« déserter », définition dans le dictionnaire Littré

déserter

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déserter

(dé-zèr-té) v. a.
  • 1Quitter un lieu, le fuir. Déserter le royaume, la province. Déserter leur pays pour inonder le nôtre, Racine, Mithr. III, 1.

    Abandonner. Déserter son poste, la maison paternelle. Et l'ennemi vaincu, désertant ses remparts, Au-devant de ton joug courait de toutes parts, Boileau, Épît. au roi. Nous pouvons dire que c'était le reflux de son esprit qui, comme un grand océan, se retire et déserte ses rivages, Boileau, Longin, 7. Il vient injustement de chasser Bourguignon ; Si cela dure, il faut déserter la maison, Boissy, Dehors trompeurs, I, 1.

  • 2 Terme militaire. Abandonner son drapeau. Déserter le service, l'armée.

    Par extension. Déserter la bonne cause. Déserter son parti, en changer. Déjà de votre camp un grand nombre transfuge Déserte votre cause et prend le roi pour juge, Lemercier, Frédég. et Bruneh. I, 1.

  • 3 Terme de mer. Déserter quelqu'un, l'empêcher de retourner au vaisseau, et le laisser dans quelque lieu malgré lui.
  • 4Rendre désert. Ce sens a vieilli. Mars qui met sa louange à déserter la terre Par des meurtres…, Malherbe, VI, 5. C'est en quelque sorte vouloir déserter la cour que de combattre l'ambition qui est l'âme de ceux qui la suivent, Bossuet, Sermon du 4e dim. de carême. Voici le temps que le Seigneur désertera toute la terre, il la dépouillera et lui fera changer de face, Isaïe, ch. XXIV, dans RICHELET.
  • 5 V. n. S'en aller d'un lieu, avec l'idée que ce lieu n'est pas tenable. Le bruit des voisins m'a fait déserter de ma chambre. Et lorsque son démon commence à l'agiter, Tout jusqu'à la servante est prêt à déserter, Boileau, Sat. VIII.
  • 6 Terme de guerre. Abandonner son drapeau. Déserter devant l'ennemi. Déserter à l'intérieur, quitter le drapeau, mais ne pas quitter le pays. Déserter à l'ennemi, quitter le drapeau et passer dans l'armée ennemie. J'ai même déserté deux fois dans la milice, Regnard, Folies amour. I, 7.

    Fig. Il leur est dur de voir déserter les galants, Molière, Tart. I, 1. J'étais effrayé du dépit qu'elle [Mme de Maintenon] concevrait de voir Chamillart lui déserter et passer du côté de ses ennemis, Saint-Simon, 190, 44. La liberté déserte avec ses armes, Béranger, V, sergent.

  • 7Se déserter v. réfl. Être déserté, abandonné. Les campagnes et les villes se désertaient pendant les ravages des Normands.

HISTORIQUE

XIIe s. Hé ! France belle ! come es hui desertée De bons vassaus…, Ronc. p. 91. Sire, faitele, Espagne est desertée, ib. p. 146. Mais l'abes de Cisteaus à saint Thomas manda Par dan Guarin l'abé tut ço qu'el brief trova, Que li reis les manace qu'il les desertera, Th. le mart. 97.

XIIIe s. Maufé [les diables] vos ont si deserté Qu'en ne vos puet prendre en verté, Ren. 1739. Lessiés le [bouton] croistre et amander ; Nel voudroie avoir deserté [éloigné] Du rosier qui l'a aporté, Por nule riens vivant, tant l'ains [tant je l'aime], la Rose, 2929. Li bon baron de France ne vourent arester, En estranges païs s'alerent deserter, Là devinrent sauvage por lor ames sauver, Ch. d'Ant. I, 110. Quel gent a Diex laissie por garder sa maison ? Sa vigne est desiertée, n'i labore mais hom, Rutebeuf, 237.

XVe s. Et plusieurs chevaliers et escuyers se plaignoient des bois que on leur avoit coupés et desertés [ravagés], Froissart, II, II, 238. Deux mille frans et plus lui a cousté Ceste guerre, dont il [Deschamps] est deserté [ruiné], Deschamps, Suppl. au roi.

XVIe s. Il fut d'opinion que l'on rasast entierement la ville, et que l'on desertast [rendît désert] le pays, Amyot, Lysand. 29. Ainsi advint il que de la desolation et destruction d'une ville desertée, plusieurs furent rebasties et repeuplées, Amyot, Lucull. 57. Voir devant ses yeux son domaine se deserter et en ses bois et en toutes ses autres parties, De Serres, 55. Lors le brochet, encore qu'il devore quelques petits poissons, ne desertera pourtant l'estang, De Serres, 426. Les poissons se mangeans les uns les autres, finalement l'estang de lui-mesme se desertera, si…, De Serres, 427. Par la revolution du temps les forests se sont desertées [ruinées], De Serres, 749.

ÉTYMOLOGIE

Désert 1 ; provenç. et espagn. desertar ; ital. desertare.