« effort », définition dans le dictionnaire Littré

effort

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

effort

(è-for ; le t ne se lie pas : un è-for inattendu ; au plur. l's ne se lie pas : des è-for inattendus ; cependant quelques-uns la lient : des è-for-z inattendus) s. m.
  • 1Contraction musculaire qui a pour objet, soit de résister à une puissance, soit de vaincre une résistance. Faire effort pour soulever un fardeau. Sur l'ais qui le soutient auprès d'un Avicenne, Deux des plus forts mortels l'ébranleraient à peine ; Le chanoine pourtant l'enlève sans effort, Boileau, Lutrin, V.

    Les efforts de l'accouchement, les efforts que fait la femme pour aider à la contraction de la matrice.

  • 2Action de force physique. On te croirait toujours abattu sans effort, Corneille, Cid, II, 2. Et quand son assassin tombe sous notre effort, Corneille, Cinna, I, 1. Tourne ailleurs les efforts de tes bras triomphants, Corneille, Hor. I, 1. Le ciel mène à Lesbos l'impitoyable Achille ; Tout cède, tout ressent ses funestes efforts, Racine, Iphig. II, 1. Hélas ! je me consume en impuissants efforts, Racine, ib. V, 4. Il faut faire tous ses efforts pour repousser la mort, Fénelon, Tél. VI.
  • 3 Fig. Action énergique des forces morales. Faire tous ses efforts pour arriver à ses fins. Effort de mémoire, d'esprit, de vertu. Faire ses efforts pour mériter une récompense. C'est une œuvre où nature a fait tous ses efforts, Malherbe, V, 12. L'effort fait plus que le mérite, Régnier, Contre un amoureux. Mais plus l'effort est grand, plus la gloire en est grande, Corneille, Polyeucte, IV, 5. Mais Grimoald puni vous coûterait des larmes ; à cet objet sanglant l'effort de la pitié Reprendrait tous les droits d'une vieille amitié, Corneille, Perth. II, 1. Je verrai par l'effort de votre obéissance Où doit aller celui de ma reconnaissance, Corneille, ib. Tu vis comme il y fit des efforts superflus, Corneille, Rodog. II, 2. J'ai fait pour le fléchir un inutile effort, Corneille, Héracl. II, 2. Depuis cinquante ans que le Cid tient sa place sur nos théâtres, l'histoire ni l'effort de l'imagination n'y ont rien fait voir qui en ait effacé l'éclat, Corneille, Ex. du Cid. Cette tragédie a encore plus d'effort d'invention que celle de Rodogune, Corneille, Ex. d'Héracl. La plupart des hommes, pour arriver à leurs fins, sont plus capables d'un grand effort que d'une longue persévérance, La Bruyère, XI. Tous les premiers forfaits coûtent quelques efforts, Racine, Théb. III, 6. Votre âme… croit qu'en moi la haine est un effort d'amour, Racine, Andr. II, 2. Tu sais par quels efforts il tenta sa vertu, Racine, Mithr. I, 1. Au premier bruit de ce funeste accident, toutes les villes de Judée furent émues, des ruisseaux de larmes coulèrent des yeux de tous leurs habitants ; ils furent quelque temps saisis, muets, immobiles ; un effort de douleur rompant enfin ce long et morne silence, d'une voix entrecoupée de sanglots, ils s'écrièrent…, Fléchier, Turenne. Quoi donc ? un cœur si fier, si plein de fermeté, Par l'effort de l'amour peut être surmonté ! Quinault, Astrate, II, 3. Télémaque fit ses derniers efforts pour les en empêcher, Fénelon, Tél. XX. Ce n'est point par effort qu'on aime ; L'amour est jaloux de ses droits, Tout reconnaît sa loi suprême, Lui seul ne connaît point de lois, Rousseau J.-B. Cant. VII, Circé. Quel effort douloureux s'est-il donc imposé ? Delavigne, Paria, II, 2. Les soldats y attachaient encore plus de prix [à la propreté de leur uniforme] à cause de la difficulté, pour étonner, et parce que l'homme s'enorgueillit de tout ce qui est effort, Ségur, Hist. de Nap. VIII, 11.

    Faire effort sur soi-même, se déterminer à une chose malgré une vive répugnance. Pour moi, pour toi, pour lui, fais-toi ce peu d'effort, Corneille, Héracl. V, 3. Je ne vous blâme point d'avoir eu mes faiblesses ; Mais faites même effort sur ces lâches tendresses, Corneille, Attila, III, 4. Quels efforts à moi-même il a fallu me faire ! Corneille, Polyeuc. V, 3. Faites-vous un effort pour lui servir d'appui, Corneille, ib. IV, 5. Fais-toi quelque effort, Molière, Am. magnif. 3e interm. Past. 2. Malgré tous les efforts que je pourrais me faire, Racine, Mithr. II, 1. Faisons cet effort sur notre douleur, Bossuet, Louis de Bourbon.

    Familièrement. Il a fait un effort, il a consenti à donner une forte dot pour marier sa fille. Mais, Frosine, as-tu entretenu la mère touchant le bien qu'elle peut donner à sa fille ? lui as-tu dit qu'il fallait qu'elle s'aidât un peu, qu'elle fît quelque effort ? Molière, l'Av. II, 6.

    En général, faire un effort, se résigner à quelque chose qui coûte, qui répugne.

    Faire l'effort de, prendre la peine de. Elle a fait l'effort de venir voir ce joli appartement, Sévigné, 392.

    Ironiquement. Il a fait l'effort de me rendre ma visite

    Coup d'effort, coup d'audace, entreprise hardie. Mes vaisseaux à la rade, assez proches du port, N'ont que trop de soldats pour faire un coup d'effort, Corneille, Médée, II, 5. Sans moi ton insolence allait être punie ; à ma seule prière on ne t'a que bannie ; C'est rendre la pareille à tes grands coups d'effort : Tu m'as sauvé la vie, et j'empêche ta mort, Corneille, ib. III, 3.

    Un heureux effort de la plume, production à laquelle on consacre avec succès toutes ses forces et tout son talent. Si je souhaite quelque durée pour cet heureux effort de ma plume, ce n'est point pour apprendre mon nom à la postérité, mais seulement pour laisser des marques éternelles de ce que je vous dois, Corneille, le Cid à Mme de Combalet.

    Il se dit aussi, en ce sens des autres beaux-arts. Le renard en louant l'effort de la sculpture, La Fontaine, Fabl. IV, 14.

    En mauvaise part. C'est un effort de démence dans un gouvernement d'avilir la plus grande partie de la nation, Voltaire, Mœurs, 98.

  • 4Il se dit aussi des choses qui exercent une action comparée à un effort musculaire. L'effort de l'eau rompit la digue… Mon front, au Caucase pareil,… Brave l'effort de la tempête, La Fontaine, Fabl. I, 22. Et des vains ornements l'effort ambitieux, La Fontaine, ib. V, 1.

    L'effort de la guerre, ce que la guerre a de plus puissant et de plus effectif. Vous trouverez étrange que ces gens que vous tenez si sages et qui ont particulièrement cet avantage sur nous de bien garder ce qu'ils ont gagné, aient laissé reprendre une place sur laquelle on pouvait juger que tomberait tout l'effort de cette guerre, Voiture, Lett. 74.

  • 5Dans le langage didactique, toute action en vue d'un résultat.
  • 6Effet. Soit que son or pour lui fît un si prompt effort, Corneille, Théodore, IV, 4. Le fer ne produit point de si puissants efforts, Racine, Brit. V, 5.
  • 7Il se dit des actions armées des peuples ou des partis entre eux. Les Gaulois font un dernier effort pour leur liberté, Bossuet, Hist. I, 8. L'effort qu'il venait de faire pour atteindre Moscou avait usé tous ses moyens de guerre, Ségur, Hist. de Nap. VIII, 7.
  • 8Dans le langage vulgaire, nom donné à une douleur vive survenue dans un muscle à l'occasion d'une violente contraction de ses fibres.

    Tiraillement douloureux éprouvé dans la région lombaire en soulevant un fardeau trop pesant.

    Hernie. Il s'est donné un effort.

HISTORIQUE

XIe s. N'assemblereit Charles si granz esforz [troupes], Ch. de Rol. XLIV. Dist Oliviers : Paien ont grant esforz, ib. LXXXI. Son cheval [il] broche, laisse courre à esforz, ib. XCI.

XIIe s. De ses beaus ieuz [elle] me vint sans desfiance [sans défi] Ferir au cuer, que n'i ot autre esfort, Couci, XVI. Li plusieur ont d'amors chanté Par esfort et desloiaument ; Mais de ce [ma dame] m'en doit savoir gré Qu'onques [je] n'en chantai faintement, ib. p. 120. Joram li reis de Israel od tut sun esforz out assegied Ramoth Galaath sur Asael le rei de Syrie, Rois, 376.

XIIIe s. Et cil vienent à grant esfort, Qui le poisson vendre menoient, Ren. 3960.

XIVe s. Premierement il convient de partir soy et traire loing et resister à plus grant effort au vice qui est plus contraire à la vertu que l'en quert, Oresme, Eth. 54. Car il [un roi] estoit de si grant iestre [être], Et si redoutés et si fors, Et si grans estoit ses esforz [son armée], Jean de Condé, p. 149.

XVe s. Après cette ordonnance, le roi Philippe, qui fortement desiroit à trouver les Anglois et eux combattre, se partit d'Amiens à tout [avec] son effort, et chevaucha vers Airaines, Froissart, I, I, 278. Elle veut faire son effort De tout son povoir de m'aidier, Et pour ce lui plaist m'envoyer Cette nef plaine de plaisance, Orléans, Ball. 28. Tout homme armé doit estre, par effort, Crueulx avant, piteux après victoire, Deschamps, Poésies mss. f° 109, dans LACURNE. Le roy avoit mis tout son effort en son avant garde, où pouvoit avoir trois cens cinquante hommes d'armes et trois mille Suisses, qui estoit l'esperance de l'ost, Commines, VIII, 6.

XVIe s. Faisant quelque effort en saultant, Montaigne, I, 92. Les efforts de nostre conception sont loing au dessoubs de leur merite, Montaigne, I, 265. Tout l'effort de ces hommes d'armes consiste en leur lance, Amyot, Lucull. 53. Foible suis pour te conquester Un chasteau de si grand effort, Marot, II, 240. Fossez profonds et murs de grans efforts N'environnoient encor villes ne forts, Marot, IV, 16. … Et se tenir coy sans rien entreprendre, ny faire effort [violence] à aucun des habitans, Sat. Mén. p. 134.

ÉTYMOLOGIE

Voy. EFFORCER ; provenç. esfort ; catal. esfors ; espagn. esfuerzo ; port. esforço ; ital. sforzo.