« choquer », définition dans le dictionnaire Littré

choquer

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

choquer

(cho-ké) v. a.
  • 1Donner un choc contre. Il ne voit point d'écueil qu'il ne l'aille choquer, Boileau, Sat. VIII. L'oiseau de Jupiter… Choque de l'aile l'escarbot, La Fontaine, Fabl. II, 8. Ayant choqué celui qu'ils virent les armes à la main contre lui, ils l'avaient porté à terre, Scarron, Rom. com. II, 14. La phalange aussi choqua la bataille [le corps de bataille] des Indiens, qui fut rompue tout d'un coup, Vaugelas, Q. C. 491. Quelque jour ce jeune lion Choquera la rébellion, En sorte qu'il en sera maître, Malherbe, VI, 16.

    Familièrement. Choquer le verre, trinquer. Et pour choquer, Nous provoquer, Le verre en main, en rond nous attaquer, Béranger, Trinquons.

    Absolument, en ce sens. Choquons. Voulez-vous choquer avec moi ?

  • 2 Fig. Offenser, blesser, déplaire. Soit qu'il plaise à mes yeux, soit qu'il me choque en l'âme, Corneille, Othon, II, 5. Ah ! rien de votre part ne saurait me choquer, Corneille, Nicom. V, 5. Ou si ce nom vous choque ailleurs qu'en Arménie, Corneille, ib. III, 2. En faveur des chrétiens s'il choquait son courroux, Corneille, Poly. V, 1. Encor que de ma part tout vous choque et vous blesse, Rotrou, Vencesl. I, 1. On ne le peut heurter qu'on ne me choque en lui, Rotrou, Bélis. IV, 6. Dès que les hommes choquent notre goût, Massillon, Pardon. Les dominicains sont trop puissants, et la société des jésuites est trop politique pour les choquer ouvertement, Pascal, Prov. 2. Des décrets qui choquent vos sentiments, Pascal, ib. 18. Toujours au plus grand nombre il faut s'accommoder, Et jamais il ne faut se faire regarder ; L'un et l'autre nous choque ; et tout homme bien sage Doit faire des habits ainsi que du langage, Molière, Éc. des maris, I, 1. L'hippogriffe n'a rien qui me choque l'esprit, La Fontaine, Coupe. Une robe toujours m'avait choqué la vue, Racine, Plaid. II, 6. Ce qui me choque de ces beaux esprits, c'est qu'ils ne se rendent pas utiles à leur patrie, Monte, Q. Lett. pers. 36. J'ignore comment il faut présenter au roi le détail de Fontenoi et les autres événements qui ne peuvent choquer que sa modestie, Voltaire, Lett. duc de Choiseul, mars 1762.

    Absolument. On vous dira de là-haut qu'on peut quelque chose de difficile, puisqu'on peut embrasser tout ce qui choque, Bossuet, la Vallière. Un remède infaillible pour empêcher que les hardiesses ne choquent, c'est de ne les employer que dans la passion, Boileau, Longin, sublime, 31.

  • 3Être contraire ou agir contrairement à. Si on choque les principes de la raison, Pascal, Rel. 2. Elles ont quelque chose qui choque la bienséance, Corneille, Ex. du Cid. De notre Sparte il choquera les lois, Corneille, Agésil. II, 6. Vous prétendez choquer ce que j'ai résolu, Molière, Sgan. 1. Quatre choses choquaient la liberté de Rome, Montesquieu, Esp. XI, 14. Ce dessein, don Juan, ne choque point ce que je dis, Molière, le Festin, V, 3. S'ils choquent les bonnes mœurs, ils seront notés d'infamie, Voltaire, Lett. à Mlle Clairon, 27 août 1761.

    Choquer l'oreille, produire des sons, joindre des mots qui offensent l'oreille ; et figurément, tenir des propos qui déplaisent.

  • 4 En termes de marine, choquer un cordage tendu, le filer avec précaution.

    Choquer du câble, en filer dehors.

  • 5Se choquer, v. réfl. Recevoir et donner un choc. Ces deux voitures se sont choquées. Il conçut que ces grands corps, qui semblaient en se choquant préparer leur communes ruines, étaient au fond des institutions salutaires, Voltaire, Babouc. Les astres brisant leurs orbites Se choquent dans l'immensité, Delavigne, Paria, IV, 7.

    Par extension, former un hiatus. Que vous songiez à accommoder des consonnes qui se choquent et à mesurer des périodes…, Voiture, Lett. 186.

    En venir aux mains, en parlant d'hommes ou de troupes qui s'abordent pour se combattre. Tant qu'on ne s'est choqué qu'en de légers combats, Corneille, Hor. I, 1. Faut-il faire tomber le fer de la main de deux armées prêtes à se choquer, Fléchier, II, 89. On s'aborde, on se choque, on fait feu de part et d'autre, Courier, 1re lettre particulière.

    S'offenser. C'est un homme qui se choque de tout.

    Être en désaccord, aller mal ensemble. Ses vers… bouffis de grands mots qui se choquent entre eux, Gilbert, le XVIIIe siècle.

SYNONYME

CHOQUER, HEURTER. Choquer, venant de souche ainsi qu'on le voit à l'étymologie de choc, signifie proprement faire trébucher, comme celui qui heurte du pied une souche. Heurter veut dire proprement porter un coup ; c'est pour cela qu'on dit heurter à une porte, et non la choquer ; la choquer, ce serait y frapper à l'effet de l'enfoncer. Une légion romaine qui allait choquer l'ennemi, le chargeait pour le faire trébucher, mais elle ne le heurtait pas : car ici heurter aurait un sens moins précis. En suivant la nuance on trouve que choquer indique plutôt une action faite par une cause extérieure sur un objet, et heurter une action involontaire : Un heurt survient : adieu le char ; Voilà messire Jean Chouart Qui du choc de son mort a la tête cassée, La Fontaine, Fabl. VII, 11. Un heurt, parce que c'est le char lui-même qui a rencontré un caillou ; un choc voudrait dire qu'une autre voiture l'a rencontré. Le choc de son mort, parce que c'est un objet extérieur ; le heurt ne serait pas bon ici. On se heurte la tête, parce qu'on ne le fait pas exprès ; mais un homme qui veut se tuer se choque la tête contre la muraille ; deux béliers qui se battent choquent leurs têtes. Au figuré, heurter les opinions reçues, c'est leur faire éprouver un heurt, c'est-à-dire se rencontrer en opposition avec elles ; choquer des opinions reçues, c'est leur infliger un choc, une offense.

HISTORIQUE

XVIe s. Il allait chocquant sa teste contre la muraille, Montaigne, I, 23. Un de ses ancestres mourut-il pas chocqué par un pourceau ? Montaigne, I, 74. Pour avoir choqué contre la porte de…, Montaigne, ib. Des vices qui chocquent la conscience, Montaigne, I, 122. C'est une incivile importunité de chocquer tout ce qui n'est pas de nostre appetit, Montaigne, I, 166. Ils disent que ses arguments sont foibles, et entreprennent de les chocquer ayséement, Montaigne, II, 150. Et ainsi alla de grande roideur chocquer les ennemis, lesquels soustinrent ce premier choc vaillamment, Amyot, Timol. 37.

ÉTYMOLOGIE

Choc ; espagn. chocar.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

CHOQUER. Ajoutez :
6Se choquer de, être offensé par. Notre vanité aura beau se choquer des souvenirs, gratter les fleurs de lis…, Chateaubriand, Mém. d'outre-tombe, t. X, p. 16, 1850.