« distiller », définition dans le dictionnaire Littré

distiller

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

distiller

(di-sti-lé) v. a.
  • 1Laisser couler goutte à goutte. Ses lèvres sont comme des lis qui distillent la plus pure myrrhe, Sacy, Cant. des cant. V, 12.

    Par extension. La lune, qui se penche au bord de la vallée, Distille un jour égal, une aurore voilée, Sur ce golfe silencieux, Lamartine, Harm. I, 10.

    Fig. Épancher. Il distilla sa rage en ces tristes adieux, Boileau, Sat. I. En blâmant ses écrits, ai-je, d'un style affreux, Distillé sur sa vie un venin dangereux ? Boileau, Sat. IX. Au lever de Sejan… Il distille à longs traits son absurde malice, Voltaire, Disc. 3. Ma haine sans péril distilla ses poisons, Delavigne, Vêpres sicil. I, 1. Dans les palais et sous le chaume, Moi, dit la sœur, j'ai de mes mains Distillé le miel et le baume Sur les souffrances des humains, Béranger, Les deux sœurs de charité.

  • 2Vaporiser un liquide par la chaleur, pour en condenser ensuite les vapeurs par le refroidissement et les recueillir goutte à goutte. Distiller du vin, des grains, pour en faire de l'eau-de-vie. Distiller des plantes aromatiques, pour en extraire l'essence.

    Fig. Se distiller le cerveau, soumettre son cerveau à une sorte de distillation, se donner beaucoup de peine de tête. Tous ces gens-là se distillent le cerveau pour faire accroire que…, Voltaire, Phil. II, 258. Je me suis avisé de mettre par écrit les raisons qui pourraient justifier ces juges ; je me suis distillé la tête pour trouver de quoi les excuser, Voltaire, Lett. Damilaville, 24 janv. 1763.

    Par extension, distiller du miel, se dit du travail de l'abeille. Comme on voit les frelons, troupe lâche et stérile, Aller piller le miel que l'abeille distille, Boileau, Sat. I.

  • 3 Fig. et très familièrement. Distiller un coup, l'exécuter avec habileté. Distiller un carambolage.
  • 4 V. n. Couler lentement. Des gouttes d'eau distillent de la voûte. De ta couronne … Le miel abondamment et la manne distille, Régnier, Sat. I. Un soldat coupant du pain, on aperçut des gouttes de sang qui en distillaient, Vaugelas, Q. C. IV, 2. Que dirai-je des lieux où le baume odorant Distille goutte à goutte en larmes précieuses ? Malfilâtre, Génie de Virg.

    Fig. Ce peuple réprouvé [les Juifs] ne sert plus qu'à montrer la malédiction et la vengeance divine qui distille sur lui goutte à goutte, Fénelon, t. XVII, p. 291.

  • 5Se distiller, v. réfl. Être distillé. Les vins se distillent pour la fabrication des eaux-de-vie. L'action qui convertit le suc des viandes en sang n'est-elle pas aisée à connaître, si on considère qu'il se distille, en passant et repassant par le cœur, plus de cent ou deux cents fois en chaque jour ? Descartes, Méth. V, 8.

    Fig. Mais je m'arrête trop et je laisse mon maître Se distiller en pleurs et s'enivrer peut-être, Regnard, le Bal, sc. 3.

    Fig. Employer des tours fins et délicats. Le duc de Coislin veut retourner à la couchée déceler le vilain, et se distiller en honte et en excuses, Saint-Simon, 65, 84. Villars se distilla publiquement et tous les jours en respect pour le maréchal de Boufflers, Saint-Simon, 259, 221.

HISTORIQUE

XIVe s. Mieulx te vaudroit faire autre office Que tant dissoudre et distiller Tes drogues…, Nature à l'alch. err. 37.

XVIe s. C'est trop fringué pour une jeune fille, Car on congnoist au parler qui distille De vostre bec, qu'estes grant escolliere, Marot, J. V, 260. Tu te distilles le cerveau Pour faire un poeme nouveau, Du Bellay, J. IV, 66, recto. Le soleil donne vie, agite, et sa chaleur Distille dans les os sa celeste vigueur, Du Bellay, J. IV, 71, verso. Et fut le poison, à ce qu'ilz disent, une eaue froide comme glas, qui distille d'une roche estant au territoire de la ville de Nonacris, Amyot, Alex. 123. Distiller, c'est un art et moyen par lequel la liqueur ou humidité d'aucunes choses, par la vertu et force du feu, ou de chaleur semblable, est extraite et tirée, estant premierement subtilisée en vapeur, puis resserrée et espaissie par froideur ; aucuns appellent cest art sublimer. - On peut distiller sans chaleur [filtrer], comme nous voyons es choses qui sont distillées en forme de collatures, Paré, XXVI, 1. Faut-il qu'en pleurs je distille ma vie ? Ronsard, 630.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. distillar ; catal. destillar ; espagn. destilar ; ital. distillare ; du latin distillare, de di… préfixe, et stilla, goutte. Le latin dit aussi destillare, dont distillare n'est peut-être qu'une altération, car ici le sens du préfixe de est bien préférable à celui du préfixe dis.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

DISTILLER. Ajoutez :
6être distillé, avoir un flux d'humeur, un catarrhe (inusité aujourd'hui). L'âge se rebellait contre les maladies ; mais, enfin, il me fallut rendre et être distillé moi-même, Malherbe, Lexique, éd. L. Lalanne.