« commettre », définition dans le dictionnaire Littré

commettre

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commettre

(ko-mè-tr'), je commets, tu commets, il commet, nous commettons ; je commettais ; je commis ; je commettrai ; je commettrais ; commets ; que je commette, que nous commettions ; que je commisse ; commettant ; commis v. a.
  • 1Proprement, mettre ensemble ; usité seulement, au propre, en termes de marine. Tordre ensemble plusieurs torons pour en former un cordage.
  • 2Mettre ensemble, dans le sens de préposer. Je vous commets au soin de nettoyer partout, Molière, l'Av. III, 1. Et mille observateurs que j'ai commis exprès Ont si bien vu leurs feux qu'ils ne sont plus secrets, Rotrou, Vencesl. II, 3. Il commit un Alcide au fardeau d'un Atlas, Rotrou, St-Gen. I, 1. Le roi commit des membres de son conseil d'État pour vider les procès en dernier ressort, Voltaire, Siècle de Louis XV, 36.

    Commettre un rapporteur, un juge dit juge commissaire, chargé de faire un rapport dans une affaire, de procéder à certaines opérations. Commettre un huissier, dit huissier commis, désigné par le juge, à l'effet de faire une signification.

    Absolument. Chamillart ne voulut plus être rapporteur d'aucune affaire, et remit au greffe celles dont il se trouvait chargé, et pria le président d'y commettre, Saint-Simon, 70, 153.

  • 3Mettre ensemble dans le sens de confier. Notre Atlas… Te commet de l'État l'entier gouvernement, Régnier, Sat. VI. Reprenez le pouvoir que vous m'avez commis, Corneille, Cinna, IV, 3. Leur feignant un secret que César m'a commis, Rotrou, Bélis. II, 8. Ce pauvre maître Albert a beaucoup de mérite D'avoir depuis Bologne accompagné ce fils Qu'à sa discrétion vos soins avaient commis, Molière, l'Étour. IV, 3. Je vous rends le dépôt que vous m'avez commis, Racine, Athal. II, 7. Défendre jusqu'au bout les jours qu'ils m'ont commis, Racine, Baj. V, 10. Un roi victorieux A commis à mes soins ce dépôt précieux, Racine, Esth. prol. Les mains à qui Rome a commis l'empire des humains, Racine, Brit. II, 3. C'est à leurs doctes mains, si l'on veut les en croire, Que Phébus a commis tout le soin de sa gloire, Boileau, Disc. au roi. Il commet à Josué ce qui reste à faire, Bossuet, Hist. II, 3. Ce fut à cette garde fidèle que la reine commit ce précieux dépôt, Bossuet, Reine d'Anglet. Enfin ils étaient prêts d'en venir aux mains et de commettre leur réputation au sort d'une bataille, Voltaire, Louis XIV, 12.
  • 4Mettre ensemble, dans le sens de compromettre, mêler quelqu'un dans quelque affaire désagréable. Commettre le père avec le fils, les mettre dans le cas de se brouiller ensemble. Afin de les commettre l'un contre l'autre, Corneille, Ex. de Rod. Je ne crois point vous avoir commise, Sévigné, 263. Il n'est propre qu'à commettre deux personnes qui veulent s'accommoder, La Bruyère, Théophr. 12. Si vous vous obstinez à n'être jugé que par les consuls, vous commettrez le sénat avec le peuple, et vous allumerez une sédition, Vertot, Révol. rom. liv. II, p. 166. Quoi ! vous osez commettre un homme tel que moi Avec des malheureux si peu dignes de foi ! Voltaire, Catil. I, 3.

    En parlant des choses. Qu'eussé-je fait, Pollux, en cette extrémité Qui commettait ma vie avec ma loyauté ? Corneille, Médée, I, 1. Sans commettre l'autorité du roi son seigneur, Bossuet, Reine d'Anglet. Nous sommes attachés à un peu d'honneur que nous avons dans le monde, nous ne voulons pas le commettre, Fléchier, Serm. I, 281. Abandonner leurs États à des dissensions domestiques et commettre leur dignité à des jalousies étrangères, Fléchier, ib. I, 207. Voilà comme il évitait d'entrer en conversation et de commettre sa suffisance, Montesquieu, Lett. pers. 101. Henri IV [d'Allemagne] ne fit que commettre son autorité en écrivant au pape qu'il le déposait, Voltaire, Mœurs, 46. Le sultan ne voulait point commettre son honneur et celui de l'empire ottoman, en exposant le roi à être pris sur la route par ses ennemis, Voltaire, Charles XII, 6.

    Absolument. A-t-on bien prévu et réglé le cérémonial ? Le moindre mécompte commettrait beaucoup.

  • 5Exposer. Craignant de vous commettre aux affronts d'un refus, Racine, Iph. II, 4. Mais à d'autres périls je crains de le commettre, Racine, Baj. IV, 1.
  • 6Faire, en parlant d'un acte répréhensible. Commettre un péché, une faute, un délit, un crime. Ils commirent de grands excès. L'amour que j'ai pour vous a commis cette offense, Corneille, Nicom. II, 2. On ne me verra point survivre à votre gloire, Si vous allez commettre une action si noire, Racine, Brit. IV, 3. Si mon cœur eût commis cette horrible injustice, Voltaire, Tanc. V, 6.
  • 7Se commettre, v. réfl. Se confier. Qui… Se commet aux hasards de l'amoureuse mer, Régnier, Épît. II. [Agnès] N'a plus voulu songer à retourner chez soi, Et de tout son destin s'est commise à ma foi, Molière, Éc. des f. V, 2.
  • 8Compromettre sa dignité, son caractère, ses intérêts. Il y aurait de la honte pour lui de se commettre avec un père étourdi, Guez de Balzac, liv. VI, lett. 5. Des généraux d'armée Ne se commettent point contre un aventurier, Corneille, D. Sanche, I, 5. Il y a des gens avec lesquels il ne faut jamais se commettre [se familiariser], La Bruyère, V. Lucien ne voulait point se commettre avec Diogène qu'il craignait, Fontenelle, Jug. de Pluton. Un seul officier supérieur qui eût voulu profiter de la confusion pour faire battre son général, le pouvait aisément sans se commettre, Voltaire, Siècle de Louis XIV, 16. Je veux bien avec toi descendre à me commettre, Voltaire, Tanc. III, 6. Ces agaceries dont les femmes savent user sans se commettre, Rousseau, Conf. VI. Que revient-il de se commettre avec le public ? des tracasseries de comédiens, des jalousies d'auteurs…, Voltaire, Lett. à Mme du Bocage, 3 sept. 1758.
  • 9S'exposer. La reine, à peine sortie d'une tourmente si épouvantable, ose encore se commettre à la furie de l'Océan et à la rigueur de l'hiver, Bossuet, Reine d'Anglet.
  • 10Être fait, en parlant d'un acte répréhensible. Péchés qui se commettent dans l'ombre.

HISTORIQUE

XIIIe s. L'en demande se l'en doit obeir à son apel, et l'on dit que non, puisque la cause fut commise sanz apeau, Liv. de just. 13.

XIVe s. Aucune fois un home commet et fait adultere, Oresme, Eth. 143. Et toutevoies dit Aristote que l'en doit très peu de choses commettre au juge, Oresme, ib. 162. Le duc de Normandie, qui y estoit commis De par le roy son pere…, Guesclin. 602. … Trente sergans avoit, en la ville commis, Qui toute jour les sievent armés et fervestis, Baud. de Seb. VIII, 1198. En commettant [encourant] les peines qui sur ce ont esté indictes et ordonnées, Ordonn. des rois, t. VI, p. 72, dans DU CANGE, committere. Jà ce fust que li Romains li eussent commis et donné leur empire, Bercheure, f° 24, recto.

XVe s. Je feuz commis à porter ceste parolle à ce jeune duc, Commines, IV, 1.

XVIe s. Les excez incomparables qui, en ses terres, ont esté par toy commiz, Rabelais, Garg. I, 31. À l'artillerye feut commiz le grand escuyer Toucquedillon, Rabelais, ib. I, 25. Le connestable ayant esté commis pour passer le Tesin, Montaigne, I, 53. Au lieu où le crime est commis, Montaigne, I, 71. Commettre sa vie et sa liberté entre les mains de ses ennemis, Montaigne, I, 134. Les pedantes empirent ce qu'on leur commet, Montaigne, I, 146. S'estant parfaictement commis l'un à l'aultre, ils tenoient parfaictement les renes de l'inclination l'un de l'aultre, Montaigne, I, 214. Les petis enfans mesmes chanteroyent les louanges des hommes valeureux, par qui ces beaux actes auroyent esté commis, Lanoue, 430. Massacres qui en plusieurs lieux se commettoyent, Lanoue, 605. Les centaures s'estant enyvrez commeirent plusieurs insolences, jusques à vouloir prendre les femmes à force, Amyot, Thésée, 38. Esperant que le peuple se jetteroit du tout entre ses bras, et se commettroit à luy seul, Amyot, Péric. 61. Les larcins et pilleries que l'on commet en voz finances, Amyot, Arist. 10. Se deliberant de n'user plus de surprise, ains de commettre tout au hazard d'une bataille rangée, Amyot, Eum, 31. Nous en voyons qui n'auroient pas le cœur de commettre une voyelle avec une voyelle en parlant, Amyot, De la mauv. honte, 19. On les auroit voulu commettre [mettre aux prises] sans aucune raison, D'Aubigné, Vie, LV. Vous devez commettre à ceux qui servent Henri de Bourbon le salut de votre personne, D'Aubigné, ib. XCII. Concluant et requerant iceux comtez et autres pays mouvans de la couronne, estre declarez, par arrest, commis et confisquez, adjugez et reunis à la couronne, Du Bellay, M. 435.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. cometre ; espagn. cometer ; ital. commettere ; du latin committere, de cum, avec, et mittere, mettre (voy. METTRE).