« gratter », définition dans le dictionnaire Littré

gratter

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

gratter

(gra-té) v. a.
  • 1Entamer légèrement la superficie. Gratter une écriture pour l'effacer. Vandales… qui viennent… Tout restaurer, mœurs, peuple et monuments hélas ! Civiliser la Grèce et gratter Phidias, Hugo, Crép. 12.

    Gratter une maison, enlever la couche noire mise par le temps. On dit de même : gratter un tableau.

    Fig. et familièrement. Gratter le papier, le parchemin, gagner sa vie en travaillant dans la basse pratique.

    Terme de graveur. Rendre plus nourries des tailles trop délicates.

    Terme de chaudronnier. Gratter le cuivre, le bien nettoyer avant l'étamage, afin que l'étamage prenne.

    Terme de relieur. Gratter un livre, en ouvrir le dos avec un instrument de fer dentelé, pour y faire entrer mieux la colle, avant de l'endosser.

    Terme de marine. Gratter un vaisseau, racler le goudron qui est dessus et en purger la carène.

    Terme de tailleur. Tirer avec l'aiguille le poil pour en couvrir quelque couture.

    Terme de manége. Gratter le mur, se dit de l'élève qui, dans les exercices, approche trop du mur.

  • 2Remuer avec ses ongles, avec le sabot, en parlant de certains animaux. Les poules grattent le fumier pour y chercher des grains. Il [Pégase] n'est plus cet animal fougueux qui hennit, gratte la terre du pied, se cabre et déploie ses grandes ailes, Diderot, Salon de 1767, Œuv. t. XIV, p. 234, dans POUGENS.
  • 3 Par extension. Gratter la terre, la labourer légèrement. Il n'a eu, pour ainsi dire, qu'à gratter la terre sous un ciel plus fortuné, et cet avantage l'a plongé dans la misère et dans l'indolence, Raynal, Hist. phil. XI, 25.

    Gratter la terre, se dit aussi de tout labour de la terre. J'aime cent fois mieux vivre au fond de la campagne, Pauvre, grattant la terre, auprès d'une compagne, Collin D'Harleville, Vieux célib. II, 2.

    Fig. et par exagération. J'aimerais mieux gratter la terre avec mes ongles que de… c'est-à-dire j'endurerais plutôt toutes les extrémités que de…

  • 4Frotter légèrement et à diverses reprises la peau avec les ongles ou quelque chose de semblable. Gratter l'endroit qui démange. Et de sa main noire souvent Le grattait derrière et devant, Scarron, Virg. VII.

    Fig. Gratter l'épaule à quelqu'un, chercher à se le rendre favorable.

    Se gratter la tête, l'oreille, faire le geste de se gratter comme si la tête, l'oreille démangeait, ce qui est un signe d'embarras. N'y pouvant rien gagner, je me gratte la tête, Régnier, Sat. X. Lors je dis, me grattant l'oreille : Autant il nous en pend à l'œil, Scarron, Virg. II. …Je lui disais donc, en me grattant la tête, Que je voulais dormir, Racine, Plaid. I, 2.

    Par extension, faire une impression désagréable sur le sens du goût. Ce vin gratte le gosier.

  • 5 Fig. et familièrement. Flatter, caresser. Ses contrôles perpétuels sur le pain et le vin, le bois, le sel et la chandelle, ne sont rien que pour vous gratter et vous faire sa cour, Molière, l'Av. III, 5. Il le gratte par où il se démange, Molière, Bourg. gent. III, 4.

    Un âne gratte l'autre, se dit de deux personnes de peu de mérite qui se louent réciproquement.

  • 6 V. n. Fouiller avec la patte, le pied, le sabot, etc. Les poules aiment à gratter.

    Fig. M. de Grignan a bien du caquet ; il commence à gratter du pied, Sévigné, 110.

    Fig. Faire de petits profits ou de petites économies. C'est un homme qui trouve à gratter sur tout.

  • 7Gratter à une porte, se dit d'une manière respectueuse d'avertir qu'on désire entrer. Comme je commençais d'entrer en matière, Ondedey gratta à la porte, Retz, IV, 213. Pour commencer par la porte de la maison d'un prince ou d'un grand seigneur, ce serait incivilité, en cas qu'elle fût fermée, de heurter fort et plus d'un coup ; à la porte des chambres ou du cabinet, c'est ne pas savoir le monde que de heurter ; il faut gratter ; et, quand on gratte à la porte chez les rois et chez les princes, et que l'huissier vous demande votre nom, il le faut dire et jamais ne se qualifier de monsieur, Nouv. traité de la civilité, etc. Paris, 1673, ch. 4. Gratter du peigne à la porte De la chambre du roi, Molière, Impromptu, remercîment. Un de la suite de M. de Lorraine gratta, l'huissier demanda qui est-ce ? Saint-Simon, 72, 184. C'était une foule d'écrivains de tout rang, de tout état et de tout âge qui grattaient à la porte et qui priaient la critique de les laisser entrer, Voltaire, Goût.
  • 8 Par plaisanterie. Gratter de la guitare, gratter du piano, jouer de ces instruments.

    Gratter le quatuor, la symphonie, y faire une partie d'instrument à archet.

  • 9Se gratter, v. réfl. Exercer un frottement sur la peau. Cet enfant se gratte sans cesse, il a quelque éruption. Ce cheval se gratte contre la muraille.

    Fig. Se flatter soi-même. De qui l'esprit rogneux de soi-même se gratte, Régnier, Sat. IX.

    Ce sont deux ânes qui se grattent, se dit de deux ignorants qui s'encensent mutuellement. Ces ânes, non contents de s'être ainsi grattés, S'en allèrent dans les cités L'un l'autre se prôner, La Fontaine, Fabl. XI, 5.

    PROVERBE

    Trop parler nuit, trop gratter cuit.

HISTORIQUE

XIIe s. En la cuisine feroit meilleur caufer [se chauffer] ; Quant lui plaisoit, bien s'i porroit gratter, Guill. d'Orange, Variantes, t. II, p. 310.

XIIIe s. Et on dist el proverbe : tant grate kievre [chèvre] que mal gist, Chr. de Rains, p. 74. Nus ymagiers paintres ne doit ne ne puet vendre chose pour dorée, de laquele li ors ne soit assis seur argent, et, se li ors est assis seur estain, et il le vent pour dorée sans dire, l'euvre est fausse, et doit l'ors et li estains et toutes les autres couleurs estre gratées tout hors, Liv. des mét. 158. Quant on voit que le [la] letre est gratée et rescrite el liu [lieu] que le [la] grature fu, Beaumanoir, XXXV, 9.

XVe s. Il convient que trop parler nuyse, Ce dit-on, et trop grater cuise, Orléans, Rondeau.

XVIe s. Les pauvres maris s'en gratent la teste, voyans la pauvreté venir en poste chez eux sur les pierreries des Indes et les toiles d'or d'Italie, Lanoue, 162. Lui, ayant senti se grater où il lui demangeoit, a incontinent forgé en imagination un dessein, Lanoue, 166. Il y trouva entr'autres Fervaques fort attaché à l'oreille du roi, et le roi attentif à son discours, tellement qu'on avoit esté plus d'une heure et demie à lui gratter les pieds sans qu'il pensast à se coucher, D'Aubigné, Hist. II, 187. À ce tressaillir, du plaisir qu'il [Socrate] sent à gratter sa jambe, après que les fers en furent hors, Montaigne, II, 120. Après la feste on grate sa teste [après avoir dépensé, on se repent], Cotgrave Qui naist de geline, il aime à grater [on hérite des inclinations de ses parents], Cotgrave Qui suit les poules apprend à grater la terre, Cotgrave

ÉTYMOLOGIE

Génev. gratter la rogne à quelqu'un, le flatter ; provenç. et espagn. gratar ; ital. grattare ; bas-lat. cratare ; du germanique : anc. haut-allem. chrazôn ; isl. kratta ; allem. kratzen.