« dédire », définition dans le dictionnaire Littré

dédire

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

dédire

(dé-di-r') v. a.

se conjugue comme dire, excepté à la 2e personne du pluriel du présent de l'indicatif et de l'impératif : vous dédisez, dédisez, et non : vous dédites, dédites.

  • 1Désavouer quelqu'un de ce qu'il a dit ou fait. Croyez qu'il me déplaît, et très sensiblement, De vous devoir dédire une fois seulement, Rotrou, Antig. II, 2. Mon cœur vous en dédit, un secret mouvement Qui le penche vers vous malgré moi vous dément, Corneille, D. San. IV, 3. Les rois impunément dédisent leurs sujets, Corneille, Perthar. II, 3. Que sert la volonté d'un chef qu'on peut dédire ? Corneille, Sophon. I, 3. Il m'a donnée à vous, et nul autre que moi N'a droit de l'en dédire, et me choisir un roi, Corneille, Nicom. I, 1. M. le chevalier ne m'en dédira pas, Sévigné, 586. Il ne m'a jamais dédite de rien, Sévigné, 369. Et moi je n'ai pas osé l'en dédire, m'a dit Dorante, parce que j'aurais indisposé contre moi cette fille, qui a du crédit auprès de sa maîtresse, Marivaux, Fauss. confid. II, 12.

    Par extension, dédire quelque chose, ne pas se conformer à ce que cette chose exige. Oui, le religieux qui hait la discipline, Qu'importune la règle, à qui pèse l'habit, Qui par ses actions chaque jour les dédit…, Corneille, Imit. I, 25.

  • 2Se dédire, v. réfl. Désavouer ce qu'on a dit. …Tu n'es donc point mon fils, Puisque si lâchement toujours tu t'en dédis, Corneille, Héracl. II, 3. Je m'en dédis, seigneur, il n'est point criminel, Corneille, Nicom. IV, 2. Mais s'il se dédisait d'un outrage forcé, Corneille, Sertor. I, 3. Mon amour a paru ; je ne m'en puis dédire, Corneille, Cid, V, 8. Je vous en ai trop dit pour m'en pouvoir dédire, Corneille, ib. V, 7. De tout ce que j'ai dit, je me dédis ici, Molière, Mis. II, 1. C'est l'opinion [ne pas croire en Dieu] d'un favori qui se dédira à l'agonie, La Bruyère, X. Toutefois, s'il le faut, je veux bien m'en dédire, Boileau, Sat. IX. Également impartial, quand je loue et que je me dédis d'un éloge, quand je blâme et que je me dépars de ma critique, Diderot, Salon de 1767, Œuvres, t. XIV, p. 510, dans POUGENS.

    Ne pas tenir sa parole, revenir sur un engagement pris. Il n'y a point moyen de vous en dédire, Guez de Balzac, liv. VII, lett. 5. Mais quand ce choix est fait, on ne s'en dédit plus, Corneille, Sertor. III, 2. Souvent on se dédit de tant de complaisance, Corneille, Tite et B. V, 5. Ainsi des bons propos la céleste vigueur Aisément dégénère en honteuse langueur ; Tu sembles n'en former qu'afin de t'en dédire, Corneille, Imit. III, 6. Il est tard après tout de vouloir m'en dédire, Corneille, Cinna, I, 2. Vous ne sauriez ce coup vous en dédire, La Fontaine, Mandr. Comment, vous avez cru que j'irais me dédire à cause du revers qui vous est survenu, Collin D'Harleville, Optimiste, IV, 8.

    Familièrement. Il n'y a pas à s'en dédire, c'est-à-dire la chose est trop avancée pour reculer. Il n'y avait pas moyen de s'en dédire, Hamilton, Gramm. 5. Hélas ! madame, repris-je, je n'ai suivi que vos conseils, il n'est plus temps de se dédire, Marivaux, Marianne, 9e partie, t. III, p. 372, dans POUGENS.

    Se dédire, protester qu'on n'a pas fait une chose qui est imputée. Ce sens vieillit. L'on n'a nul droit de se plaindre de tout homme qui se dédit, Molière, George Dand. I, 8. Si bien donc que, si je le trouvais couché avec ma femme, il en serait quitte pour se dédire, Molière, ib.

    Avec ellipse du pronom se. Pensez-vous qu'il se laisse aisément détromper, Et qu'au premier moment qu'il vous verra dédire, Aux mains de son vrai maître il remettra l'empire ? Corneille, Héracl. II, 8. Je fais ce que je puis à le faire dédire, Corneille, Perthar. V, 2.

REMARQUE

Dans le XVIIe siècle on hésitait entre dédisez et dédites. Puisque je l'ai promis, ne m'en dédisez pas, Molière, Mis. III, 4. Mais dans l'édition originale de 1669 il y a : ne m'en desdites pas.

SYNONYME

SE DÉDIRE, SE RÉTRACTER. Ces deux verbes signifient désavouer ce qu'on avait dit, avancé. Dédire est plus général ; c'est désavouer une chose dite, quelle qu'elle soit ; on se dédit aussi bien des paroles bonnes que de paroles indifférentes ou agressives. Mais rétracter implique qu'il y avait, dans ce que nous avions avancé, quelque chose qui blesse, offense ou mérite du blâme. Je lui avais attribué cet acte de générosité ; la chose est fausse ; je m'en dédis. Je lui avais imputé cette mauvaise action ; j'étais mal informé, je me rétracte.

HISTORIQUE

XIIe s. Quanque tu as et dit et devisé, Desdi je tot en l'enor dam le Dé [en l'honneur du seigneur Dieu], Bat. d'Aleschans, V. 1398. N'[y] a baron en la court qui de rien l'en desdie, Sax. XXXII. Johans de Salesbire li aveit dunches dit : Sire, tuz jurs avez nostre conseil desdit, Th. le mart. 143. Pur ço qu'or desdiseit ço qu'ainz ot graanté, ib. 43. Desdire les voleit li bers del jugement : Mais mult li unt prié trestuit communement Qu'il laist cele ire ester, nel [ni le] desdie neent ; Face la volenté le rei e sun talent, ib. 32.

XIIIe s. De riens que commandez, ne serez jà desdite, Berte, LIV. De lui auron ore tel pès, Que jamès mal ne nos fera, Ne chose ne nos desdira Que nis un de nos fere voille, Ren. 6020. Si vos pri, seignor amoreus, Que se vous i trovés paroles Semblans trop baudes ou trop foles, Por quoi saillent li medisant Qui de nous aille mesdisant Des choses à dire ou des dites, Que cortoisement les desdites, la Rose, 15368. Adonques, se nus ne le desdit [contredit], cil qui sont nommé devant demorent procureur, Beaumanoir, 81. Et qui dit parole por sei en court, ou que il otreie ce que son conseil a dit, il ne le peut puis desdire ne neer [nier], Ass. de J. 52.

XIVe s. Si fist Karenlouet, qui dit : alons avant ! Et Guillaume Beitel ne les va desdisant, Guesclin. 16326. Mais quant vos cuers m'escondit, Vos dous regars s'i mesle et l'en desdit Si doucement que plus en gré reçoy Vostre refus que d'une autre l'ottroy, Machaut, p. 62.

XVe s. Ce sont trois personnes ensamble Et un seul Dieu : dy, qu'il t'en sanble ? Oserois-tu ceci desdire ? la Pass. de N. S. J. C. Et n'est nul en Angleterre, tant soit noble ni de grand affaire, qui l'ose courroucer ni desdire de tout ce qu'il veut faire, Froissart, I, I, 7. Le traité plut assez bien au roi de France, pour mieux complaire au roi d'Escosse, et ne desdit de rien le traité, Froissart, I, I, 169. Pour ceste cause fut desdicte la trefve, Commines, III, 9.

XVIe s. Se desdire de sa parole, Montaigne, III, 78. Ne voulant desdire [contredire] Platon, qui estime…, Montaigne, IV, 78. Cette missive m'est un petit suspecte, car elle parle comme si le livre estoit dedié à Trajan, ce qui est manifestement dedict par le commencement du livre, Amyot, Préf. XXI, 49. Aristaenetus, qui s'estoit tousjours monstré fort affectionné aux Romains, dit qu'il ne les falloit desdire en chose quelconque, ny se montrer ingrats envers eulx, Amyot, Philop. 30. Ilz desdirent [refusèrent] fort et ferme Alexandre, quand il les cuida à toute force faire encore passer la riviere de Ganges, Amyot, Alex. 104. Ils avoient appelé impudence la hardiesse d'un jeune homme, qui avoit osé, premier que d'estre au lieu, desdire les asseurances d'un tel homme que Segur Pardaillan, D'Aubigné, Hist. II, 270.

ÉTYMOLOGIE

Dé… préfixe, et dire ; provenç. desdire ; catal. desdir ; espagn. disdecir ; portug. desdizer ; ital. disdire.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

DÉDIRE. Ajoutez :

PROVERBES

Il vaut mieux se dédire que se détruire, il vaut mieux renoncer à une mauvaise opération, reconnaître une faute, que d'y persévérer et de s'y perdre.

Un bon Picard ne se dédit pas, il se ravise.