« attacher », définition dans le dictionnaire Littré

attacher

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

attacher

(a-ta-ché) v. a.
  • 1Joindre, fixer une chose avec une autre. Attacher avec des clous. Attacher au poteau. On lui attacha les mains. Attacher la vigne aux échalas.
  • 2 Fig. Attacher les yeux sur quelqu'un. Il attachait les regards de la foule. Il ne manque souvent à un ancien galant, auprès d'une femme qui l'attache, que le nom de mari, La Bruyère, 3. Et qu'est-ce que l'homme, pour que vous y attachiez votre cœur ? Chateaubriand, Mart. 66. Mais dérober son âme à de si doux appas Pour attacher son cœur à ce qu'on n'aime pas, Corneille, Othon, I, 3. Si sa beauté dès lors n'eût allumé nos feux, Le devoir auprès d'elle eût attaché nos vœux, Corneille, Rodog. IV, 3. L'hymen qui nous attache en une autre famille, Corneille, Hor. III, 4. Un père à qui le sang l'attache, Corneille, Héracl. III, 1. Pour mieux assurer la honte de leurs fers, Tous voulaient à leur chaîne attacher l'univers, Corneille, Cinna, I, 3. Je n'attendais pas moins de cet amour de gloire Qui partout à vos pas attache la victoire, Racine, Bérén. II, 2. Un oracle effrayant m'attache à mon erreur, Racine, Iphig. II, 1. Non que pour Octavie un reste de tendresse M'attache à son hymen et plaigne sa jeunesse, Racine, Brit. II, 2. C'est lui, seigneur, c'est lui dont la coupable audace Veut, la force à la main, m'attacher à son sort, Racine, Mithr. I, 2. Vous que l'amitié seule attache sur ses pas, Racine, Bérén. III, 1. Montrez à l'univers, en m'attachant à vous, Que, quand je vous servais, je servais mon époux, Racine, Baj. II, 1. S'il ne m'attache à lui par un juste hyménée, Racine, ib. I, 3. Plus fier de t'attacher ce nouveau diadème, Plus grand de te servir que de régner moi-même, Voltaire, M. de Cés. I, 4. Tu te fais une joie orgueilleuse et cruelle D'attacher sur mon front une honte éternelle, Delavigne, Vêpres Sicil. III, 2. Il se vantait insolemment qu'il avait trouvé le secret d'attacher à Métellus un remords et une furie vengeresse, Vertot, Rév. rom. liv. IX, p. 395.
  • 3Faire dépendre de. À votre tête, Les dieux ont d'Ilion attaché la conquête, Racine, Iphig. I, 2. Le ciel n'a point aux jours de cette infortunée Attaché le bonheur de votre destinée, Racine, ib. V, 2. Rome n'attache point le grade à la noblesse, Corneille, Sertor. II, 2. Peste soit qui premier trouva l'invention De s'affliger l'esprit de cette vision Et d'attacher l'honneur de l'homme le plus sage…, Molière, Sganar. 17.
  • 4Donner, attribuer. Attacher de l'importance ou du prix à quelque chose. Attacher une peine à. Quoiqu'on attache à ce mot une idée de justice. Il attache à ce mot un tout autre sens que vous. Rome, à ce nom si noble et si saint autrefois, Attacha pour jamais une haine puissante, Racine, Bérén. II, 2.
  • 5Intéresser, plaire. Attacher les esprits. Les fables ne vous attachent pas. … nous attachant à des récits Qui mènent à son gré les cœurs et les esprits, La Fontaine, Fab. VII, dédic. Un enfant qu'à six ans les romans attachent, Rousseau, Confess. II. Inventez des ressorts qui puissent m'attacher, Boileau, Art poét. III. Si le monde n'attachait les hommes que par le bonheur de leur condition présente, comme il ne fait point d'heureux, il ne ferait point d'adorateurs, Massillon, Dauphin.

    Absolument. Vous dites que vous ne contez pas bien ; je ne connais personne qui attache autant que vous, Sévigné, 35.

  • 6Lier par l'affection, par le devoir. Tout ce qui attache à la vie. Il fallait attacher le peuple au nouveau gouvernement. S'attacher quelqu'un par de bons offices.
  • 7Adjoindre, associer. Il a attaché son sort à la fortune de Rome. Attacher son nom à un événement. Il l'attacha à son service, il le prit pour domestique. Ce jeune homme sera attaché au ministère. Il s'attacha cet officier.

    S'ATTACHER, v. réfl.

  • 8Se joindre, se fixer à. La glu s'attache à la main. La vigne s'attache à tout ce qu'elle rencontre. Si vous saviez par combien d'imperceptibles liens les richesses s'attachent et, pour ainsi dire, s'incorporent à votre cœur…, Bossuet, le Tellier.
  • 9 Fig. Ne pas quitter, suivre, se fixer à. S'attacher aux pas de quelqu'un. Je m'attacherai à vous. S'attacher à la poursuite de l'ennemi. S'attacher à la fortune, à la destinée de quelqu'un. Un puissant intérêt s'attache à ces souvenirs. Sur les deux combattants tous les yeux s'attachèrent, Voltaire, Henr. X. Plus la nuit est obscure, et plus mes faibles yeux S'attachent au flambeau qui pâlit dans les cieux, Lamartine, Harm. III, 5. Quelque terme où nous puissions nous attacher et nous affermir, Pascal, dans COUSIN. Les esprits de la cour s'attachent par les yeux, Malherbe, VI, 1. Non, non, c'est à Dieu seul qu'il faut nous attacher, Racine, Ath. III, 6. Dont l'esprit léger s'attache évidemment Aux attraits captieux de mon déguisement, Corneille, Rod. IV, 5. Mais elle-même, hélas ! de ce grand nom charmée, S'attache au bruit heureux que fait sa renommée, Corneille, Sert. I, 1. Je remarquai un homme dont la simplicité me plut : je m'attachai à lui, il s'attacha à moi ; de sorte que nous nous trouvions toujours l'un auprès de l'autre, Montesquieu, Lett. pers. 48. Qu'est-ce que l'épiscopat, quand il se sépare de l'Église, qui est son tout, aussi bien que du saint-siége qui est son centre, pour s'attacher contre sa nature à la royauté comme à son chef ! Bossuet, Reine d'Angl.
  • 10Se lier par affection, par devoir. Nous nous attachâmes l'un à l'autre. S'attacher à une femme. S'attacher à la personne des rois. C'est ainsi que les peuples s'attachent aux maisons royales, Bossuet, Polit. Je m'attache un peu moins aux intérêts d'un homme, Corneille, Hor. I, 1. Et je soupçonnerais un crime dans les vœux D'un homme qui s'attache à tout ce que je veux ! Corneille, Othon, V, 1.
  • 11S'appliquer à, rechercher. S'attacher à la vertu. Il s'attache à la philosophie. S'attacher à perdre quelqu'un. Cet écrivain s'attache particulièrement à être clair. Les hommes ne s'attachent pas assez à ne point manquer les occasions de faire plaisir, La Bruyère, 11. Tout le mien [mon esprit] s'attachait aux périls de la paix, Corneille, Sertor. IV, 3. On ne s'attache point sans un remords bien rude à tant de perfidie et tant d'ingratitude, Corneille, ib. V, 4. L'âme, de son dessein jusque-là possédée, S'attache aveuglément à sa première idée, Corneille, Cinna, III, 2. Achillas et Septime S'attacheront peut-être à quelque autre maxime, Corneille, Pomp. I, 1. En vain à l'observer jour et nuit je m'attache, Racine, Phèd. I, 2. À vous faire périr sa cruauté s'attache, Racine, Athal. IV, 2. Elle s'attache à ôter aux prophéties leurs auteurs, Bossuet, Hist. II, 13. Je me suis attaché à vous découvrir les causes, Bossuet, ib. III, 7. Ne s'attachant [ne faisant attention] qu'à l'étroite signification d'efficient, Descartes, Rép. 1. Le sort dont la rigueur à m'accabler s'attache, Voltaire, Brut. III, 5.
  • 12 En termes de manége, un cheval s'attache à l'éperon, quand, au lieu de céder, il se pousse du côté où le cavalier approche l'éperon.

HISTORIQUE

XIe s. À une estache l'ont atachet cil serf, Ch. de Rol. CCLXXII.

XIIe s. [L'enseigne] As fers de lances atachée et levée, Ronc. p. 70.

XIIIe s. Et chascune galie fu atachie à un huissier [sorte d'embarcation] pour passer seürement, Villehardouin, LXX. Cele [dame] m'a si fort atachié, Que [je] n'en puis estre deslachié, Lai d'Ignaurès. Et por ce voil que tu le saches Que por riens ton cuer n'i ataches, la Rose, 5374.

XVIe s. Dieu prendra à cœur tous les outrages que nous feront les tyrans, comme s'ils s'estoient attachés [attaqués] à son propre fils, Calvin, 247. Comme si la destinée avoit attaché la victoire à ses membres, Montaigne, I, 15. Il attache une chorde à l'un des bras du prisonnier, Montaigne, I, 239. Si vous leur attachez un bon coup d'espée en la poictrine, Montaigne, II, 147. Le remora arreste les vaisseaux ausquels il. s'attache, Montaigne, II, 180. Après suyvoient douze cens harquebusiers en quatre troupes, ayans charge d'attacher [attaquer] les corps de garde de l'infanterie ennemie, puis donner dans leur quartier, Lanoue, 567. Il fit attacher une escarmouche, Lanoue, 653. Craignant que le grand nombre de sa flotte ne fust cause de les faire fouir en terre avant qu'il les peust attacher, il… Les ennemis s'attacherent incontinent à les investir et combattre ; mais ilz ne furent pas plus tost attachez, que ceulx qui estoient demourez derriere arriverent, Amyot, Alc. 58. À la porte y avoit un chien attaché, qui faisoit le guet et estoit terrible à tout le monde, Amyot, Pélop. 65. Antiochus ne demandoit que quelque occasion de s'attacher [s'attaquer] aux Romains, Amyot, Flamin. 17. Il se joignit avec Aristides, et s'attacha à Ephialtes [prit parti contre lui], Amyot, Cimon, 17. Quelques uns s'attachent [tiennent] à la cadence des periodes, D'Aubigné, Hist. Préf. 3. Il assiege Mouzac, qui avoit double fossé, quatre esperons de terre attachez de quatre courtines, D'Aubigné, ib. II, 161.

ÉTYMOLOGIE

À et tacher ; bourguig, étaiché ; picard, attaker. On verra au mot TACHER le sens propre de tache, tacher, qui explique celui d'attacher ou d'attaquer, mots qui ne diffèrent que par la prononciation.