« aliéner », définition dans le dictionnaire Littré
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aliéner
- 1Transférer à un autre une propriété. Aliéner son bien, son revenu.
Dieu, quoiqu'il vous en ait laissé l'usage [des biens ecclésiastiques], n'en a aliéné ni le fonds, ni la propriété, puisqu'il peut vous les ôter par la mort, par l'injustice des hommes…
, Massillon, Usage des biens ecclés.Fig.
Il ne vous est pas permis d'aliéner un pareil soin
, Rousseau, I, 17. - 2 Fig. Rendre hostile.
Par là il aliéna les esprits des peuples
, Bossuet, Hist. I, 11.Je choquerai le maître qui m'emploie ; j'aliénerai de moi le protecteur qui m'a placé
, Bourdaloue, Pensées, t. I, p. 18.Par ses fureurs déplacées, elle aliène l'esprit de son fils…
, Diderot, Ess. sur. Claude.S'ALIÉNER, v. réfl.
- 3Être aliéné, vendu. Cette terre ne peut s'aliéner.
Si un homme peut légitimement s'aliéner à un autre
, Rousseau, Ém. v.Il n'est pas permis de s'aliéner à des princes auxquels on ne doit rien
, Rousseau, Hél. I, 34. - 4S'aliéner, se séparer.
Toute société partielle s'aliène de la grande
, Rousseau, Ém. I. - 5S'abstraire.
Je sais aussi m'aliéner, talent sans lequel on ne fait rien qui vaille
, Diderot, Lettr. à Mme Riccoboni. - 6Tourner à la folie. Son esprit s'aliène. Cet homme s'est aliéné tout à coup.
HISTORIQUE
XIIIe s. Bourgois ne puet pas aliener la chose de la commune sanz le commandement le roi
, Liv. de just. 47. Et se le clamant dit que… fié ne se peut vendre ne aliener, que par l'assise des ventes ou par partie de servise…
, Ass. de J. 63. Chascun peut le sien doner et aliener par sa volenté
, ib. I, 183.
XIVe s. Et se leur tristece est alegée ou alienée pour l'une cause ou pour l'autre, nous n'en diron plus à present
, Oresme, Eth. 289. Laquelle chose eust le pueple aliené en celui temps très perilleux
, Bercheure, f. 38, recto.
XVe s. Le chevalier s'excusa et dit que l'heritage du roi d'Angleterre, il ne pouvoit vendre, donner ni aliener que il ne fust trahistre
, Froissart, II, III, 10.
XVIe s. Ils vous diront que vostre doux langage Les cœurs humains aliene et engage
, Saint-Gelais, 32. … Et si du tout alienés vous n'estes Par nos deffauts de nous et nos requestes…
, Saint-Gelais, 217. Il approuva seulement les donations qui ne seroient point procedées de sens aliené par quelque griefve maladie
, Amyot, Solon, 40. Ilz se partirent l'un d'avec l'autre, encore plus alienez qu'ilz n'estoient auparavant
, Amyot, Lucul. 72. Avec puissance de vendre et aliener ce qui appartenoit à la chose publique
, Amyot, Cicéron, 14. Caesar, qui plus est, aliena fort Pompeius de luy [Cicéron]
, Amyot, ib. 39. Et ne faut point s'estonner si ce malheureux print plaisir à souiller cette chair alienée [privée] de sentiments
, Yver, p. 561. Ce qui lors fut jugé aliené [bien éloigné] des protestations qu'ils avoient faites, de ne prendre autre chose que la manutention de ladite religion
, D'Aubigné, Hist. III, 331. Les susdits humeurs se convertissent en diverses et alienées substances, qui ne ressemblent en rien aux humeurs, mais à plusieurs choses estranges
, Paré, V, 4. Vous ne lui deveriez pas aliener ses biens
, Palsgrave, p. 420. Vous avés aliené ce jeune homme de vous à tort et sans cause
, Palsgrave, ib.
ÉTYMOLOGIE
Alienare, de alienus, de alius, autre ; provenç. alienar.
SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE
ALIÉNER. - REM. J. J. Rousseau a dit : Aliéner la tête, pour rendre fou. Je ne suis ni jour ni nuit un seul instant sans souffrir, ce qui m'aliène tout à fait la tête… Lettre à Moultou, 18 janv. 1761.