« mortel », définition dans le dictionnaire Littré
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mortel, elle
- 1Sujet à la mort. Tous les hommes sont mortels.
La mort ne l'a point changé, si ce n'est qu'une immortelle beauté a pris la place d'une beauté changeante et mortelle
, Bossuet, Mar.-Thér.Tout est vain en l'homme, si nous regardons le cours de sa vie mortelle ; mais tout est précieux si nous contemplons le terme où elle aboutit
, Bossuet, Duch. d'Orl.Tout ce qui est mortel, quoi qu'on ajoute par le dehors pour le faire paraître grand, est, par son fond, incapable d'élévation
, Bossuet, ib.Outre le rapport que nous avons du côté du corps avec la nature changeante et mortelle, nous avons d'un autre côté un rapport intime et une secrète affinité avec Dieu
, Bossuet, ib.Encore que notre esprit soit de nature à vivre toujours, il abandonne à la mort tout ce qu'il consacre aux choses mortelles
, Bossuet, ib.Pourquoi m'es-tu donné, ô corps mortel, fardeau accablant…
, Bossuet, Bourgoing.Les Parques à ma mère, il est vrai, l'ont prédit, Lorsqu'un époux mortel fut reçu dans son lit…
, Racine, Iph. I, 2.Dans le style soutenu, la dépouille mortelle, ce qui reste de nous après la mort.
Une urne contiendra sa dépouille mortelle
, Voltaire, Olymp. V, 3.Quitter sa dépouille mortelle, mourir.
S. m. et f. Un mortel, une mortelle, un homme, une femme.
Descartes, ce mortel dont on eût fait un dieu
, La Fontaine, Fabl. X, 1.On n'entend dans les funérailles que des paroles d'étonnement, de ce que ce mortel est mort ; chacun rappelle en son souvenir depuis quel temps il lui a parlé, et de quoi le défunt l'a entretenu
, Bossuet, Sermons, Mort, préambule.Sur l'ais qui le soutient, auprès d'un Avicenne, Deux des plus forts mortels l'ébranleraient à peine [un infortiat]
, Boileau, Lutr. V.Mais je ne trouve point de fatigue si rude Que l'ennuyeux loisir d'un mortel sans étude
, Boileau, Ép. X.Je n'ai pas cru que… Il fût quelque mortel qui pût impunément Se venir à mes yeux déclarer mon amant
, Racine, Bérén. I, 4.Hélas ! il me semblait qu'une flamme si belle M'élevait au-dessus du sort d'une mortelle
, Racine, Iphig. III, 6.Mortelle, subissez le sort d'une mortelle
, Racine, Phèdre, IV, 6.Tout mortel est donc né pour souffrir
, Voltaire, Oreste, II, 1.Les mortels généreux disposent de leur sort
, Voltaire, Orphel. V, 5.Le dernier des mortels est maître de son cœur
, Chénier M. J. Charles IX, III, 2.Familièrement. Un heureux mortel, un homme à qui il arrive quelque chose d'heureux, d'agréable.
Cadédis, vous êtes un heureux mortel
, Dancourt, la Loterie, sc. 23.Absolument. Les mortels, l'espèce humaine.
Surtout, mortels, désabusez-vous de la pensée dont vous vous flattez, qu'après une longue vie la mort vous sera plus douce et plus facile
, Bossuet, le Tellier.Ô vanité, ô néant, ô mortels ignorants de leurs destinées
, Bossuet, Duch. d'Orl.Les mortels sont égaux ; ce n'est point la naissance, C'est la seule vertu qui fait leur différence
, Voltaire, Fanat. I, 4.S. m. Ce qui meurt.
Et vous vous attachez à ce corps, et vous bâtissez sur ces ruines, et vous contractez avec ce mortel une amitié immortelle !
Bossuet, Bourgoing. - 2Qui appartient aux hommes, aux mortels.
Le prélat… Tout d'un coup tourne à gauche, et d'un bras fortuné Bénit subitement le guerrier consterné ; Le chanoine surpris de la foudre mortelle…
, Boileau, Lutr. V. - 3Qui cause la mort, ou semble devoir la causer. Une maladie mortelle. Cette substance est mortelle aux poissons.
Ah ! cesse de courir à ce mortel danger ; Te perdre en me vengeant ce n'est pas me venger
, Corneille, Cinna, I, 1.Elle voulut assister ce frère mourant [de la peste], sans craindre ces souffles mortels qui portent le poison dans les cœurs
, Fléchier, Mme de Mont.Par une exacte police qui coupait les communications mortelles [en temps de peste]… il sauva ce peuple…
, Fléchier, Duc de Mont.D'abord il a tenté les atteintes mortelles Des poisons que lui-même a crus les plus fidèles
, Racine, Mithr. V, 4.J'ai su, par une longue et pénible industrie, Des plus mortels venins prévenir la furie
, Racine, ib. IV, 5.C'est peu de vouloir, sous un couteau mortel, Me montrer votre cœur fumant sur un autel
, Racine, Iphig. III, 6.Fig.
La chair et le sang de Jésus-Christ, non-seulement ne nous seraient plus salutaires, mais deviendraient pour nous le poison le plus mortel
, Bourdaloue, Myst. Très St Sacrem. t. I, p. 542.Le coup mortel, le coup qui donne ou paraît devoir donner la mort.
De mille coups mortels son audace est punie
, Racine, Brit. V, 8.Fig. Coup mortel, ruine, perte.
La plus puissante de toutes [les monarchies formées de l'empire d'Alexandre], après avoir été ébranlée par la mollesse et le luxe de la nation, reçut enfin le coup mortel par la division de ses princes
, Bossuet, Hist. III, 5.Péché mortel, péché qui fait perdre la grâce de Dieu et qui donne une espèce de mort à l'âme.
Chrétien, tu sais trop la distinction des péchés véniels d'avec les mortels
, Bossuet, Mar.-Thér.Ce n'est pas que je veuille ici confondre les fautes vénielles avec les fautes mortelles
, Massillon, Carême, Fautes légères.Mortel ennemi, ennemi mortel, ennemi jusqu'à vouloir la mort.
Être l'ennemi mortel de quelqu'un, Comme il vous traitait en mortel adversaire
, Corneille, Pomp. III, 2.Et plus vous la pouvez accabler d'infamie, Et plus elle vous traite en mortelle ennemie
, Corneille, Nicom. III, 4. - 4 Fig. Fatal, funeste.
Rechercher un trépas si mortel à ma gloire
, Corneille, Cid, I, 9.Cette mode [une sorte de coiffure] durera peu ; elle est mortelle pour les dents
, Sévigné, 4 avr. 1671.La gloire, qu'y a-t-il pour les chrétiens de plus pernicieux ou de plus mortel ?
Bossuet, Duch. d'Orl.Jamais jour n'a paru si mortel à la Grèce
, Racine, Iph. V, 6.Cherchons des remèdes contre les maladies de l'âme, non moins funestes et non moins mortelles [que celles du corps]
, Voltaire, Dict. phil. Ana, anecdotes. - 5Excessif dans son genre ; il ne se dit jamais qu'en mal.
Crois-tu donc que je sois insensible à l'outrage, Que je souffre en mon sang ce mortel déshonneur ?
Corneille, Hor. IV, 5.Un si mortel affront
, Corneille, Théod. IV, 6.Haine mortelle
, Rotrou, Bélis. IV, 1.Guerre, guerre mortelle à ce larron d'honneur Qui sans miséricorde a souillé notre honneur !
Molière, Sgan. sc. 21.D'où vient que, leur [aux vices du temps] portant une haine mortelle, Vous pouvez bien souffrir ce qu'en tient cette belle ?
Molière, Mis. I, 1.Vous croyez donc que les déplaisirs et les plus mortelles douleurs ne se cachent pas sous la pourpre ?
Bossuet, Mar.-Thér.En quel trouble mortel son intérêt nous jette !
Racine, Andr. III, 4.Dans le doute mortel dont je suis agité
, Racine, Phèdre, I, 1.Je suis dans des peines mortelles
, Massillon, Carême, Impén. - 6Dans le style familier, mortel se dit de ce qui fatigue par sa longueur, de ce qui paraît excessivement long, ennuyeux ; alors il se met devant son substantif.
On nous dit qu'il y avait deux mortelles lieues
, Sévigné, 363.En moins de rien, il eut fait cinquante mortelles lieues
, Hamilton, Gramm. 9.Quinze mortels jours se passèrent de la sorte
, Genlis, Mlle de Clermont, p. 63, dans POUGENS.
REMARQUE
À propos de ces vers de Racine : Plus qu'à mes ennemis la guerre m'est mortelle, Théb. III, 6 ; L. Racine dit : Mortelle pour funeste, expression qui n'est pas exacte. L. Racine se trompe, la locution est bonne et employée avant son père.
HISTORIQUE
XIe s. Par moi… son mortel enemi
, Ch. de Rol. XXXIV. Liverai lui une mortel bataille
, ib. LI.
XIIe s. [Charles] Mande par moi [à] ses mortex enemis
, Ronc. 24. S'or y laissons [en la terre sainte] nos ennemis mortieus, à tousjours mais ert [sera] nostre vie honteuse
, Quesnes, Romanc. p. 95. Qui puis refist à Saisnes maint mortel encombrier
, Sax. IV. [Il] A veü et trové moult mortel aversaire
, ib. XXX. Droiz est que li mortiel soient soget à Deu
, Machab. II, 8. Toute lor painne ont mise en moi trahir ; Mais ne lor vaut lor morteuz trahisons
, Couci, XII.
XIIIe s. Cum est la mescine [médecine] du cel [ciel], Quant ele descent sur mortel
, Édouard le conf. V. 4423. Traïstres seroie mortiex, Se servoie por deoevoir
, la Rose, 7842.
XVe s. Et pour ce que le roi de France savoit le roi Robert d'Escosse avoir grand guerre et tout le royaume d'Escosse avoir mortelle haine aux Anglois
, Froissart, II, II, 45.
XVIe s. L'inimitié mortelle qu'il nous porte…
, Carloix, IV, 18. Nos viandes leur estoient mortelles et venimeuses
, Montaigne, I, 106. Une telle prudence est mortelle ennemie de haultes executions
, Montaigne, I, 134. Des statues, non ouvrées de mortelle main
, Montaigne, II, 148. Prest à recevoir le coup mortel de la main de son ennemy
, Amyot, Marius et Pyrrhus, 15. Un mortel poison
, Amyot, Pompée, 50.
ÉTYMOLOGIE
Provenç. et espagn. mortal ; ital. mortale ; du latin mortalis, de mors, mortis, la mort.