« mortier », définition dans le dictionnaire Littré

mortier

Définition dans d'autres dictionnaires :

Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

mortier

(mor-tié ; l'r ne se lie jamais ; au pluriel, l's se lie : des mortié-z épais) s. m.
  • 1Vase à parois épaisses, en fer, en marbre ou autre substance, creusé d'une cavité hémisphérique évasée par le haut, et dans lequel on concasse, pulvérise ou écrase, à l'aide d'un pilon, des substances pour l'usage de la chimie ou de la pharmacie ou de la cuisine, etc. Je ne voudrais pas avoir à faire à un prince athée qui trouverait son intérêt à me faire piler dans un mortier ; je suis bien sûr que je serais pilé, Voltaire, Dict. phil. Athéisme.
  • 2Ancien terme de la maison du roi. Mortier de veille, petit vaisseau d'argent, qui a quelque ressemblance avec un mortier à piler, et qu'on remplit d'eau, sur laquelle surnage un morceau de cire jaune d'une demi-livre avec un petit lumignon au milieu, qu'on allume aussitôt que le roi est couché, et qui brûle toute la nuit dans sa chambre.
  • 3 Par assimilation de forme avec un mortier, sorte de bonnet que le chancelier de France et les grands présidents, qu'on appelait présidents à mortier ou au mortier, portaient pour marque de leur dignité, et qui est encore aujourd'hui la coiffure des présidents de cours de justice. C'est là leur diadème [des fleurs] ; ils en font plus de compte Que d'un cercle à fleurons de marquis ou de comte, Et des larges mortiers à grands bords abattus, Voltaire, Ép. 76. Les barons en robe de soie, Avec leurs mortiers de velours, Hugo, Ballades, VI.
  • 4 Fig. Le président lui-même. Il tient ici contre le mortier, La Bruyère, VII. Il traite les mortiers de bourgeoisie, La Bruyère, XI. Tel ou tel corps se contestent l'un à l'autre la préséance ; le mortier et la pairie se disputent le pas, La Bruyère, XIV. Le premier président donna un grand dîner ; quelque magistrature avide du sac, d'Antin, nul autre duc ni autres gens de marque, quelque peu de mortiers, Saint-Simon, 362, 30.

    On dit président à mortier. Cependant Bouhours (Nouv. Rem.) voulait qu'on dît : président au mortier : " Lamoignon, remarque-t-il, disait toujours président au mortier, et il savait son nom apparemment. Patru, Ménage, Mlle de Scudéry, sont également pour président au mortier. Notre langue veut que les mots qui marquent une distinction retiennent l'article : huissier à la chaîne, chambre aux deniers. "

  • 5 Par une autre assimilation de forme, nom donné à une pièce d'artillerie pour lancer des bombes. Que cette armée était d'environ 20000 hommes, que M. de Munster avait soixante-dix mortiers, avec lesquels il prétendait désoler cette place, Pellisson, Lett. hist. t. I, p. 121, dans POUGENS. Jusque-là il n'était tombé dans l'esprit de personne que des mortiers pussent n'être pas placés à terre et se passer d'une assiette solide, Fontenelle, Renau. M. Renau avait encore inventé de nouveaux mortiers qui chassaient les bombes plus loin et jusqu'à 1700 toises, Fontenelle, ib. Longtemps après sa chute [de la bombe], on voit fumer encore La bouche du mortier, large, noire et sonore, Hugo, Odes, III, 6.
  • 6 Terme de maçonnerie qui provient de ce que le mortier se pilait dans un mortier. Sable et chaux mélangés dont on se sert pour lier les pierres d'un mur. Faire du mortier. Mortier à chaux et à sable. Le mortier est un mélange intime de chaux, d'eau et d'un corps dur réduit en petits fragments, Thenard, Traité de chimie, t. II, p. 219, dans POUGENS. C'est à tort que certains maçons donnent le nom de chaux au mortier de chaux, pour le distinguer du mortier de terre qu'ils appellent absolument mortier, Legoarant

    Bâti à chaux et à mortier, bâti solidement.

    Mortier gras, mortier dans lequel il y a beaucoup de chaux. Mortier maigre, mortier dans lequel la chaux manque et qui n'est pas liant. Mortier blanc, mortier fait avec une chaux de faible qualité. Mortier bâtard, mortier fait avec de bonne et de mauvaise chaux.

    Mortier liant, mortier qui se manie facilement.

    Fig. et par plaisanterie. Il dit que son évêque d'Annecy, qui s'intitule prince de Genève, est cousin germain de son maçon, et que c'est un prélat qui n'a pas le mortier liant, D'Alembert, Lett. au roi de Pr. 7 août 1769.

    Fig. et familièrement. Cette soupe est du mortier, elle est trop épaisse.

  • 7Mélange d'argile et de sable avec lequel on construit les fourneaux.

    Mélange d'argile, de sable et de foin ou de bourre servant à construire des murs dans les pays où la pierre à bâtir est rare.

    Terme de peinture. Composition de chaux et de sable dont on fait des enduits pour peindre à fresque.

  • 8Bassin creux fait en terre où l'on éteint la chaux.

HISTORIQUE

XIIe s. Phieles [fioles] e mortiers, e encensiers, tut de fin or, Rois, p. 257.

XIIIe s. Mortiers ouvrés, desquex la charretée…, Liv. des mét. 277. Li mortelier doivent jurer… qu'il ne feront nul mortier fors que de bon liois, et se il le fet d'autre pierre… il doit estre despeciez, ib. 110. Li murs… Tot entor est faist à compas, Et est fais trestous d'un mortier Qui ne doute pikois d'acier, Fl. et Bl. 1789. Peivere [poivre] soudout [il broyait] en un morter, Lai del desiré. Et lor fist commencer la tor de pierre fort à chauz et à mortier, Merlin, f. 31, verso. Gloutonie… Refet sovent le mortier [cornet à dés] bruire Et chiés [chez] Hasart le tavernier, Rutebeuf, II, 38.

XIVe s. Un mortier de plon o [avec] pestel [pilon] de plon, H. de Mondeville, f° 96. On dist que mortiers est adès les aux florans [sent toujours l'ail], Baud. de Seb. II, 385. Et ama mieux estre pilé en un mortier, qu'il revelast à un tirant le secret de sa cité, Oresme, Eth. 49.

XVe s. Toujours veult mortier qu'on besongne, Deschamps, Poésies mss. f° 333. Abusé m'a et faict entendre Tousjours d'ung que ce fust ung aultre, De farine que ce fust cendre, D'ung mortier, un chapeau de feautre, Villon, Grand testam. Double ballade. Chargerent un mortier, puis mirent le feu dedans, et vint choir tout droit sur la nef de l'eglise, et rompit la dite nef, André de la Vigne, Voy. de Charles VIII, p. 134, dans LACURNE.

XVIe s. Les Mores assiegés tiroient certains tonnerres avec des mortiers de fer, Paré, IX, Préf. S'en esveilla en sursault, et approchant le mortier de cire qui brusloit [sorte de veilleuse]…, D. Flores de Grèce, f° 53, dans LACURNE.

ÉTYMOLOGIE

Bourg. motey ; wallon, moirtei ; namur. morti ; provenç. mortier ; cat. morter ; esp. mortero ; port. morteiro ; ital. mortaio, le mortier à piler ; du lat. mortarium, qui signifie à la fois le mortier à construire, et le mortier où l'on pile, parce que le mortier à construire se pilait. Mortarium paraît avoir des affinités avec marcus, martulus, marteau ; radical sanscr. mar, broyer, a changé en o, comme dans mori, radical mar.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

MORTIER. Ajoutez :
9Cavité faite dans une forte pièce de bois, où, pour la fabrication de la poudre, le soufre, le salpêtre et le charbon sont battus ensemble par des pilons.

REMARQUE

En artillerie, le mortier est une bouche à feu courte, de fort calibre, montée sur un affût bas et sans roues ; le mortier lance des bombes et des grenades ; le tir en a généralement lieu sous un angle très élevé ; on désigne le mortier par son diamètre exprimé en pouces ou en centimètres : mortier de 8 pouces, mortier de 32 centimètres.

Mortier à la Gomer, mortier dont la chambre est tronconique. Mortier à l'espagnole, ancien mortier dont la chambre est concave.

Mortier-Comminges, mortier de 18 pouces dont la bombe pèse 250 kil.

Mortier à plaque, mortier employé par la marine ; il est coulé avec une plaque, de manière à être toujours pointé sous l'angle de 42° 1/2, qui est l'angle de la plus grande portée dans l'air.

Mortier éprouvette, mortier particulier employé dans les écoles d'artillerie pour éprouver la portée de la poudre.