« pâture », définition dans le dictionnaire Littré

pâture

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

pâture

(pâ-tu-r') s. f.
  • 1Ce qui sert à la nourriture des bêtes. Aux petits des oiseaux il [Dieu] donne leur pâture, Racine, Athal. II, 7. Elle [la nature] leur a livré [aux oiseaux insectivores] le pouvoir d'une domination exclusive sur le genre entier des insectes, qui ne semblent tenir d'elle leur existence que pour maintenir et fortifier celle de leurs destructeurs auxquels ils servent de pâture, Buffon, Oiseaux, t. XI, p. 111. Au lieu de brûler les cadavres de leurs morts, comme les Indiens, ils les déposaient dans des tours extrêmement élevées où ils servaient de pâture aux oiseaux de proie, Raynal, Hist. phil. IV, 8. Cet ange [une jeune fille]… M'apparut jetant la pâture Aux oiseaux un jour de frimas, Béranger, Maud. print.

    Poétiquement. Grand Dieu, tes saints sont la pâture Des tigres et des léopards, Racine, Esth. I, 5.

  • 2Il se dit de l'herbe et de la paille qu'on donne aux bestiaux pour leur nourriture. Mettre de la pâture devant des bœufs. Chez lui deux bons chevaux de pareille encolure Trouvaient dans l'écurie une pleine pâture, Boileau, Sat. X.
  • 3Action de prendre la pâture. Rêvant comme un oison allant à la pâture, Régnier, Sat. II. De façon qu'un beau soir qu'il était en pâture, Notre aigle aperçut d'aventure… Deux petits monstres fort hideux, La Fontaine, Fabl. v, 18. Ces animaux demeurant presque tout le jour à la pâture, Rousseau, Orig. notes.
  • 4Lieu où croît la nourriture des animaux qui paissent. Une belle pâture.

    Mettre, envoyer des chevaux en pâture, les mettre paître, les envoyer paître dans un pré.

    Vaine pâture, droit réciproque que les habitants d'une même commune ont d'envoyer leurs bestiaux paître sur les fonds les uns des autres, à certaines époques. Lorsque la vaine pâture s'exerce par les habitants de deux paroisses sur le territoire l'une de l'autre respectivement, elle prend le nom de parcours ou d'entre-cours, Robin, Mém. sur les marais de Cleville (Calvados), 1781, p. 46.

    Droit de vaine pâture, ou droit de parcours et de vaine pâture, droit qu'a tout propriétaire d'une commune de faire paître son bétail sur les terrains non clos ou non actuellement cultivés des habitants de la même commune.

    Vive pâture, la saison de la glandée.

  • 5 Familièrement. La nourriture de l'homme. C'est une bonne pâture que la pomme de terre. Tous les hommes suivaient la grossière nature, Dispersés dans les bois, couraient à la pâture, Boileau, Art p. IV.
  • 6 Fig. Ce qui sert d'aliment intellectuel ou moral. Jouissons, dit le monde, des biens qui sont ; tout le reste n'est qu'idée, imagination, pâture des esprits creux, Bossuet, Médit. sur l'Év. 90e jour. Je vous donnerai de la pâture pour votre retraite, Bossuet, Lett. abb. 42. Avides du précieux aliment que votre Dieu vous a destiné et de cette pâture spirituelle dont nous sommes les économes, nous aurions peine à vous rassasier, Bourdaloue, Dim. de la Sexagés. Dominic. t. I, p. 405. Théophile… a voulu, veut et voudra gouverner les grands… il veille sur tout ce qui peut servir de pâture à son esprit d'intrigue, de médiation ou de manége, La Bruyère, IX. Il survint dans cette académie un de ces incidents qui en troublent quelquefois la paix, et fournissent quelque légère pâture à la malignité du public, Fontenelle, Rép. à l'Év. de Rennes. Et laisse aux gens oisifs tous ces menus propos, Ces puérilités, la pâture des sots, Gresset, Méch. III, 9. Et peu d'hommes ont, dans leur vie privée, donné plus que moi prétexte à la calomnie, pâture à la médisance, Mirabeau, Collection, t. II, p. 37.

HISTORIQUE

XIIe s. Vint bues [bœufs] ki veneient de la cumune pasture, Rois, p. 239.

XIIIe s. Sans riens retenir… en dit bois… fors que la vaine pasture à mes hommes, Bibl. des ch. 6e série, t. III, p. 606. Renart dedenz la cort s'en entre, Por querre pasture à son ventre, Ren. 12004. Et les bestes aumelines iront en pasture en ce bos [bois], Du Cange, almelinus.

XIVe s. Quant il [les ânes] ont grant faim, il ne se partent ne lessent la pasture pour estre batus, Oresme, Eth. 87.

XVIe s. Nous sommes son peuple et le troupeau de sa pasture, Calvin, Instit. 214. Vive pasture en bois de haute forest est entendu dez la Sainct Michel jusqu'à la Sainct André incluz…, Coust. gén. t. I, p. 848. Je ne sçais quant, ni d'où, si jamais je pourray vous les rendre [les pistoles, l'argent] ; mais je vous promets force honneur et gloire ; et argent n'est pas pasture pour des gentilshommes comme vous et moi, Lett. de Henri IV, n° 8, Bulletin du comité de la langue, t. III, p. 420. Folles femmes n'aiment que pour pasture, Cotgrave

ÉTYMOLOGIE

Provenç. esp. et ital. pastura ; du lat. pastura, de pastum, supin de pascere, paître.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

PÂTURE.
7 Pâture rompure, nom donné, dans l'arrondissement de Dunkerque, aux herbages défrichés, Dumont, Rapport sur le projet de loi sur le sucre indigène, Députés, session 1836, n° 302, Documents, 2e partie.

REMARQUE

1. Les jurisconsultes ont distingué, de tout temps, les pâtures grasses ou vives des vaines pâtures. Les pâtures grasses, disaient les vieux jurisconsultes, sont les landes, les marais, pâtis et bruyères qui appartiennent à des communautés d'habitants ou sont asservis envers elles à un droit d'usage, de manière qu'elles seules peuvent y faire pâturer leurs bestiaux. Les vaines pâtures, au contraire, sont les grands chemins, les prés après la fauchaison, les guérets ou terres en friches, et généralement tous les héritages où il n'y a semence ni fruit, et qui, par la loi ou l'usage du pays, ne sont pas en défends, BAYLE-MOUILLARD, Projet de code rural, Session de 1868 du Corps législatif, p. 46.

2. La vaine pâture était ainsi nommée lorsque le droit était renfermé dans les limites de la paroisse. Elle prenait le nom de parcours lorsqu'elle existait de paroisse à paroisse, à titre de servitude réciproque. La loi de 1791 a maintenu cette distinction, qui semble n'avoir pas existé dans les temps anciens, Bayle-Mouillard, ib. p. 47.