« venger », définition dans le dictionnaire Littré
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venger
- 1Tirer vengeance, en parlant soit des choses dont on a satisfaction, soit des personnes offensées.
C'est un fils qui venge son père, mais c'est sur sa mère qu'il le venge
, Corneille, 2e disc. trag.Quand la perte est vengée, on n'a plus rien perdu
, Corneille, Hor. IV, 5.J'ai reçu une très aimable lettre du coadjuteur : il se plaint extrêmement de vos railleries ; il me prie de le venger
, Sévigné, 528.Charles II est reconnu, et l'injure des rois a été vengée
, Bossuet, Reine d'Anglet.Dieu… résolut de venger sur eux le sang de Naboth
, Bossuet, Hist. I, 6.Elle seule [la satire]… à l'aide d'un bon mot Va venger la raison des attentats d'un sot
, Boileau, Sat. IX.J'ai vengé l'univers autant que je l'ai pu
, Racine, Mithr. v, 5.Tous ces efforts jaloux Qu'excite une infidèle La vengent mieux de nous Qu'ils ne nous vengent d'elle
, Rousseau J.-B. Cant. 12.La philosophie fait aimer la vertu en faisant détester le fanatisme ; et, si j'ose le dire, elle venge Dieu des insultes que lui fait la superstition
, Voltaire, Lett. Servan, avril 1766.La statue qu'on lui a dressée [à Erasme] dans la place de Rotterdam sa patrie, l'a vengé de Luther et de l'inquisition
, Voltaire, Mél. litt. Lett. au pr. de***, 6.Tamerlan vengea l'Inde de ce brigand couronné [Mahmoud] ; mais qui la vengea de Tamerlan ?
Voltaire, Pol. et lég. Fragm. Inde, 32. - 2Faire réparation à quelque chose qui a été offensé, violé.
Pour venger son honneur il perdit son amour
, Corneille, Cid, v, 1.J'ai vengé le droit des rois et de toutes les puissances souveraines ; car elles sont toutes également attaquées
, Bossuet, 5e avert. 49.Seul, d'un honteux affront votre frère blessé A-t-il droit de venger son amour offensé ?
Racine, Iphig. IV, 6. - 3Infliger une punition.
Notre Dieu est un, infini, parfait, seul digne de venger les crimes et de couronner la vertu
, Bossuet, Hist. II, 1.Ils [les dieux] ont fait servir Achille à abattre les murs de Troie pour venger le parjure de Laomédon et les injustes amours de Pâris
, Fénelon, Tél. XIX. - 4Être, en parlant de choses, une cause de punition, de vengeance.
Les vices des Romains ont vengé l'univers
, Voltaire, Rome sauv. I, 6. - 5 Fig. Faire compensation, réparation.
Venge cette querelle, et justement sépare Du cygne d'Apollon la corneille barbare
, Régnier, Sat. II.Le culte peut encore être méprisé en secret par l'impie, mais il est vengé du moins par la majesté de la décence publique
, Massillon, Pet. carême, Exempl. des gr.À moins que ce ne soit offenser l'État, que de s'intéresser, quand on est riche, à la personne la plus digne qu'on la secoure et qu'on la venge de ses malheurs
, Marivaux, Marianne, 7e part.L'éléphant, pour venger sa grossière structure, De la raison sublime obtint quelques rayons
, Delille, Trois règnes, VIII. - 6Se venger, v. réfl. Tirer vengeance.
Qui se venge à demi court lui-même à sa peine ; Il faut ou condamner ou couronner sa haine
, Corneille, Rodog. v, 1.Le Seigneur se venge de ses ennemis, et il se met en colère contre ceux qui le haïssent
, Sacy, Bible, Nahum, I, 2.Le vainqueur [le roi de Suède] se venge sur le Danois, dont la soudaine invasion l'avait rappelé
, Bossuet, Anne de Gonz.C'est par faiblesse qu'on hait un ennemi, et que l'on songe à s'en venger, et c'est par paresse que l'on s'apaise et qu'on ne se venge point
, La Bruyère, IV.Pour savoir se venger il faut savoir souffrir
, Voltaire, Mérope, v, 4.De grâce, ne me citez point M. de Fontenelle ; il n'a jamais été attaqué comme moi, et il s'est assez bien vengé de Rousseau [Jean-Baptiste], en sollicitant plus que personne contre lui
, Voltaire, Lett. d'Argental, 6 févr. 1739.Une femme résista-t-elle jamais à la douceur de se venger ?
Riccoboni, Œuv. t. VI, p. 78, dans POUGENS.Se venger à, avec un infinitif, se venger en faisant ce dont il s'agit.
Je me vengeais à en médire [de la cour], comme Montaigne de la jeunesse
, Sévigné, 31 mai 1680.J'ai un crayon, et je me venge à marquer [en lisant l'Arianisme du P. Maimbourg] des traits de jésuite qui sont trop plaisants
, Sévigné, 28 juill. 1680.
HISTORIQUE
XIe s. Si vengez cels que li fels [le cruel] fist ocire
, Ch. de Rol. XI. Car chevalchez, vengez ceste dolur
, ib. CLXXIV. S'or n'i ferez [si vous n'y frappez à présent] pur venger vostre hunte
, ib. CCLVIII. Venget [je] m'en sui [de Roland], mais n'i ad traïsun
, ib. CCLXXIV.
XIIe s. Je ne m'en sai vengier, fors au plorer
, Couci, VI. Du vangier vous semont vostre empereres d'Ais
, Sax. X. Trestut mun lignage ad et mun regne avillié ; Li duels [deuil] m'en vait al cuer : nuls ne m'en a vengié
, Th. le mart. 134.
XIIIe s. E si li vingt sol n'esteient rendu à la requeste de mei ou de mes hers [hoirs], leiret [il serait permis] moi ou mes hers venger sur les chouses de la ville de Fontseche, tant que mi ou mi her aguissem [eussions] lo dit cens
, Bibl. des ch. 3e série, t. v, p. 86. Ses felons cuers l'art et detrenche, Qui de li Dieu et la gent venche
, la Rose, 266. Lors se sot bien Amors vengier Du grant orguel et du dangier, Que Narcissus li ot mené
, ib. 1497. N'a pas soi bien vengié qui maladie en prent ; Ainz fait d'un domaige deux, Ce dit li vilains
, Prov. du comte de Bret. ms. de St. Germ. f° 114, dans LACURNE.
XIVe s. Car qui se vuet de tous vengier, Son pain ne puet en pais mangier
, Machaut, p. 118.
XVe s. Je m'en voys icy à ung hermite, pour moy venger [guérir] d'une enfermeté que j'ay
, Perceforest, t. II, f° 42. Par ma foy, dist Passalien, tel cuyde bien venger son blasme, qui l'accroist
, ib. t. IV, f° 107.
XVIe s. Ils arresterent que sans aucun delay il falloit venger ceste mort
, Amyot, Phil. 36. Se venger sur soy mesme du mal que…
, Montaigne, I, 21. Les dieux vengerent [punirent] cette perfide subtilité
, Montaigne, I, 27.
ÉTYMOLOGIE
Wallon, veingî ; provenç. venjar, vengar ; espagn. vengar ; portug. vingar ; ital. vengiare ; du lat. vindicare (voy. VENDIQUER).
SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE
VENGER. - ÉTYM. Ajoutez : L'orthographe vendicare se trouve dans un texte de l'an 670 (PARDESSUS, CCCLXI, 61).