ajoutez :
15 Terme de turf. L'ensemble des chevaux qui se présentent pour figurer dans la même épreuve. Parier pour un cheval contre le champ, c'est parier pour un cheval contre tous ses concurrents.