« mouvoir », définition dans le dictionnaire Littré
Définition dans d'autres dictionnaires :
mouvoir
- 1Déplacer par un mouvement. L'eau qui meut la roue d'un moulin. Mouvoir une chose de sa place.
Par ce droit souverain [de créateur], il [Dieu] la tourne [la matière], il la façonne, il la meut sans peine
, Bossuet, Hist. II, 1. - 2 Fig. Conduire par un mouvement moral.
Nous sommes enflammés suivant les divers objets qui nous meuvent
, Vaugelas, Q. C. II, 1.Quoiqu'il y ait des espaces dans lesquels je ne trouve rien qui excite et meuve mes sens
, Descartes, Médit. VI, 14.Mais on te considère, avec tes grands efforts, Comme l'âme qui meut ce détestable corps
, Du Ryer, Scévole, IV, 6.L'or mouvait ce fantôme ; et, pour perdre Dircé, Vos présents lui dictaient ce qu'il a prononcé
, Corneille, Œdipe, V, 1.Votre intérêt, Créon, vous meut plus que ma gloire
, Rotrou, Antig. II, 4.Et son art [d'une femme], redoutable aux esprits les plus forts, Pour produire un dessein meut de puissants ressorts
, Rotrou, Bélis. V, 6.Quand la grâce efficace meut le libre arbitre, il consent infailliblement
, Pascal, Prov. XVIII.Saint Augustin, celui qui a le mieux entendu que le libre arbitre est mû de Dieu
, Bossuet, Nouv. myst. X, 1.Sentiez-vous, dites-moi, ces violents transports Qui d'un esprit divin font mouvoir les ressorts ?
Boileau, Sat. IX.Ce corps vil et mortel est-il donc si sacré Que l'esprit qui le meut ne le quitte à son gré ?
Voltaire, Alz. V, 3.PROVERBE
L'objet meut la puissance, la présence de l'objet détermine à l'action ; locution prise de la philosophie d'Aristote où la puissance signifie la simple disposition à faire une chose ; quand cette puissance était mue, elle passait à l'acte.Absolument.
Et mon bras n'est du sien qu'un chétif instrument Qui ne meut et n'agit que par son mouvement
, Rotrou, Bélisaire, I, 1.Sur un corps qui ne vit, ne meut ni ne respire
, La Fontaine, Fabl. V, 20.À ces causes et autres considérations à ce mouvant, c'est-à-dire nous portant, nous excitant ; formule qui s'employait dans les édits du roi.
- 3Mouvoir une querelle, une question, susciter une querelle, une question…
J'ai vu les gens Mouvoir deux questions…
, La Fontaine, Quiproq.Mouvoir guerre, faire la guerre (locution vieillie).
Cette parole fut cause à Cambyse grandement courroucé de mouvoir guerre à l'Égypte
, Courier, Trad. d'Hérodote.En termes de palais, tous procès mus et à mouvoir.
- 4 V. n. Terme de féodalité. Se dit d'une terre qui relève d'une autre.
- 5Se mouvoir, v. réfl. Être déplacé par un mouvement.
Aux accords d'Amphion les pierres se mouvaient
, Boileau, Art poét. IV.Que Rohault vainement sèche pour concevoir, Comment, tout étant plein, tout a pu se mouvoir
, Boileau, Épître V.La cause déterminante de son mouvement étant contre-balancée, l'animal ne se mouvra pas pour atteindre à l'objet de son appétit
, Buffon, Nature des anim.Tout se passe, se suit, se succède, se renouvelle et se meut par une puissance irrésistible
, Buffon, Quadrup. t. I, p. 5.Avec ellipse du pronom se, faire mouvoir, mettre en mouvement.
On brûla dans le marché de Londres plusieurs statues de bois que des moines faisaient mouvoir par des ressorts
, Voltaire, Mœurs, 135.Fig.
Qu'est-ce qu'une armée ? C'est un corps animé d'une infinité de passions différentes qu'un homme habile fait mouvoir pour la défense de la patrie
, Fléchier, Turenne.Les ressorts secrets qui font mouvoir les cours et les empires
, Massillon, Carême, Immut.
REMARQUE
L'Académie dit que plusieurs des temps de ce verbe ne sont usités que dans le style didactique, mais les exemples classiques rapportés ci-dessus permettent d'en user partout.
HISTORIQUE
XIe s. Je t'en muvrai un tel si grant contraire [opposition]
, Ch. de Rol. X. Après lui dist : cuivert, mar i moüstes [à malheur y vîntes]
, ib. CII.
XIIe s. Seignor, par tel maniere, jà nus [nul] n'en soit doutans, Fu meüe la guerre entre Saisnes et Frans
, Sax. V. Ne la meüssent [une pierre] li buef d'une charrue
, Ronc. p. 105.
XIIIe s. Avant que vous movés de ci [avant que vous partiez d'ici]
, la Rose, 2054. Li pueples… Qui fu tous de pitié meüs
, ib. 5669. Li quens Baudoins leur mande, par le conseil le duc de Venise et des autres barons, qu'il meüssent [se missent en mouvement] à l'issue de mars
, Villehardouin, LIV. Si en fu mervelles [singulièrement] meüs en pitiet
, Chr. de Rains, 88. À mouvoir vertueuse guerre Pour nostre adversaire conquerre
, J. de Meung, Tr. 27. Se c'est heritages, li ples [le procès] demorra par devant le segneur de qui il muet
, Beaumanoir, II, 29. Du prael [pré] mouvoit une alée qui aloit au flum
, Joinville, 244. N'aiez paour, je ne di pas Que meviez isnel le pas, Pour la sainte terre defendre
, Rutebeuf, 118.
XIVe s. Les utilités pour quoi les mendibles [mâchoires] desous se meuvent sans celes desus
, H. de Mondeville, f° 19, verso. Ce qui les meut à telles opinions, c'est pour ce que ilz veullent fuir le mal et la misere où ilz sont
, Oresme, Eth. IV.
XVe s. Adonc commencerent à parler ces dames et ces seigneurs ensemble, et la jeune dame en estant se tenoit toute coie, et ne mouvoit ni œil ni bouche
, Froissart, II, II, 229. Incontinent que ung discord se mouvoit en Angleterre
, Commines, VI, 2. Qui peut avoir meu le conte de prendre cette alliance
, Commines, I, 1. Vous devez avoir entendu au long dont mouvoit ceste guerre
, Commines, III, 3. S'il y met grand merrien, tel que le mur peust empirer, il doit faire pilier de pierre de taille, mouvant de terre, suffisant pour le soustenir ; et, s'il ne meut de terre, si doit il estre fondé sur fondement ou mur de pierre de taille
, Ordonnance, 1485.
XVIe s. Le chancelier Duprat, de longtemps mal meu contre le dit seigneur de Semblançay
, Du Bellay, M. 72. Dieu s'esjouit grandement après qu'il eut achevé le monde, quand il le veit tourner et mouvoir son premier mouvement
, Amyot, Lyc. 60. Quand les Grecs movoyent armes les ungs contre les aultres
, Rabelais, Garg. I, 46. Estans sur la riviere de Loyre, nous sembloyent les arbres prochains se movoir ; toutefoys ilz ne se mouvent, mais nous, par le decours du basteau
, Rabelais, Pant. V, 26. Les muscles se revirans vers leurs origines mouvent l'os fracturé
, Paré, XIII, 4. Quels ressorts nous meuvent
, Montaigne, I, 172.
ÉTYMOLOGIE
Berry et Normandie, mouver ; wallon, mouwer ; provenç. mover, movre ; cat. mourer ; esp. et port. mover ; ital. movere ; du lat. movere. Le radical sanscrit mē paraît être dans movere, meare. Le participe meü, devenu mû, par contraction, suppose un participe barbare movutus.