« public », définition dans le dictionnaire Littré

public

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

public, ique

(pu-blik, bli-k') adj.
  • 1Qui appartient à tout un peuple, qui concerne tout un peuple. Le péril dont Rodrigue a su nous retirer, Et le salut public que vous rendent ses armes, Corneille, Cid, IV, 2. Le bien public, Corneille, Nicom. III, 2. Quoi ! sur l'illusion d'une terreur panique Trahir vos intérêts et la cause publique ! Corneille, Cinna, I, 4. Le prince est un bien public que chacun doit être jaloux de se conserver, Bossuet, Polit. VI, I, 4. Si le prince n'est ponctuellement obéi, l'ordre public est renversé, et il n'y a plus d'unité, par conséquent plus de concours ni de paix dans un État, Bossuet, ib. VI, II, 1. L'espérance publique frustrée tout à coup par la mort de cette princesse, Bossuet, Duch. d'Orl. Il est temps de nous joindre aux prières publiques, Racine, Athal. II, 1. Et ne suffit-il pas, seigneur, à vos souhaits Que le bonheur public soit un de vos bienfaits ? Racine, Brit. IV, 3. De la reine et de moi que dit la voix publique ? Racine, Bérén. II, 2. Le cardinal [Mazarin]… accablé de soins et de maladies, comblé de trésors dont il ne savait que faire, et raisonnablement chargé de la haine publique, Hamilton, Gramm. 5. Leurs mœurs [des grands] forment bientôt les mœurs publiques, Massillon, Pet. carême, Exemples des gr. Il me semble que la voix publique donne la préférence à ses fables sur ses contes [de la Fontaine], Voltaire, Mél. hist. Lett. de la Visclède.

    On peut quelquefois le mettre avant son substantif, mais surtout en poésie et dans le style élevé. Lui seul [un médecin] v fit longtemps la publique misère, Boileau, Art p. IV. Et mes malheurs encor font la publique joie, Voltaire, Mérope, IV, 5. Que m'importe à présent ce peuple et son outrage…, Et la publique voix que je n'entendrai pas ? Voltaire, Tancr. V, 3. Les publiques rumeurs Souvent aux souverains annoncent leurs malheurs, Voltaire, Sophon. III, 1. Dans la publique paix, c'est le seul ennemi, Voltaire, Zadig, 4.

  • 2Morale publique, l'ensemble des préceptes que doivent observer les hommes à l'égard de leurs semblables. Où trouver la moindre apparence, le moindre soupçon d'offense à la morale publique, dans un écrit dont le public non-seulement approuve la morale, mais la juge même trop rigide pour le train ordinaire du monde ? Courier, Procès.

    Pudeur publique, sentiment de retenue qui affecte la masse des individus comme si elle ne faisait qu'un seul homme.

  • 3Puissance publique, la puissance du peuple, de la nation.

    Autorité publique, l'ensemble des fonctionnaires et des magistrats chargés de l'administration publique.

    La chose publique, l'État. Bien qu'un tel refus soit un acte héroïque, Il vous rend inutile à la chose publique, Delavigne, la Popular. I, 8.

  • 4Personnes publiques, personnes revêtues de l'autorité publique. On voit, dans le monde, des personnes publiques, des familles d'un grand nom…, Massillon, Carême, Pardon. Si vous êtes homme public, l'usage injuste de votre autorité, tous les maux que vous faites et tous les biens que vous ne faites pas…, Massillon, Carême, Vocat. Je voudrais que tout homme public, quand il est près de faire une grosse sottise, se dît toujours à lui-même : l'Europe te regarde, Voltaire, Lett. d'Alemb. 28 août 1765.

    On dit dans un sens analogue : professions publiques. Ce n'est pas qu'il faille… négliger ces professions publiques qui fournissent aux besoins de la société, Massillon, Carême, Vocat.

    Vie publique, actions d'un homme revêtu de quelque autorité publique, par opposition à vie privée.

  • 5Charges publiques, impositions que tout le monde doit payer pour subvenir aux dépenses de l'État.

    Services publics, les diverses branches de l'administration des affaires de l'État.

  • 6Ministère public, magistrature établie près de chaque tribunal, pour y requérir l'exécution et l'application des lois.

    La partie publique, le magistrat qui, dans les causes civiles ou criminelles, porte la parole et requiert au nom de la société. Il n'y avait point alors [chez les anciens] de partie publique, d'accusateur public, de vindicte publique, Lévesque, Instit. Mém. scienc. mor. et pol. t. IV, p. 175.

    Officier public, fonctionnaire public, celui qui exerce quelque charge ou fonction déléguée par la société.

    Droit public, science qui fait connaître la constitution des États, leurs droits, etc.

  • 7Commun, à l'usage de tous. La voie publique. Et lui-même marchant en habits magnifiques Criât à haute voix dans les places publiques : Mortels, prosternez-vous, Racine, Esth. II, 5. La femme qui lui plaît le rencontre partout ; Dans les jardins publics…, Delavigne, Éc. des vieill. II, 3.

    Édifices publics, édifices employés aux différents services publics.

    Terme de pratique. Marchande publique, femme qui tient boutique ouverte, et qui, à cause de son commerce, peut s'obliger sans l'autorisation de son mari. La femme ne peut ester en jugement sans le consentement de son mari, quand même elle serait marchande publique, Cod. Nap. art. 215.

  • 8Femmes publiques, filles publiques, les prostituées.
  • 9Qui est dans la bouche de tout le monde. Je voudrais que vous nous entendissiez quelquefois mêler notre critique aux admirations publiques du P. Bourdaloue, Sévigné, 9 avr. 1683.
  • 10Qui est manifeste, connu de tout le monde, répandu de toutes parts. Cette nouvelle est déjà publique. Un bruit public. Paraissez donc, ô vérité sainte, faites la censure publique des mauvaises mœurs, Bossuet, Sermons, Prédication, Préambule. Il est public que Mme de Jouarre a donné un placet, Bossuet, Lett. abb. 138. Trop heureux, si, par sa douleur et par sa confusion publique, elle peut obtenir la grâce qu'elle lui demande ! Fléchier, I, 213. Mais avec qui daignez-vous aujourd'hui me recevoir, après qui vous fais-je ce public remercîment ? La Bruyère, Disc. à l'Acad. fr. Il était public dans Rome que les Espagnols pressaient le pape de réaggraver ses excommunications contre le roi de France, Anquetil, Ligue, III, 319. Ce que je dis ici, partout je le dirai, C'est que l'honneur, monsieur, vous fut toujours sacré, Et qu'en le proclamant par un public hommage Je venge la vertu dans sa plus noble image, Delavigne, la Popular. V, 6.
  • 11Qui a lieu en présence de tout le monde. Cours public. Débats publics. Je me suis un peu arrêté sur Boindin, parce que c'est le seul de l'Académie des belles-lettres dont on n'ait point parlé à la séance publique qui suivit sa mort, Duclos, Œuv. t. x, p. 60.
  • 12 S. m. Le peuple pris en général. Mais le bien du public est une faible loi Que l'on respecte peu quand chacun craint pour soi, Du Ryer, Scévole, I, 3. Vivez pour le public, comme je meurs pour lui, Corneille, Œdipe, II, 4. Ils étaient de ceux-là qui vivent Sur le public, et, craignent peu les coups, La Fontaine, Fabl. VIII, 7. Ô vous ! dont le public emporte tous les soins, Magistrats, princes et ministres, La Fontaine, ib. XII, 27. Le public paraît content, c'est beaucoup : car on est si sot que c'est quasi sur cela qu'on se règle, Sévigné, à Bussy, 4 déc. 1668. Après tout, mon ami le public fait toujours bien : il loue quand on fait bien ; et, comme il a bon nez, il n'est pas longtemps la dupe, et blâme quand on fait mal, Sévigné, 19 juill. 1671. Quand je me vis donnée au public et répandue dans les provinces [il s'agit du portrait satirique de Mme de Sévigné par Bussy], je vous avoue que je fus au désespoir, Sévigné, à Bussy, 28 août 1668. Je rends au public ce qu'il m'a prêté : j'ai emprunté de lui la matière de cet ouvrage, il est juste que… je lui en fasse la restitution, La Bruyère, les Caractères. Où il s'agit de l'intérêt et des commodités de tout le public, le particulier est-il compté ? La Bruyère, x. Ni son génie ni l'habitude de réussir ne lui avaient inspiré de confiance, et il n'avait jamais cessé de craindre ce même public qui avait tant de vénération pour lui, Fontenelle, Bernoulli. Que dites-vous, en tout genre, de ce monstre énorme qu'on appel le public, et qui a tant d'oreilles et de langues, étant privé des yeux ? Voltaire, Lett. Mme du Deffant, 10 sept. 1773. … Être né dans un siècle dégoûté qui ne veut plus que des drames et des doubles croches… le public est à table depuis quatre-vingts ans ; il boit enfin de mauvaise eau-de-vie sur la fin du repas, Voltaire, Lett. Condorcet, 18 juill. 1774. Qui du public s'est fait le serviteur Peut se vanter d'avoir un méchant maître, Voltaire, Guerre Gen. IV. Qu'on se figure cinq cents miroirs se renvoyant l'un à l'autre la lumière qu'ils réfléchissent, ou cinq cents échos le même son ; c'est l'image d'un public ému par le ridicule ou par le pathétique, Marmontel, Œuv. t. IX, p. 176. Le public ? combien faut-il de sots pour faire un public ? Chamfort, Caractères et anecdotes. Le monde ne s'abuse point, et les sentences des magistrats ne sont flétrissantes qu'autant que le public les a confirmées, Courier, Procès.
  • 13Nombre plus ou moins considérable de personnes réunies pour assister à un spectacle, à une cérémonie, à une réunion, etc. Je connais mon public. Il n'y a personne qui n'ait son public, c'est-à-dire une portion de la société commune dont on fait soi-même partie ; voilà le public dont on doit attendre le jugement, sans le prévenir ni même le solliciter, Duclos, Consid. mœurs, 16. Tel [comédien] que le public applaudit comme homme de talent, nous l'estimons comme honnête homme, Delavigne, les Coméd. Prologue. Toi, prépare, Laurent, les vers et la couronne Que le public charmé doit jeter de ta main à l'acteur de Paris qui paraîtra demain, Delavigne, ib. I, 8.

    Se donner au public, assister aux réunions, cérémonies, etc. Je comprends le plaisir que vous faites à ce cordon bleu [M. de Grignan] de vous donner au public de si bonne grâce… il craignait ici que vous ne fussiez toujours cachée et chagrine, Sévigné, à Mme de Grignan, 25 févr. 1689.

  • 14Le public, l'intérêt public, la chose publique (vieilli en ce sens). Le peuple laissera entre les mains de ses supérieurs la liberté, la religion et le public, Guez de Balzac, liv. VIII, lett. 45.
  • 15En public, loc. adv. En présence de tout le monde, à la vue de tout le monde. Prenons part en public aux victoires publiques, Corneille, Hor. IV, 7. Eschyle… Sur les ais d'un théâtre en public exhaussé Fit paraître l'acteur d'un brodequin chaussé, Boileau, Art p. III. En public, en secret, contre vous déclarée, J'ai voulu par des mers en être séparée, Racine, Phèdre, II, 5. On sait que, chez les Athéniens, les auteurs jouaient souvent dans leurs pièces, et qu'ils n'étaient point déshonorés pour parler avec grâce en public devant leurs concitoyens, Voltaire, Vie de Molière.

    En demi-public, en ne se montrant et ne se cachant qu'à moitié. Les visites journelles en demi-public du roi à son ancienne maîtresse [Mme de Montespan] faisaient un contraste fort ridicule avec son assiduité chez celle qui l'avait servie, Saint-Simon, 413, 188.

HISTORIQUE

XVe s. De toutes ces paroles, ces dons, ces desheritances et heritances, on fit instruments publics et authentiques, Froissart, II, II, 50. Les combattre [les Anglais] en bataille publique [rangée], Monstrelet, t. I, ch. 147, dans LACURNE. Le bien publicque, Commines, I, 2.

XVIe s. Faire montre d'une chose en public, Montaigne, I, 119. Renverser la paix publicque, Montaigne, I, 122. Un debvoir publicque, Montaigne, I, 167. Il en provenoit des fruicts très utiles au privé et au public, Montaigne, I, 211. Qu'une femme ne puisse porter robbe enrichie de broderies, si elle n'est publicque et putain, Montaigne, I, 337. ès gouvernemens des choses publiques [républiques], Amyot, Agésil. 11.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. public ; anc. cat. public ; espagn. publico ; ital. pubblico ; du lat. pūblicus, de populus, peuple (voy. PEUPLE). L'ancienne forme est poublicom dans les monuments, puis poblice ; l'o ou l'u long indique une contraction : pūblicus pour populicus.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

PUBLIC. Ajoutez :
13Dans le langage des bureaux, un public, un individu qui se présente à la caisse centrale du trésor, au mont-de-piété, etc. L'individu qui se présente au mont-de-piété pour emprunter s'appelle un public ; presque toutes les administrations ont ainsi à leur usage une série de vocables avec lesquels le dictionnaire de l'Académie n'a rien de commun, et qui sont nés des obligations mêmes du service, qu'ils facilitent singulièrement, Maxime du Camp, Rev. des Deux-Mondes, 15 janv. 1873, p. 317.

REMARQUE

Balzac a dit monsieur le public : Le public est un mauvais interprète et glose sur tout ; à vous dire le vrai, je ne pense pas qu'il songe à moi, et je suis trop caché et trop obscur, pour être vu ni remarqué de ce Monsieur le public, Guez de Balzac, Lett. inédites, LXXVI, éd. Tamizey-Larroque.

HISTORIQUE

Ajoutez : XIVe s. Jehan Sabulette, clers puble, notaire par l'auctoriteit apostolike et imperial… par maniere de instrument puble…, Testament de Robert de Namur, communiqué par M. Caffiaux. (Puble est la forme régulière et bien accentuée de públicus). Aussi sachiez qu'il avenra Pour voir [pour vrai], ains le derrenier jour, Que li publique pecheour Ou [au] regne Dieu seront avant Mis que vous, je le vous creant, Miracles de Nostre Dame, par personnages, Paris, 1876, p. 235.